Tiré du journal de la FTQ, LE MONDE OUVRIER N° 149 • HIVER 2025
Une élection déterminante
L’accord fragile entre le gouvernement libéral et le Nouveau Parti démocratique (NPD) permettait à Justin Trudeau de se maintenir au pouvoir. En le déchirant, en septembre dernier, Jagmeet Singh a déclenché le compte à rebours vers une élection générale cruciale pour l’avenir du Canada.
Les sondages pointent vers une victoire écrasante du Parti conservateur de Pierre Poilievre, malgré sa vision prônant l’austérité, avec des coupes dans les services publics, l’assurance-emploi, l’allocation pour enfants, les soins dentaires, l’assurance médicaments et menaçant le droit à l’avortement. Les provinces, à l’exception du Québec, semblent prêtes à céder à cette vague conservatrice, portées par un désir brûlant de changement. Le gouvernement libéral est en chute libre dans les sondages, et l’électorat regarde de l’autre côté de la clôture alors que l’herbe semble plus verte.
Pierre Poilievre a réussi à récupérer la frustration de la classe moyenne et à imposer les conservateurs comme solution face à l’usure du pouvoir du gouvernement Trudeau. Derrière un charisme forgé à coups de formules chocs et d’efforts pour se rapprocher du « vrai monde », il cache une vision du Canada qui inquiète. Son projet politique, antisyndical, antisocial et discriminatoire envers les minorités, doit être dévoilé.
Le mouvement syndical doit envoyer un message clair face à une vision qui ne correspond ni à ses valeurs ni à ses priorités et encore moins aux intérêts des travailleuses et travailleurs.
Des alliances douteuses
Pour se hisser à la chefferie conservatrice, Pierre Poilievre n’a jamais hésité à élargir sa base d’appuis auprès de groupes aux convictions inquiétantes. Si le chef est issu de la droite économique (dédiée au libre marché et à la réduction de l’État), il doit composer avec la frange morale et religieuse (valeurs traditionnelles, conservatisme social, opposée aux droits des minorités sexuelles ou culturelles, ainsi qu’à l’avortement) qui compose son parti, assure son financement, et avec laquelle il partage des valeurs. L’appui au Convoi de la liberté lui a permis de tisser des liens avec des conspirationnistes, antivaccins, suprémacistes et autres groupes d’extrême droite, souvent hostiles aux institutions et à toute intervention de l’État. On voit fréquemment des députées et députés conservateurs s’afficher avec des membres des groupes antiavortement, homophobes ou transphobes, misogynes ou masculinistes, sous l’œil permissif de Pierre Poilievre, qui fait mine de ne rien voir. Certains d’entre eux ont même rencontré un parti allemand d’extrême droite.
La coalition de ces différents groupes influents que semble devenir le Parti conservateur pose question. Quelles priorités sociales animeraient un gouvernement Poilievre, et comment compte-t-il satisfaire les attentes de ces groupes qui ont une conception marginale de l’ordre moral et du rôle des institutions politiques ?
Une fausse idée de la liberté
Le chef conservateur dit qu’il fera du Canada le pays le plus libre du monde, mais cette formule accrocheuse masque une vision réductrice de la liberté, fondée uniquement sur les libertés individuelles et dépouillée des protections sociales et collectives. Dans cette vision conservatrice, il n’y a que le libre marché qui importe. On réduit l’importance du rôle de l’État, des lois du travail, des programmes sociaux et des mécanismes de redistribution de la richesse. Quand règne la loi de la jungle, ce sont les plus forts, c’est-à- dire les plus riches, qui accumulent richesses et privilèges alors que le reste de la population en paie le prix.
Le flou dans la bergerie
Pierre Poilievre entretient malicieusement un voile de mystère autour de ses positions. Ses attaques à l’endroit de ses adversaires cachent l’absence de propositions concrètes.
