Au Québec, le gouvernement commence par rénover son cadre de relations de travail avec ses fonctionnaires par la Loi sur le service civil (SQ, 1943, c. 9) en 1943. Puis, en 1944, il adopte la Loi des relations ouvrières (SQ 1944, c. 30) qui constitue la timide ébauche de ce qui deviendra le Code du travail (SQ 1964, c. 45). Enfin, il adopte la Loi des différends entre les services publics et leurs salariés (SQ 1944, c. 31) qui crée un régime de négociation distinct pour les salariés de ce qu’on désigne sous le vocable de services publics, municipal, de la santé et de l’éducation.
Cette époque marque, formellement, l’ouverture du cycle de la libre contractualisation des rapports collectifs de travail. Libre contractualisation, oui mais, seulement pour le secteur privé et très sévèrement encadré (pour ne pas dire fortement réprimé) par le gouvernement de l’Union nationale dirigée par Maurice Duplessis de 1944 à 1959.
Après la guerre, les syndicats se heurtent au libéralisme économique des gouvernements. La partie patronale et le gouvernement du Québec manifestent un anti-syndicalisme virulent. Les grèves sont très dures. L’emploi de briseurs de grève et l’intervention de la police provinciale lors de conflits de travail, sont des faits réels. Certains syndicats ont à subir les effets de la chasse aux communistes.
Les années quarante
Les années quarante s’ouvrent dans un contexte d’hostilités ouvertes entre certains États : la Deuxième Guerre mondiale. Cette période sera prolifique en matière de régulations exceptionnelles. Le gouvernement fédéral s’empresse, dès le début de la décennie, d’étendre à toutes les industries de guerre les dispositions de la loi fédérale de 1907 sur les différends industriels. Rappelons qu’en vertu de cette loi, toute grève est interdite avant la fin d’une période obligatoire de conciliation et d’arbitrage. Le gouvernement fédéral, toujours en 1940, suite à une rencontre avec les dirigeants syndicaux, émettra une "déclaration de principes" enjoignant les entreprises qui veulent obtenir des contrats de guerre à ne pas empêcher la formation d’organisations syndicales dans leurs entreprises et à conclure de "bonne foi" des conventions collectives avec leurs salariés. Cette déclaration de principes aura peu d’effets. En décembre 1940, le gouvernement fédéral adopte le décret C.P. 7440 par lequel les salaires sont gelés, sauf s’ils sont inférieurs à leur niveau des années 1926-29 ou sauf "circonstances particulières au plan industriel et régional". Sur la base de ces deux critères, des hausses n’excédant pas 5% sont autorisées. En 1941, le gouvernement fédéral adopte un nouveau décret (C.P. 8253) qui a pour effet d’étendre le contrôle des salaires à tous les employeurs.
Suite à une vague de grèves importantes visant à freiner l’érosion du pouvoir d’achat imputable au gel des salaires imposé par le gouvernement central, celui-ci révisera sa stratégie en matière de négociation collective. C’est en effet en 1943 que le gouvernement d’Ottawa adopte les "Règlements de relations ouvrières en temps de guerre" (C.P. 1003). Par ce règlement, les employeurs sont tenus de négocier de bonne foi des conventions collectives avec les syndicats qui obtiennent l’appui majoritaire des salariés.
Selon Riddell, l’adoption du décret C.P. 1003, représente "le texte législatif le plus important pour les relations ouvrières au Canada"[1]. Bien qu’il soit orienté positivement vers la libre négociation entre les parties, ce document législatif "semble avoir été motivé plus par le désir de réduire le nombre d’arrêts de travail pendant la guerre que par celui de favoriser la négociation collective et la syndicalisation"[2].
Toujours durant la Deuxième Guerre mondiale, un nouveau décret (C.P. 9384) imposera de lourdes sanctions en cas de grèves déclenchées avant la fin de la période obligatoire de conciliation et d’arbitrage[3]. Si, d’un côté, le gouvernement central y va d’un certain nombre de concessions à l’endroit des syndicats, de l’autre côté, il adopte des règlements plus sévères à leur égard.
En 1944, le gouvernement du Québec adoptera une loi très importante en matière de relations de travail. Il s’agit de la "Loi des Relations ouvrières"[4], qui reprend les principales dispositions du décret C.P. 1003.
