Tiré de The Trump Effect : 5 threats to Canada’s progressive movements
The Breach Media
https://breachmedia.ca/trump-effect-canada/
Traduction Johan Wallengren
Jeudi 7 novembre 2024 / DE : Martin Lukacs, Lucy Uprichard, Tannara Yelland et Amanda Siino
Ne vous y trompez pas, l’élection de Donald Trump est un cadeau pour tous les réactionnaires du Canada.
Une nouvelle administration Trump exercera une pression directe sur le gouvernement fédéral dans de nombreuses sphères essentielles de la vie politique, créant ainsi un précédent dont voudront s’inspirer l’élite du monde des affaires et les politiciens de droite au Canada, qui réclameront un nivellement par le bas du même acabit dans notre pays.
L’ensemble du monde politique sera entraîné dans une spirale descendante, avec des lobbyistes qui pousseront le gouvernement canadien à opérer des baisses d’impôts applicables aux plus riches comparables à celles de Trump et des fabricants d’armes qui espéreront profiter de l’augmentation des dépenses militaires, en passant par des politiciens qui attiseront des mouvements de transphobie et de racisme anti-immigrés.
Nombre de ces mêmes forces ont cherché à profiter de la situation la dernière fois que Donald Trump était au pouvoir.
Voici cinq pressions dangereuses que l’élection de Trump exercera sur le Canada et méritant l’attention et la vigilance des mouvements progressistes.
1. Le lobby des entreprises exigera que le Canada imite Trump en réduisant l’impôt sur les sociétés
Les réductions d’impôts – en particulier au profit des plus riches – sont au cœur du programme de Donald Trump.
Celui-ci a « caressé l’idée » d’éliminer complètement l’impôt sur le revenu. Il a d’ailleurs fait cette réflexion que les États-Unis des années 1890 avaient été plutôt futés de ne pas prélever du tout d’impôt sur le revenu (et de ne pas fournir de services sociaux non plus).
Dans les faits, on peut s’attendre à ce qu’il réduise les impôts des plus riches et ramène celui sur les sociétés à 15 % pour les entreprises fabriquant leurs produits aux États-Unis (il avait déjà sabré dans cet impôt lors de sa présidence précédente, le faisant dégringoler de 35 % à 21 %).
Il faut s’attendre à ce que l’élite des entreprises canadiennes embrasse ces changements et clame la nécessité de maintenir la « compétitivité » de notre économie (langage codé pour dire : « par ici, les réductions d’impôts »).
C’est du moins ce qui s’est passé la dernière fois que Trump était au pouvoir.
Trump a de très fortes chances d’avoir une influence massive sur la politique canadienne au cours de son second mandat présidentiel.
En 2017, son administration a réduit les impôts de 1 500 milliards de dollars américains, un précédent historique qui a fait que les milliardaires américains ont pour la toute première fois payé moins d’impôt que la classe ouvrière. Très rapidement, au Canada, les groupes de pression du monde des affaires ont mis l’épaule à la roue pour arracher des concessions similaires au gouvernement libéral.
Le Conseil des affaires du Canada a exigé que « l’on se concentre sur la compétitivité avec l’acuité d’un laser », tandis que la Chambre de commerce du Canada a appelé à « réduire drastiquement le coût de faire des affaires au Canada ».
Le Globe and Mail a fait écho à ces revendications en admonestant le gouvernement, déclarant que « pour maintenir la compétitivité en cette période économique tumultueuse, Ottawa doit faire preuve d’ouverture à l’égard de toutes les possibilités, y compris des taux d’imposition plus bas pour les entreprises et une règlementation allégée ».
Le gouvernement Trudeau a fini par courber l’échine, accordant à l’élite du monde des affaires 14 milliards de dollars d’allègements fiscaux en 2018.
2. Le Canada sera exhorté à gaspiller plus d’argent pour financer la militarisation
Donald Trump reproche depuis longtemps aux autres pays de l’OTAN de ne pas « payer leurs factures » et de ne pas atteindre l’objectif de l’alliance en matière de dépenses militaires, à savoir 2 % du PIB.
Lors de sa première présidence, puis au cours de sa campagne électorale, il a brandi cette menace : « s’ils ne paient pas, nous ne protégerons pas ».