À l’image de Donald Trump, il privilégie la « politique spectacle » au Canada. Il joue sur le ras-le-bol du « vrai monde ». Ce populisme semble séduire une part importante de l’électorat. Il joue la méfiance envers l’élite internationale, il se prend en photo avec des ouvrières et ouvriers d’usine et se dit à la défense des gens ordinaires face à l’inflation, la crise du logement et les multinationales. En soutenant le Convoi de la liberté ou les provinces qui remettent en question la « théorie du genre » dans les écoles, le « candidat antiwoke » met plutôt l’accent sur les valeurs morales et identitaires, faisant appel aux émotions bien plus qu’à la raison. Ce style à la Trump peut permettre de remporter une élection, mais une fois au pouvoir, un leader doit gouverner dans l’intérêt de tout le monde.
Ses valeurs profondes et sa conception du monde sont connues, mais quelles sont ses intentions politiques ? La population mérite pourtant la transparence et la franchise de la part de celui qui aspire à la diriger.
Profession : politicien
Pierre Poilievre devient député à seulement 25 ans en 2004. Il obtient alors un salaire de 141 000 $, ainsi qu’une allocation complémentaire de 24 500 $ par an. Ironiquement, celui qui avait proposé de limiter les parlementaires à deux mandats pour éviter que la politique ne devienne une carrière à vie a célébré l’été dernier ses 20 ans au Parlement canadien.
Pierre Poilievre n’a jamais partagé les réalités quotidiennes des travailleuses et travailleurs qui peinent à joindre les deux bouts et qui doivent faire des sacrifices. Et surtout, on ne l’a jamais vu sur un piquet de grève ni en soutien concret aux revendications des syndicats. Son passage au Parlement reste marqué par une défense des multinationales et des intérêts privés, loin des préoccupations du monde ordinaire.
Un marketing électoral
Les médias d’information traditionnels vivent des moments difficiles, particulièrement depuis qu’Internet permet à chaque personne de trouver des sources qui confirment ses opinions. Plusieurs politiciennes et politiciens, estimant ne plus dépendre des journalistes pour livrer leur message, tournent le dos, évitent ou ridiculisent leur travail.
Le chef conservateur s’inscrit dans cette mouvance. Il contrôle son message, avec des slogans, des clips chocs et des rassemblements calculés, tout en évitant de répondre aux questions des médias parlementaires. Pierre Poilievre mise sur les réseaux sociaux pour livrer des messages taillés sur mesure pour chaque segment de sa base. Par exemple, les chasseuses et chasseurs reçoivent des messages sur le droit aux armes à feu. Chaque personne voit ce qui résonne avec ses valeurs, sans avoir accès à l’ensemble du projet conservateur. Ce n’est pas de l’information, c’est du marketing.
Le mouvement syndical aux aguets
Entre 2011 et 2012, le gouvernement Harper dont faisait partie Pierre Poilievre est intervenu à cinq reprises pour mettre un terme à des négociations, forcer un retour au travail ou imposer une offre finale chez Postes Canada, Air Canada et Canadien Pacifique.
Il a également imposé une loi (C-525) pour faciliter la désyndicalisation des personnes employées dans des entreprises de compétence fédérale et rendre la syndicalisation plus difficile en remplaçant l’accréditation par carte par un système à deux paliers avec vote secret, permettant aux entreprises comme Walmart et Amazon de s’immiscer dans les campagnes de syndicalisation, dénigrant les syndicats et même congédiant les personnes qui militent pour les droits des travailleuses et travailleurs.
En 2013, le même gouvernement fait adopter une mesure pour éliminer le crédit d’impôt fédéral de 15 % des fonds de travailleurs. La FTQ avait alors vivement dénoncé cette décision qui venait nuire aux personnes épargnantes à revenu modeste.
Pierre Poilievre a promis qu’il n’adopterait pas de politiques antisyndicales s’il devenait premier ministre et que cet engagement sera écrit dans sa plateforme électorale. Il fait mine de croire aux organisations ouvrières tandis qu’il soutenait les réformes antisyndicales de Stephen Harper. Semble- t-il que ses visites dans les milieux de travail lui auraient permis de faire évoluer sa pensée et de devenir prosyndical. Est-ce que les syndicats, leurs pratiques et leurs positions ont changé à ce point en l’espace de quelques années ? Non !
Comment expliquer cette reconversion soudaine ? Dans tous les cas, la FTQ le prend au mot concernant l’absence de projet de loi antisyndical. S’il est élu, la FTQ surveillera de près les actions de son gouvernement en lui rappelant ses engagements et ses paroles.