Avant de procéder à un examen de cette loi, signalons qu’en 1943, le gouvernement du Québec adopte la "Loi du service civil"[5], par laquelle il mandate la "Commission du service civil" pour formuler des recommandations en matière de fixation des traitements des diverses classes de fonctionnaires et de fixation des heures de travail et des congés. Ce vent d’espoir pour les salariés à l’emploi du gouvernement du Québec sera de courte durée[6].
C’est le 3 février 1944 que le gouvernement du Québec adopte la "Loi des Relations ouvrières"[7]. Cette loi fixe le cadre juridique pour la reconnaissance syndicale, la négociation collective et la grève[8]. Elle s’inspire elle aussi des lois adoptées sous Roosevelt, lors du New Deal, en vue d’assurer la paix industrielle. Les principales dispositions de la loi sont les suivantes :
o le droit d’association est réaffirmé pour les salariés qui entendent se regrouper à l’intérieur du syndicat de leur choix ;
o le syndicat qui obtient l’adhésion majoritaire des salariés se voit accorder une accréditation de la part de la Commission des Relations ouvrières ;
o l’employeur est obligé de négocier de "bonne foi" une convention collective avec l’association représentative des salariés ;
o en cas d’échec des négociations, la loi prévoit le recours obligatoire à la conciliation et à l’arbitrage avant l’exercice du droit de grève ou de lock-out ;
o le recours à la grève est interdit pendant la durée de la convention collective[9].
Si cette loi met en place de nouvelles "règles du jeu" en matière de relations professionnelles, elle ne s’applique pas à tous les secteurs de l’activité économique. Au moment où la "Loi des Relations ouvrières" reçoit la sanction royale, une autre, la "Loi des différends entre les services publics et leurs salariés"[10] est sanctionnée. Cette loi fait suite aux grèves survenues dans les services municipaux de Montréal en 1943. Elle a pour effet d’interdire la grève ou la contre-grève dans les "services publics" ; tout différend concernant les conditions de travail est soumis à l’arbitrage, la sentence arbitrale est obligatoire pour l’employeur. Les "services publics" définis dans la loi sont les suivants :
o les corporations municipales et scolaires ;
o les institutions d’assistance publique ;
o les asiles d’aliénés ;
o les entreprises de transmission des messages télégraphiques ou téléphoniques, de transport par chemins de fer (sauf ceux sous la juridiction du parlement du Canada) ou tramways, de navigation, de production, transmission, distribution ou vente de gaz, d’eau ou d’électricité ;
o les services du gouvernement de la province, mais à l’égard seulement des fonctionnaires et ouvriers visés par la loi du service civil[11].
Les salariés des hôpitaux et de l’éducation ont le droit de se syndiquer, les différends sont soumis à la procédure d’arbitrage avec sentence exécutoire. Rappelons que l’interdiction de recourir à la grève, jusqu’à l’adoption de cette nouvelle loi, ne frappait que les salariés des hôpitaux et des établissements d’assistance publique. Avec la "Loi des différends entre les services publics et leurs salariés", l’interdiction de recourir à la grève frappe de nouveaux salariés des "services publics".
Le gouvernement fédéral promulgue, en 1948, la "Loi sur les relations industrielles et sur les enquêtes visant les différends du travail"[12]. Cette loi appliquait en temps de paix les dispositions essentielles du décret C.P. 1003. En regard de ses aspects principaux, la politique du gouvernement canadien en matière de relations industrielles, esquissée dans la législation adoptée après la guerre :
reconnaissait aux travailleurs qui répondaient à la définition légale d’employé le droit de se coaliser et de former des syndicats ;
protégeait leur droit à négocier collectivement au moyen de mesures sur les pratiques déloyales qui interdisaient à l’employeur et au syndicat de faire des actes contraires à ce droit ;
instaurait un système qui consistait à définir les unités de négociation appropriées et à accréditer des représentants exclusifs lors des négociations ;
exigeait que syndicats et employeurs négocient de bonne foi ;
enfin, chargeait un conseil des relations du travail (le plus souvent), mais dans certains cas un tribunal juridique, de faire respecter les droits et obligations de chacun[13].