Selon une estimation récente du directeur parlementaire du budget, le gouvernement canadien serait censé dépenser 41 milliards de dollars de plus par an, ce qui représenterait un doublement du budget actuel de la défense, ce qui le porterait à 82 milliards de dollars.
Avant même la réélection de Donald Trump, une pression croissante s’est exercée sur le gouvernement canadien.
Cet été, un groupe important de sénateurs américains des deux partis a réprimandé Monsieur Trudeau, qui avait dit en privé à ses alliés que le Canada n’atteindrait jamais l’objectif fixé.
Eldridge Colby, un haut stratège en matière de défense de la dernière administration Trump – maintenant pressenti pour un rôle encore plus important dans la branche de la sécurité nationale – a menacé le Canada en disant qu’il y aurait des « conséquences ».
Il a laissé entendre que M. Trump pourrait utiliser des bâtons tels que l’imposition de droits de douane sur les produits et services canadiens ou la mise à l’écart de notre pays lors de réunions internationales comme celles du G7.
Ayant senti la soupe chaude, M. Trudeau s’est à contrecœur engagé à atteindre l’objectif d’ici 2032.
Pour l’industrie de l’armement américaine et canadienne, qui fait régulièrement pression pour obtenir une augmentation des dépenses, cela représente un joli pactole.
Au début de l’année, l’Association canadienne des industries de sécurité et de défense a commandé un sondage pour jauger l’opinion publique.
On peut s’attendre à un renforcement des tactiques visant à engendrer une pression tout terrain de la part des groupes de réflexion de droite, d’anciens généraux de l’armée et du lobby de l’armement.
Advenant une concrétisation de ces intentions, les dépenses militaires grèveront encore davantage le budget fédéral. Cela pèsera sur les dépenses fédérales consacrées aux programmes sociaux dont nous avons désespérément besoin, sans parler du coût dévastateur de la guerre et des opérations militaires pour notre climat.
3. On va faire la part belle aux intérêts des combustibles fossiles au Canada
« Drill, baby, drill »[Forez ! Forez ! Forez !] est le nouveau mot d’ordre de la politique énergétique de Trump.
Son administration va s’atteler au démantèlement de l’agenda vert mis au point par le président Joe Biden, dont la politique industrielle et les investissements massifs dans les énergies renouvelables ont établi une norme potentielle à atteindre pour le Canada.
Les cibles du démantèlement prévu par Trump comprennent des restrictions sur le forage dans les terres et les eaux publiques, des moratoires sur les nouveaux permis d’exportation de gaz naturel liquéfié et une réduction/suppression des subventions pour les véhicules électriques (avec probablement des exceptions pour ceux fabriqués par son ami Elon Musk).
Il aura un rapport d’autant plus intime avec les grandes compagnies pétrolières, ce qui n’est pas peu dire quand on pense que Trump a déjà choisi un ancien PDG d’ExxonMobil comme secrétaire d’État et un ancien lobbyiste du charbon pour diriger l’Agence de protection de l’environnement.
Mais cette fois-ci, la manipulation a été plus éhontée encore : il a demandé aux PDG du secteur pétrolier de faire un don d’un milliard de dollars américains à sa campagne en échange de la prise en compte de leur liste détaillée de mesures à prendre.
Il faut s’attendre à voir les lobbyistes et les PDG du secteur pétrolier canadien une fois de plus invoquer les arguments de la « compétitivité » pour faire pression sur le gouvernement canadien afin qu’il édulcore les politiques climatiques déjà peu contraignantes en vigueur au pays.
Et les compagnies pétrolières ne seront pas les seules à se réjouir. Alors que Justin Trudeau se pavanait comme un parangon des questions climatiques, le gouvernement fédéral s’est discrètement félicité du fait que Trump inverse le mouvement par rapport à l’opposition d’Obama à l’oléoduc Keystone XL.
« L’assermentation d’une nouvelle administration aux États-Unis qui reconnaît l’importance stratégique du rôle du Canada dans la sécurité énergétique nord-américaine est, jusqu’à présent, une nouvelle positive pour le secteur canadien de l’énergie dans la perspective d’une augmentation potentielle du commerce de l’énergie », peut-on lire dans un document d’information interne du gouvernement datant de 2017.