L’ombre du Right-to-work
En 2012, Pierre Poilievre était un fervent défenseur du Right-to-work, un principe qui interdit de forcer une personne qui fait partie d’une unité d’accréditation à devenir membre du syndicat et à payer la cotisation syndicale. Elle doit cependant bénéficier de tous les avantages de la convention collective. Le syndicat peut être poursuivi s’il est soupçonné de ne pas représenter équitablement toutes les personnes salariées de l’unité, que ces dernières paient ou non leur cotisation.
Les dangers des lois de type Right-to-work
Les syndicats ont moins de moyens pour jouer adéquatement leur rôle, soit de négocier des conventions, de défendre les personnes salariées, d’informer, de former, de soutenir les grévistes, etc.
Les lois Right-to-work affaiblissent la solidarité en permettant deux classes de personnes salariées dans la même unité d’accréditation : celles qui paient et celles qui ne paient pas.
Avec des revenus moindres, les ressources qui peuvent être consacrées à la syndicalisation de nouvelles personnes membres sont tout aussi réduites. On se retrouve avec un mouvement syndical de plus en plus faible.
Plusieurs études réalisées aux États-Unis avancent que les salaires dans les États Right- to-work sont de 3,1 % inférieurs à ceux des autres États.
Les États américains Right-to-work attirent surtout des entreprises qui veulent payer de bas salaires. Elles ne permettent pas, comme le prétendent leurs défenseurs, de créer plus d’emplois.
UN PROJET DE SOCIÉTÉ DANGEREUX
Poilievre, complice silencieux des attaques contre les droits des femmes
Se déclarant pro-choix, Pierre Poilievre a affirmé qu’un gouvernement conservateur ne déposerait pas de projet de loi antiavortement. Il ajoute cependant qu’il permettrait à ses députées et députés de déposer un projet de loi privé sur le sujet et n’imposerait pas la ligne de parti à ce sujet. Rappelons que lors de sa course à la chefferie, il comptait parmi ses soutiens 32 personnes élues opposées à l’avortement. Les votes du chef conservateur des deux dernières décennies montrent qu’il a d’ailleurs appuyé cinq de ces « votes libres » au détriment des droits des femmes.
De plus, en 2022, on découvrait qu’une cinquantaine des vidéos YouTube de Pierre Poilievre contenaient le mot-clic caché, #mgtow (Men going their own way), lié à un mouvement antiféministe. Cette tactique, ses actions passées et ses alliances douteuses révèlent son appui à des forces cherchant à éroder les droits des femmes.
Les droits des minorités en danger ?
En 2005, Pierre Poilievre définit le mariage comme l’union entre un homme et une femme. Récemment, il a déclaré « que le mariage gai est un succès ». Il est surprenant de constater le nombre de fois qu’il a changé de position sur des questions de valeurs fondamentales. Certains des députés conservateurs n’hésitent d’ailleurs pas à s’opposer ouvertement au mariage gai.
Un climat en danger
Le Parti conservateur du Canada (PCC) n’a aucun plan pour atteindre les cibles d’émissions de gaz à effet de serre (GES) auxquelles le Canada s’est engagé dans les accords internationaux.
En plus d’abolir la taxe carbone, le PCC souhaite la construction de pipelines pour acheminer le pétrole de l’ouest vers l’est, et l’intensification de l’exploitation pétrolière en haute mer ou dans les sables bitumineux. Il encourage le recours à l’énergie nucléaire et la production d’énergies et de carburants alternatifs. Loin d’impliquer l’État dans l’effort général de sobriété carbonique, le PCC misera sur la volonté individuelle et l’autorégulation par le libre marché.
Vers une économie déconnectée
Malgré sa tentative de courtiser la classe moyenne, le Parti conservateur du Canada (PCC) a toujours été au service des grandes entreprises. Il a déjà émis l’idée de congédier le patron de la Banque du Canada et de lui interdire d’imprimer des billets de banque. Il propose de faire du Canada la capitale mondiale du bitcoin alors que ces mêmes entreprises sont soumises à des risques réels de volatilité selon l’Autorité des marchés financiers (AMF).