Si, à première vue, le Wagner Act semble avoir beaucoup influencé les nouvelles dispositions relatives aux négociations collectives, plusieurs auteurs insistent sur le fait que le gouvernement canadien se serait davantage préoccupé que son pendant américain d’assurer la paix sociale, en s’appropriant le soin de réglementer les pratiques en vigueur dans l’industrie pour éviter les arrêts de travail. En conséquence, la législation canadienne du travail prévoyait :
l’ajournement obligatoire des grèves et lock-out pendant une procédure obligatoire de médiation ou de conciliation, ou les deux ;
l’interdiction des grèves ou des lock-out pendant la durée des conventions collectives, plus une disposition selon laquelle ces dernières devaient prévoir un autre moyen de résoudre les différends relatifs à leur interprétation et à leur application ; (...)[14].
Le système des relations de travail qui se met en place au Canada et au Québec avec la Loi des Relations ouvrières et "La loi fédérale d’enquête sur les différends dans les relations de travail" est, selon Weiler, "un système très dirigiste de négociation collective"[15], plus réglementé, en période de paix, que le système des relations professionnelles "imposé par la plupart des autres démocraties occidentales industrialisées lorsque prévaut un état d’urgence nationale"[16]. Il y a lieu, selon Weiler, de pondérer l’association qu’on fait entre les lois canadiennes du travail et le Wagner Act[17]. "Assurer la paix sociale a été le but principal des personnes qui ont élaboré ce système juridique"[18]. Riddell adoptera une perspective similaire à celle de Weiler sur cette question :
Comme nous l’avons déjà souligné, l’adoption du décret C.P. 1003, probablement le texte législatif le plus important pour les relations ouvrières au Canada, semble avoir été motivée plus par le désir de réduire le nombre d’arrêts de travail pendant la guerre que par celui de favoriser la négociation collective et la syndicalisation. Au cours de l’après-guerre, la réglementation des grèves et des lock-out s’est développée[19].
Même si les syndicats se voient juridiquement reconnus, en 1944, par le gouvernement fédéral et celui de la province de Québec, il ne faut pas conclure trop rapidement sur la nature du changement apporté par les nouvelles mesures législatives de ces deux composantes de l’État canadien. Ces mesures répondent, d’abord en 1944, à des impératifs étatiques[20] nettement identifiés aux besoins de la guerre. Le nouveau système de relations de travail d’après-guerre, tout en semblant s’orienter vers la libre contractualisation des conditions de travail et de rémunération, n’était nullement dirigé vers une pleine reconnaissance de l’exercice des rapports de force au sein des entreprises. Dans les faits, les gouvernements semblaient davantage préoccupés par la continuité de la production plutôt que par l’élargissement des droits des salariés dans les entreprises. Ces lois imposaient un carcan disciplinaire très important[21] au mouvement syndical. Sa liberté de mouvement était entravée. Si nouveau régime de relations professionnelles il y avait, il ne correspondait pas tout à fait à la pleine liberté des parties contractantes d’exercer les pressions qu’elles jugaient nécessaires au moment qu’elles détermineraient elles-mêmes[22]. C’est donc avec hésitation, comme le souligne fort à propos Riddell, que les gouvernements d’Ottawa et de Québec ont adopté "une politique favorable à la négociation"[23].
Il faut donc attendre les années 1940 pour que les gouvernements d’Ottawa et de Québec adoptent des mesures législatives favorisant timidement la liberté syndicale et le droit de négocier. Ce nouveau mode de régulation des rapports collectifs de travail dans le secteur privé, tout en accordant aux salariés le droit de négocier collectivement, ne leur permettait pas de recourir, quand bon leur semblait, à des moyens de pression. Le nouveau mode de régulation mis en place visait prioritairement à amener les parties à discuter et à négocier entre elles. Le gouvernement devait se tenir à l’écart de la négociation, se réservant tout au plus le droit d’intervenir à titre de protecteur de l’intérêt général.
Les salariés visés par la "Loi des différends entre les services publics et leurs salariés" (loi s’appliquant aux employés des secteurs de l’éducation et des hôpitaux), tout en ayant le droit de se syndiquer et de négocier, n’avaient pas le droit de recourir à la grève. De sorte que la détermination de leurs conditions de travail relevait d’un mécanisme d’arbitrage avec sentence exécutoire.
D’un droit "neutre"[24] en regard des relations professionnelles, les gouvernements d’Ottawa et de Québec adoptent, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, une attitude qui semble encourager la syndicalisation et la négociation. C’est du moins vrai pour le secteur privé, car dans le service civil (administration publique) les interdictions en regard des droits d’association, de négociation et de faire la grève sont toujours en vigueur. En ce qui concerne le secteur parapublic (hôpitaux et éducation), seuls existent les droits d’association et de négociation.