4. La haine anti-immigrés poussera un plus grand nombre de gens vers le Canada
Le dénigrement ulcérant des migrants a été l’un des moteurs les plus notables de la campagne de Trump.
Sa réélection fait désormais planer le spectre du rétablissement des interdictions de voyager pour les pays du Moyen-Orient, de l’agrandissement du mur frontalier et du plus grand effort de déportation de l’histoire des États-Unis (soulignons cependant que l’administration Biden a déporté plus de migrants en 2023 que Trump n’en a jamais expulsé en un an).
Quel que soit le degré de réalisation des promesses de Trump, le Canada peut s’attendre à ce que davantage de monde se présentent à ses portes.
Dans les 24 heures qui ont suivi l’élection, le nombre de recherches sur Google portant sur la question « Comment déménager au Canada » a augmenté de 5 000 %.
Au cours de la dernière présidence Trump, le nombre d’Américains cherchant à devenir résidents permanents ou à demander l’asile au Canada a connu un sommet.
Et pour les citoyens non américains, l’entrée au Canada est compliquée par l’Entente sur les tiers pays sûrs, qui désigne les États-Unis comme un endroit soi-disant sûr pour les réfugiés et interdit aux gens de traverser le pays pour se rendre au Canada.
Cet accord a contraint des milliers de personnes à traverser illégalement la frontière, en passant par des endroits comme le chemin Roxham au Québec.
Depuis, le gouvernement Trudeau a opéré un virage à droite en matière d’immigration, fermant des points d’entrée comme le chemin Roxham et réduisant le nombre d’immigrants autorisés à entrer au Canada.
Mais les forces qui incitent les gens à migrer n’ont pas disparu et vont même aller en s’intensifiant, incitant ces personnes à essayer d’arriver par avion ou à faire des tentatives de traversée beaucoup plus dangereuses.
Entre-temps, le dirigeant du parti conservateur Pierre Poilievre s’est lancé plus ouvertement dans une politique anti-immigration, et il essaiera probablement de profiter de l’élection de Trump pour alimenter une réaction de droite contre l’immigration, sachant que le soutien à l’immigration est à présent tombé à son plus bas niveau en 25 ans.
5. La politique anti-trans va connaître une poussée
Les attaques de la campagne de Trump contre les droits des transgenres ont paru confiner à l’obsession.
Il a dépensé plus d’argent en spots publicitaires diabolisant les personnes trans qu’il n’en a mis sur n’importe quel autre sujet, consacrant plus de 60 millions de dollars américains à des publicités anti-trans depuis le mois d’août.
Mais le calcul politique était évident. Même si Trump a admis que personne ne s’était jamais plaint auprès de lui de la présence de transgenres dans le sport, il a opportunément alimenté et exploité une panique culturelle pour faire des gains sur le plan politique.
Au cours de son premier mandat, Trump a adopté des lois visant à limiter les droits et libertés des personnes transgenres dans plus ou moins tous les ministères fédéraux, en s’appuyant sur une réaction de plus en plus vive des législateurs des États américains à l’égard des droits des personnes transgenres.
Au Canada, où les anciens dirigeants conservateurs Andrew Scheer et Erin O’Toole se sont montrés réticents à s’appesantir sur les questions trans lors de la première administration de Trump, Pierre Poilievre semble avoir une optique bien différente.
Il a d’abord essayé de se concentrer sur les questions économiques, mais sa première déclaration ouvertement anti-trans est arrivée en février de cette année. Il a annoncé qu’il était favorable à l’interdiction des femmes transgenres dans les salles de sport, les salles de bain et les vestiaires réservés aux femmes, ce qui correspond à une position centrale de la campagne de Trump.
Cela vient à la suite d’une année de lois anti-trans qui ont été proposées ou adoptées au niveau provincial partout au Canada, allant de la restriction de l’auto-identification de genre des mineurs en Nouvelle-Écosse à l’interdiction des soins d’affirmation de genre pour les enfants en Alberta.
Comme Trump, Poilievre pourrait tenter d’alimenter de plus en plus une vague de transphobie et ensuite l’exploiter pour faire mousser sa candidature aux prochaines élections.
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