Oubliez l’assurance médicaments
En octobre dernier, le projet de loi C-64 a été adopté marquant l’avancée la plus significative des dernières décennies pour la mise en place d’un régime public et universel d’assurance médicaments. Pierre Poilievre a annoncé que cette loi serait abrogée si son parti formait le gouvernement. Les conservateurs n’ont aucun plan pour réduire le prix des médicaments, qui sont parmi les plus élevés au monde.
Équilibre budgétaire ou austérité ?
On ignore tout du plan du Parti conservateur (s’il existe) pour atteindre simultanément l’équilibre budgétaire et réduire les impôts. Ou bien il n’a aucune idée de ce qu’il fait ou il ne souhaite pas dévoiler ses véritables intentions. Réduire rapidement le déficit tout en se privant de revenus ne signifie qu’une chose : un retour douloureux à l’austérité, ce qui mène à des coupes dans les programmes et services à la population. Avec pour effet d’en ralentir ou d’en réduire l’accès ou la qualité. Les programmes sociaux sont à risque, tout comme des milliers d’emplois de la fonction publique fédérale, qui jouent pourtant un rôle essentiel, notamment dans l’inspection des aliments ou la sécurité ferroviaire et aéronautique. On peut aussi s’attendre à une réduction des transferts fédéraux aux provinces pour la santé, l’éducation et le transport collectif. Quand on veut réduire les dépenses d’un budget, le « gros bon sens », c’est de faire savoir à la population où on va couper.
Pour lutter contre la crise du logement, Pierre Poilievre promet d’abolir la TPS et demande aux provinces de faire de même pour les maisons neuves de moins de 1 million de dollars, ce qui représenterait un coût de 16 milliards de dollars sur une période de quatre ans au fédéral seulement. Comment va-t-il financer ce programme ? En éliminant des programmes existants comme le Fonds canadien pour la construction de logements et le Fonds canadien pour les infrastructures (gestion des eaux, traitement des eaux usées, gestion des déchets solides, etc.), et en se privant de revenus de TPS.
Rien de concret pour améliorer le pouvoir d’achat
Selon Pierre Poilievre, oubliez la pandémie, les ruptures d’approvisionnement, les profits démesurés des entreprises, les fluctuations du prix de l’essence et la crise climatique. Si tout coûte cher, c’est uniquement la faute de Justin Trudeau. Qu’on aime ou non l’actuel premier ministre, il y a quelque chose d’irréaliste à lui attribuer autant de pouvoir. Depuis quelques mois, l’inflation semble sous contrôle de manière générale, mais le prix de certains biens et services continue d’augmenter, particulièrement pour le logement et les aliments. Pour s’attaquer à ce problème, c’est simple, les conservateurs proposent d’abolir la taxe carbone, le seul hic… la taxe carbone ne s’applique pas au Québec…
Pas de sortie de crise en habitation
Partout au pays, les logements sont de plus en plus rares et les prix ont explosé depuis la pandémie. Les solutions des conservateurs pour régler cette crise relèvent de la pensée magique ; laisser le privé construire davantage de logements avec le moins de contraintes possible. Pourtant, une sortie de crise passe inévitablement par un rôle accru de l’État pour serrer la vis aux spéculateurs, garantir le droit au logement et construire des logements sociaux. Alors que la collaboration entre les trois paliers de gouvernement apparaît essentielle, Pierre Poilievre préfère insulter la mairesse de Montréal et le maire de Québec.
Des familles moins bien soutenues
Au cours des dernières années, le gouvernement libéral a mis sur pied plusieurs programmes qui soutiennent les familles comme l’Allocation canadienne pour enfants. Ce programme a permis à des centaines de milliers de familles de se sortir de la pauvreté. Les conservateurs laissent toutefois planer le doute sur ce qu’il en adviendra une fois au pouvoir. Bien qu’imparfait, le programme national de soins dentaires permet tout de même aux familles et aux personnes aînées qui n’en avaient pas les moyens d’aller chez le dentiste. Et les conservateurs ont tout fait pour en bloquer l’adoption. En 2023, le PCC a appuyé, après des années d’opposition, un projet de loi pour un programme national de garderies. Ce tiède revirement ne change rien à la philosophie générale de ce parti où l’État doit intervenir le moins possible, même si cela vient en aide aux familles.