Jusqu’aux années soixante, les salariés des hôpitaux et de l’éducation seront assujettis au régime de l’arbitrage obligatoire. Les fonctionnaires n’auront aucun recours en matière de classification et de détermination des salaires et des conditions de travail. En ce qui concerne les enseignants, comme on le verra plus loin, on observe, pour la période allant de la Deuxième Guerre mondiale à la fin des années cinquante, une évolution pour le moins étonnante en regard de leurs droits à la syndicalisation, à la négociation et à celui de faire la grève.
De 1945 à 1960, on assiste à une nouvelle offensive anti-ouvrière du gouvernement provincial. Sous prétexte encore une fois de vouloir soustraire les syndicats à l’influence communiste, le gouvernement Duplessis adoptera des lois qui seront par la suite déclarées anti-constitutionnelles. Pour combattre les syndicats, le gouvernement de Duplessis se servira du "Règlement numéro 1"[25], adopté en 1946 par la Commission des relations de travail. Ce règlement décrète qu’une association doit être de bonne foi pour être reconnue par l’employeur. La Commission des relations ouvrières émet, lorsqu’elle juge un syndicat représentatif, un certificat de reconnaissance qui demeure la propriété de la Commission et non du syndicat. Un syndicat peut donc se voir retirer en tout temps son accréditation ; il suffit, pour ce faire, que la Commission estime que le syndicat n’est plus de bonne foi.
Les vingt années qui coïncident avec la période d’application de la "Loi des Relations ouvrières" sont caractérisées par l’adoption de lois particulières qui ont pour effet de soustraire divers groupes du "secteur public" de certaines dispositions de cette loi. Si, en vertu de cette loi, les syndicats d’enseignants obtiennent le droit à l’accréditation et, par conséquent, à la négociation d’une convention collective, ils n’ont pas le droit de faire la grève et sont soumis à l’arbitrage obligatoire.
En 1946, le gouvernement Duplessis adopte la "Loi pour assurer le progrès en éducation"[26]. Cette loi retire aux enseignantes et enseignants ruraux le droit à l’arbitrage. Outre cette disposition, la loi fixe le salaire minimum des institutrices et des instituteurs à l’emploi des municipalités rurales et enfin, dans les cités et villes, elle oblige que le rapport de conciliation et les décisions arbitrales soient soumis à l’approbation de la Commission municipale du Québec.
En 1947, la "Loi concernant les corporations municipales et scolaires et leurs employés"[27] oblige les conseils d’arbitrage à tenir compte dans leur sentence de la situation financière des employeurs exercant leur juridiction dans le territoire d’une cité ou d’une ville. La loi autorise un mécanisme d’appel auprès de la Commission municipale du Québec ; celle-ci a le pouvoir de modifier ou d’annuler toute sentence arbitrale et sa décision est sans appel.
En 1949, le gouvernement du Québec revient à la charge par l’adoption d’amendements à la "Loi concernant les corporations municipales et scolaires et leurs employés"[28]. Cette fois, les conseils d’arbitrage deviennent permanents, les sentences arbitrales, d’une durée de deux ans, ne peuvent contenir des clauses entrant en conflit avec les droits et pouvoirs attribués aux autorités scolaires et municipales en matière d’embauche, de suspension et de renvoi. Toute disposition ayant pour effet d’accroître les dépenses des commissions scolaires et des municipalités ne peut entrer en vigueur avant l’expiration de l’année financière.
L’année 1949 sera fertile en matière de négation des droits syndicaux et d’offensive anti-syndicale. Cette année-là, l’Alliance des professeurs de Montréal (APM) déclenche une grève qui sera jugée illégale par la Commission des Relations ouvrières (CRO). Celle-ci retirera donc le certificat d’accréditation de l’APM. En 1954, le Comité judiciaire du Conseil privé de Londres annulera cette décision de la CRO. Ce jugement sera rapidement contourné par l’adoption d’une loi (la Loi 20) qui aura pour effet de suspendre jusqu’en 1959 le certificat d’accréditation des professeurs de Montréal.