Gouvernement Trudeau : un bilan en demi-teinte
L’arrivée au pouvoir du Parti libéral du Canada, en 2015, avait permis de rompre avec les politiques austères du gouvernement de Stephen Harper. Rapidement, l’abolition des lois antisyndicales, le retour de l’âge de la retraite à 65 ans, l’Allocation canadienne pour enfants, les hausses d’impôts pour les plus riches ont apporté un vent de fraîcheur.
En comparaison, le troisième mandat du gouvernement Trudeau, faute de projets concrets, laisse un goût amer d’une administration en fin de régime. Que ce soit dans la lutte contre les changements climatiques ou dans le dossier de l’immigration, la politique libérale du dernier mandat s’est avérée sinueuse et parfois contradictoire.
Heureusement, l’appui politique apporté par le NPD aura permis de déployer des politiques sociales et économiques avantageuses pour les plus vulnérables et pour la classe moyenne. Soulignons les progrès que constituent l’adoption d’une loi anti-briseurs de grève et la mise en place du Régime canadien de soins dentaires, du programme d’assurance médicaments et du programme national de garderies.
La crise du logement, le coût de la vie, les défis de la pénurie de main-d’œuvre et de l’intégration des personnes immigrantes dans les communautés, l’urgence climatique et l’électrification des transports mériteront des efforts importants de la part du prochain gouvernement. À ce chapitre, les idées novatrices et réalistes semblent manquer. Il appartient aux formations politiques d’écouter et de proposer des solutions.

Comment faire une différence ?
Les prochains mois doivent être l’occasion d’une grande conversation sur le type de leadership et de projets que nous souhaitons pour un avenir durable, dans une société démocratique, juste et équitable.
Toute personne interpellée par cet objectif peut poser plusieurs gestes :
1. Rester vigilant Vérifier les informations, éviter les idées simplistes et s’assurer de bien comprendre avant d’appuyer toute proposition.
2. S’informer Suivre l’actualité, comprendre les plateformes et propositions de chaque formation politique, les accueillir de manière prudente et critique.
3. Discuter Dans les milieux de travail ou autour de la table familiale, échanger sur les dernières tendances, partager ses analyses et préoccupations et poursuivre une discussion constructive.
4. Diffuser Faire circuler les outils d’information, d’analyse et d’éducation recueillis, distribuer les publications syndicales, émettre son avis et accueillir le questionnement et la critique.
5. Faire connaître ses préoccupations Rédiger une lettre d’opinion, se faire entendre dans les lignes ouvertes, rencontrer ses politiciennes et politiciens locaux (députés, candidats à l’élection, porte-parole locaux des autres partis), identifier une cause qui vous tient à cœur et s’y investir.
6. S’engager syndicalement S’informer auprès de sa section locale, de son conseil régional ou de son syndicat national, créer un comité d’action politique, participer à des activités de formation ou d’échanges sur des enjeux politiques, s’équiper des outils de mobilisation politique existants, les relayer auprès de ses collègues.
7. Participer à la campagne Soutenir une formation politique, organiser des discussions avec les amis, la famille, les collègues de travail, ou des débats entre citoyens ou candidats, faire du porte-à-porte, rédiger une plateforme syndicale ou citoyenne et la faire connaître, demander à sa candidate ou son candidat local de se prononcer sur des enjeux que l’on a à cœur.
8. Voter
Prévoir de voter et encourager son entourage à en faire de même.
Pour la FTQ, le vrai « gros bon sens », c’est… ?
Une stratégie de lutte contre la vie chère qui s’appuie sur de meilleures prestations sociales et mesures fiscales pour les personnes salariées au bas de l’échelle.
- Une reconnaissance du droit au logement et des investissements massifs dans de nouveaux logements sociaux et communautaires.
- Des services publics et programmes sociaux soutenus avec des fonds suffisants pour éviter le recours à la sous-traitance et assurer la prestation attendue en temps et en qualité.
- Un programme d’assurance-emploi pour les travailleuses et travailleurs des industries saisonnières, garantissant un accès équitable aux prestations pour les personnes qui travaillent à temps partiel ou selon des horaires atypiques, et qui met fin à la discrimination des femmes prestataires du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) qui tombent en chômage.
- Un Code canadien du travail qui favorise la protection des travailleuses et travailleurs.
- Une lutte contre l’évasion et l’évitement fiscaux qui donne les moyens aux autorités fiscales d’enquêter, de poursuivre en justice et de recouvrer les sommes dues aux services et programmes sociaux destinés à la population.
- Un plan de lutte contre les changements climatiques qui s’accélère pour atteindre les engagements internationaux du Canada quant aux cibles de carboneutralité et de réduction des émissions de GES, en réduisant la dépendance aux hydrocarbures, en misant sur l’électrification des transports et le développement des transports collectifs et qui prévoit une transition juste pour les travailleuses et travailleurs.
- Un régime d’immigration qui offre de réelles perspectives d’accueil et de vie aux travailleuses et travailleurs, notamment en abolissant les permis fermés, évitant ainsi de les enfermer dans des conditions d’esclavage moderne, tout en permettant à la main-d’œuvre locale de répondre à ses besoins professionnels.
La FTQ en action
Des militantes et militants mobilisés
D’ici au jour du scrutin, les membres seront appelés à soutenir le message de la centrale en animant des conversations politiques dans leurs milieux, en se joignant à des comités de mobilisation régionaux, en relayant des publications sur les médias sociaux, etc. La centrale prévoit créer des contenus, publications, formations et guides à l’intention des personnes qui souhaitent se lancer dans la mêlée pour faire bouger les intentions de vote. Pour suivre les développements de cette mobilisation : actionnetwork.org/ forms/mobilisons-nous-pour- bloquer-poilievre.
Tournée des dirigeants
Lancée le 30 octobre à l’occasion d’un conseil consultatif qui a réuni 200 militantes et militants à Laval, une tournée québécoise des dirigeants de la centrale s’échelonnera sur plusieurs semaines. La présidente, Magali Picard, et le secrétaire général, Denis Bolduc, iront à la rencontre des membres de tous les milieux pour entendre leurs préoccupations et discuter des enjeux de la prochaine élection.
Enjeux féministes des prochaines élections fédérales
Les prochaines élections fédérales seront marquées par plusieurs enjeux féministes cruciaux. Les droits des femmes et des personnes trans, les violences genrées, l’équité salariale et l’accès aux soins de santé reproductive pour toutes figurent parmi les préoccupations majeures. 1. Équité salariale et précarité économique L’écart salarial entre les hommes et les femmes persiste, en particulier pour les femmes issues de communautés marginalisées et racisées. Les mesures pour garantir une véritable équité salariale, comme l’application stricte de la Loi sur l’équité salariale, seront des points de pression importants. Les femmes continuent également d’occuper une proportion élevée d’emplois précaires et sous- payés, exacerbant les inégalités économiques. Les candidates, candidats et les chefs de partis devront proposer des politiques concrètes qui réduisent la précarité économique. Il faudra porter attention aux positions des différents partis sur ces questions, et nous devrons exiger des chefs de partis des réponses concrètes à ces réalités et des propositions de politiques qui réduisent la précarité économique. 2. Violence fondée sur le genre La lutte contre les violences faites aux femmes reste un enjeu clé. Les propositions concernant le financement des refuges pour femmes victimes de violence et l’amélioration des services de soutien pour les survivantes auront notre attention, tout comme les mesures préventives et collectives plutôt que punitives et individuelles, question d’enrayer ces violences fondées sur le genre. 3. Accès aux soins de santé reproductive Les droits des femmes en matière de santé reproductive, notamment l’accès à l’avortement, à la contraception et aux soins menstruels gratuits, continueront d’être des questions centrales. Les féministes exigeront des engagements clairs pour garantir un accès universel et non discriminatoire aux soins. La mobilisation des électrices et électeurs sur l’équité salariale, la violence fondée sur le genre et l’accès aux soins de santé reproductive sera déterminante pour garantir que ces enjeux soient placés au cœur des débats et des programmes politiques lors des prochaines élections fédérales. n
PIERRE POILIEVRE, L’AMI DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS L’épreuve des faits
Texte de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS)
Pierre Poilievre se présente régulièrement comme le défenseur de la classe ouvrière face à des élites libérales déconnectées – un classique du programme populiste, stratégiquement mobilisé à droite.