Mentionnons aussi qu’en janvier 1949, le gouvernement Duplessis présente au Parlement un projet de Code du travail[29] (le Bill 5) qui est une copie de la loi américaine Taft-Hartley. Ce projet de loi s’en prend aux syndicats qui comptent parmi leurs représentants des "communistes" ; sous ce prétexte fallacieux le syndicat s’expose à perdre automatiquement son certificat d’accréditation. Toutes les modifications proposées dans ce projet de loi s’attaquent à des droits syndicaux (atelier fermé, vote de grève, etc.). Devant la riposte syndicale, le gouvernement du Québec retire le projet de loi dont certaines dispositions seront par la suite adoptées à la pièce.
Les années cinquante
En 1950, le gouvernement du Québec poursuit son entreprise visant à soustraire de nouveaux salariés du système de relations de travail en vigueur depuis 1944. La "Loi concernant l’ordre public"[30] a pour effet de refuser aux policiers municipaux et aux pompiers le droit à l’accréditation et à la négociation.
En 1954, le gouvernement Duplessis revient à la charge avec deux projets de lois dont l’un est lié directement à la décision du comité judiciaire du Conseil privé de Londres concernant l’Alliance des Professeurs de Montréal.
Le projet de Loi 20 -"Loi modifiant la Loi des différends entre les services publics et leurs salariés"- mentionne que toute association ordonnant, déclarant ou favorisant une grève illégale ou dont les membres participent à une telle grève perd automatiquement son certificat de reconnaissance syndicale. Cette loi comporte une disposition pour le moins odieuse : elle a un effet rétroactif jusqu’au moment de la sanction de la "Loi des différends entre les services publics et leurs salariés", en 1944. La Loi 20 a pour effet de désaccréditer à nouveau le syndicat de l’APM[31].
Quant au projet de Loi 19, qui comporte lui aussi un caractère rétroactif à 1944, il prévoit la perte automatique du certificat d’accréditation de toute association de salariés qui compte parmi ses organisateurs ou officiers des communistes ou des gens qui ont des idées communistes. Ces termes ne sont nullement définis dans la loi.
Cette revue chronologique des principales lois du travail
permet de faire ressortir un certain nombre d’observations concernant la régulation de contrôle social (la définition des règles du jeu) en vigueur en matière de relations de travail.
Point commun à tous les secteurs couverts par la loi, les associations syndicales doivent en tout temps être en mesure de prouver leur bonne foi, sinon elles risquent de se voir retirer leur certificat d’accréditation. Toutefois, seuls les employés du secteur privé peuvent profiter des dispositions de la "Loi des relations ouvrières" de 1944. Bien que certaines lois s’appliquent indistinctement aux salariés syndiqués du secteur privé et des secteurs public et parapublic, ces derniers sont sous le joug de lois du travail qui ne s’appliquent qu’à eux seuls.
Fait à souligner, les salariés des "secteurs publics" au sens de la loi n’ont pas les mêmes droits en matière d’adhésion syndicale. Le recours à l’arbitrage est très strictement encadré par le gouvernement et demeure ouvert à la contestation auprès de la Commission municipale du Québec. Les principaux pouvoirs des Commissions scolaires en matière d’embauche, de suspension et de congédiement sont préservés intégralement. Le droit de grève est interdit aux salariés des hôpitaux et des écoles. Il va de soi que les employés du service civil n’ont toujours aucun droit.
Le régime de contractualisation collective des rapports de travail est très sévèrement encadré par le gouvernement ; en fait, les associations syndicales sont à peine tolérées. Leurs droits sont soumis à une redéfinition constante qui a pour effet de restreindre l’étendue de la négociation en ce qui concerne les salariés de l’éducation. Si régime de libre contractualisation il y a, encore faut-il ne pas oublier sa portée réelle.
Sur les « Lois spéciales » de retour au travail durant cette période
Dans le cadre d’un régime de libre contractualisation les salariés syndiqués constateront que leurs droits de négocier et de faire la grève sont susceptibles de faire l’objet d’une remise en question unilatérale de la part du législateur. Ce sera au bout d’une semaine de conflit que le gouvernement libéral du Premier ministre Saint-Laurent décidera, en août 1950, de casser la grève générale des 130 000 salariés syndiqués (à l’emploi de la société d’État Canadien national et du Canadien Pacifique) par une loi spéciale ordonnant le retour au travail.
En juillet 1958 le gouvernement progressiste-conservateur de John G. Diefenbacker fera adopter une loi de retour au travail des grévistes de navigation sur la côte de la Colombie-Britannique.