Le Congrès du travail du Canada (CTC), auquel est affiliée la FTQ, a de son côté dénoncé la « fraude » aux travailleuses et travailleurs que constitue Pierre Poilievre. Ses pratiques politiques parlent pour lui.
Le chef conservateur défend-il vraiment les intérêts des travailleuses et travailleurs ?
Une analyse de la plateforme politique du Parti conservateur du Canada (PCC), adoptée en septembre 2023, illustre les risques réels que celle-ci pose pour les intérêts socioéconomiques des travailleuses et travailleurs canadiens et pour la liberté syndicale.
La compétence est partagée entre Québec et Ottawa en matière de droit du travail. Le Parlement du Canada légifère sur les relations de travail dans les secteurs d’activité qui relèvent de sa compétence, soit les banques, les entreprises de transport maritime et aérien, les entreprises de radiodiffusion et de télédiffusion comme Radio-Canada, mais aussi la plupart des sociétés d’État fédérales ainsi que les ministères et autres organismes du gouvernement fédéral.
Le PCC face aux droits du travail La plateforme politique du PCC insiste sur la protection des libertés individuelles avant tout ; cela fait craindre que les droits et libertés collectives en ressortent érodés.
Les conservateurs proposent de rendre l’adhésion syndicale facultative, remettant ainsi en question la formule Rand, qui garantit le paiement obligatoire des cotisations syndicales pour toutes les personnes salariées d’une unité de négociation. Cette mesure pourrait affaiblir les syndicats, limitant leur capacité à défendre efficacement les membres et menant potentiellement à des conditions de travail défavorables.
Le PCC insiste aussi sur « l’obligation des syndicats de […] ne pas sanctionner les travailleurs qui ne participeraient pas ». Pourtant, légalement, les travailleuses et les travailleurs sont déjà libres de participer ou non aux activités licites de leur syndicat. Cette formule mystérieuse reviendrait-elle, par exemple, à reconnaître à des travailleuses et travailleurs le droit de ne pas participer aux grèves votées ? Ou cela signifie- t-il que le PCC pourrait bloquer ou réviser la très récente loi contre les briseurs de grève ? C’est à suivre.
Sans surprise, en matière d’emploi, le PCC souhaite faciliter le cumul emploi- retraite pour les plus de 65 ans par la mise en place d’incitatifs fiscaux. Au Québec, une idée similaire a la faveur de la CAQ. Or, selon toute vraisemblance économique, cette liberté nouvelle devrait contribuer à l’appauvrissement des aînés comme cela se produit dans l’Union européenne (UE), où des législations similaires ont été adoptées. Le taux de pauvreté des personnes retraitées y est en constante hausse (de 12 % en 2014 à plus de 16 % en 2022, pour toute l’UE).
La liberté économique contre la protection sociale
Les autres propositions de Poilievre se résument à une défense classique de la liberté économique individuelle, à un soutien au secteur privé et à la libre compétition économique, et plus généralement à une réduction drastique des services publics. Le PCC s’en dit « convaincu » : « un dollar dans la main d’un citoyen canadien vaut mieux qu’un dollar dans la main d’une bureaucratie gouvernementale. […] la réduction des impôts et de l’ingérence de l’État dans l’économie se traduira par une augmentation du pouvoir d’achat des Canadiens […] ».
Les prochaines élections fédérales peuvent avoir lieu à tout moment, au plus tard en octobre 2025. « Si la tendance se maintient », Pierre Poilievre pourrait former un gouvernement majoritaire en 2025. Au regard des enjeux profonds qui traversent le monde du travail – crise environnementale, crise de sens du travail et pénuries de main- d’œuvre –, il s’agit d’un programme au mieux limité, au pire inquiétant, aligné sur la politique antisyndicale de son prédécesseur, Stephen Harper.