Ce genre de lois dites spéciales s’accompagnera de fortes amendes et à l’occasion de peines d’emprisonnement (ou des deux à la fois). Le mouvement ouvrier organisé constatera rapidement que les libertés syndicales sont fragiles et précaires. Ce genre d’interventions ponctuelles et ad hoc de la part du « législateur » à l’occasion de certains conflits ira en s’accroissant au cours des deux prochaines périodes.
Yvan Perrier
27 août 2023
8h45
yvan_perrier@hotmail.com
[1] W. Craig Riddell, page 34.
[2] Ibid.
[3] Gérard Dion, page 948.
[4] Ibid, page 912.
[5] Ibid.
[6] Comme on le verra sous peu, le gouvernement Duplessis (1944 à 1959) diminuera les possibilités d’action de la Commission du service civil.
[7] Gérard Dion, op. cit., page 912.
[8] Jean-H. Gagné et Gérard Trudel, op. cit., page 53.
[9] CEQ-CSN, op. cit., page 154.
[10] Gérard Dion, op. cit., page 913. Jean-H. Gagné et Gérard Trudel, op. cit., page 34.
[11] Maurice Lemelin, op. cit., page 59.
[12] Gérard Dion, op. cit., page 873.
[13] Joseph M. Weiler, op. cit., page 12.
[14] Ibid.
[15] Ibid, page 14.
[16] Ibid, pages 14-15.
[17] "(...) contrairement au préambule du Wagner Act, les décrets édictés pendant la guerre ne proclament nullement que favoriser la négociation collective était une bonne politique économique. Le préambule du Wagner Act déclare en revanche que la politique officielle des États-Unis favorise la négociation collective pour équilibrer le pouvoir de négociation des travailleurs et celui des employeurs ainsi que pour augmenter les salaires, c’est-à-dire le pouvoir d’achat des premiers. Certains avaient prédit que cela mettrait fin au marasme économique. Or, il fallut attendre 1972 pour qu’on inclue dans le Code canadien du travail une disposition analogue, selon laquelle le Parlement entendait favoriser la négociation collective pour que tous puissent avoir une juste part des fruits du progrès.
Rien ne nous permet de croire que les principes économiques consacrés dans le Wagner Act ont influé sur le droit du travail qui est apparu au Canada pendant la seconde Guerre mondiale. Au contraire, notre pays se préoccupait plus des arrêts de travail que des augmentations de salaire, puisque les salaires étaient régis par le Conseil national du travail en temps de guerre". Ibid, page 16.
[18] Ibid, pages 14-15. Weiler écrira aussi : "Le principal motif poussant le législateur à créer ce cadre légal était la recherche de la paix ouvrière. Chacune des étapes menant à la création du système canadien de négociation collective dans les années 1940 suivait une sorte de crise ouvrière, habituellement une grève. Dans chaque cas, l’adéquation entre intérêt public et poursuite de la production, de même que l’absence de conflits économiques, amenaient les assemblées législatives à façonner la politique de la négociation collective comme fondement de la paix ouvrière." Joseph M. Weiler, cité par, W. Craig Riddell, op. cit., page 8.
[19] Ibid, page 34.
[20] Roch Denis, "État fédéral et syndicalisme", dans Yves Bélanger et Dorval Brunelle (dir.), L’ère des libéraux. Le pouvoir fédéral de 1963 à 1984, Montréal, Presses de l’Université du Québec, 1988, page 264.
[21] René Laperrière, La judiciarisation des relations de travail, Communication proposée au IIIe colloque du Regroupement québécois des sciences sociales, Montréal, 1990, pages 2 à 7.
[22] Contrairement à la Loi Wagner aux États-Unis, qui n’interdisait pas le recours à la grève durant la période d’application de la convention collective, au Canada et au Québec, le droit de grève se voyait très fortement encadré. Roch Denis, op. cit., page 263.
[23] W. Craig Riddell, op. cit., page 70.
[24] Ibid, page 6.
[25] Hélène David, op. cit., page 39.
[26] Gérard Dion, op. cit., page 913.
[27] Ibid, page 914.
[28] Maurice Lemelin, op. cit., pages 61-62.
[29] Hélène David, op. cit., page 42.
[30] Gérard Dion, op. cit., page 915.
[31] Maurice Lemelin, op. cit., page 62. Hélène David, op. cit., page 43.
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