PAROLE AUX JEUNES
Entre espoir et crainte Si l’on se fie aux taux de participation des dernières élections, les jeunes ont tendance à bouder les urnes. Désintérêt pour la politique ? Cynisme générationnel ? Derrière ce désengagement apparent, certains continuent à se battre.
À l’approche des élections fédérales, les jeunes sont confrontés à des choix qui auront des répercussions considérables sur leur ave- nir. Le Monde ouvrier s’est entretenu avec deux d’entre eux, Samuel et Mathilde, syndicalistes engagés, pour comprendre les enjeux qui leur tiennent à cœur. Mathilde : la jeunesse en alerte Mathilde, 23 ans, syndiquée à l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), voit les élections comme un moment crucial pour défendre les droits des minorités et des femmes. « Même depuis ma position privilégiée, j’ai peur de la droite, avec leurs politiques de plus en plus racistes et sexistes. Ça me pousse à m’impliquer ! » Pour elle, l’arrivée d’un gouvernement conserva- teur serait une menace. « Ce qu’on a vu aux États-Unis montre à quel point la droite peut avoir des conséquences rapides et dangereu ses. » Mathilde souligne égale- ment l’enjeu environne- mental : « On parle beaucoup de transition juste, mais ça reste en surface. Tout est dilué dans des engagements à long terme, parfois douteux, alors qu’on a besoin de changements maintenant. »
Samuel : le fonctionnaire en quête de reconnaissance
Samuel, 28 ans, syndiqué à l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), appré- hende avec inquiétude le résultat électoral, ayant déjà vécu sous les conservateurs. « Leurs politiques d’austérité frappent fort. Cela affecterait le quotidien de milliers de fonc- tionnaires. » Samuel souligne que les fonctionnaires sont souvent des boucs émis- saires pour les défaillances de l’État. « On nous perçoit de plus en plus comme responsables des échecs gouvernementaux, alors que notre travail, souvent fait dans l’ombre, est essentiel. » Des coupes dans la fonction publique entraîneront iné- vitablement une diminu- tion de la qualité des ser- vices publics et de l’efficacité du système.
Un retour des conserva- teurs signifierait également un coup dur pour les syndi cats. « On sait qu’ils cherche- ront à nous affaiblir, à réduire notre capacité de négociation, ce qui aura un impact direct sur nos conditions de travail », ajoute-t-il.
La droite et les hommes
Mathilde et Samuel s’en- tendent sur un point inquiétant : la montée de la droite, qui gagne du terrain parti- culièrement chez les jeunes hommes, est une réponse simpliste à des problèmes nuancés. Leur génération, en quête de stabilité, trouve dans ces discours une promesse de certitudes claires dans un monde de plus en plus incertain.Sa muel s’inqui ète également de la manière dont les jeunes hommes se laissent facilement influencer par des figures comme Poilievre : « Leur utilisation du numérique est brillante. La droite a compris l’importance d’une présence agressive en ligne, alors que la gauche traîne. On n’est pas assez présents, et on laisse le champ libre aux popu- listes qui captent facilement l’attention. » Le rôle de la FTQ dans les élections Mathilde et Samuel insistent sur l’importance d’une implication de la FTQ dans la joute politique. Ces deux syndicalistes sont convaincus que la collabo- ration entre les membres est primordiale pour améliorer les conditions de vie. « Sans les syndicats, on n’aurait jamais obtenu les avancées sociales récentes », explique Samuel. Mathilde ajoute : « Le syndicat est un contrepouvoir indispensable. Il nous donne les outils pour défendre nos droits, surtout face à des gouvernements qui cherchent à nous attaquer et à affaiblir les filets sociaux ».
Mathilde conclut sur l’intérêt de mobiliser les jeunes : « Plusieurs hésitent à s’impliquer syndicalement, souvent par peur des repré- sailles d’un employeur ou par manque d’information. La FTQ doit montrer aux jeunes qu’ils peuvent faire bouger les choses. Notre génération doit agir. C’est à travers cet engagement qu’on pourra influer sur notre avenir, tant dans le monde du travail que sur les inégalités sociales et l’environnement ». « Et, on se doit de sortir voter ! », complète Samuel.
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