L’alliance des impérialistes russes et étatsuniens contre l’Ukraine
De fait, en janvier 2025, à peine réélu Donald Trump s’affiche immédiatement avec des néonazis, antisémites et suprémacistes blancs. Le jour même de son investiture Elon Musk fait deux saluts nazis devant une foule en délire. Dès la mi-janvier 2025, Donald Trump revendique son "lebensraum", le Canada, le Groenland et le canal de Panama (pour le moment), il gracie des milices paramilitaires fascistes, il développe par décrets son propre « Plan Madagascar » afin d’expulser les « millions de criminels étrangers », il appelle au nettoyage ethnique de la bande de Gaza, il interdit l’usage des mots « LGBT », « non-binaires », « transsexuel », « transgenre » etc. Mi-février 2025, en pleine campagne électorale allemande, le Vice-président étatsunien J.D. Vance apporte son soutien au parti d’extrême droite AfD, qui assume sa filiation nazie. Le nouveau ministre de la Défense, Peter Hedseth, exhibe quant à lui fièrement sa « croix de Jérusalem », un emblème de suprémaciste blanc, tatouée sur son torse .
Mi-février toujours, des représentants de l’administration Trump s’entendent en Arabie saoudite, sur un projet de « paix en Ukraine » sans l’Ukraine, avec le Ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov, celui-là même qui ne cesse de répéter que l’Ukraine n’existe pas, celui-là même qui estime que les objectifs de Netanyahou à Gaza, « semblent similaires à la "démilitarisation" et à la "dénazification", que Moscou poursuit en Ukraine depuis le lancement de son offensive en février 2022 » . Bref, les dirigeants Russes jubilent. Selon eux, s’annoncent enfin les premières négociations sérieuses, « un pas vers la paix ».
On assiste effectivement à un véritable tournant. Les impérialistes russes et étatsuniens s’entendent désormais officiellement sur ceux qui ont provoqué la guerre et qui doivent en assumer la pleine responsabilité : c’est l’Ukraine qui « a commencé la guerre » et Zelensky est un « dictateur sans élections » qui « a fait un travail épouvantable (…) et des millions de personnes sont mortes inutilement », clame à son tour, mi-février, Donald Trump, reprenant presque mot pour mot, les formules des autorités russes.
Et début mars, pour que la complicité de Trump avec Poutine soit factuellement incontestable, l’administration étatsunienne décide de couper toute l’aide à l’Ukraine après avoir tenté d’imposer un véritable racket sur les ressources minières du pays et après avoir vainement tenté d’humilier Zelensky à la Maison blanche, le 26 février 2025.
Le Nouveau parti démocratique (NPD) seul parti de gauche à soutenir l’Ukraine ?
Au niveau Canadien, le seul parti de gauche au Parlement fédéral, le Nouveau parti démocratique (NPD), a jusqu’à présent affiché un soutien sans faille à l’Ukraine. En novembre 2024 par exemple, le parti a fait passer une motion, adoptée à l’unanimité au Parlement du Canada, qui reconnait que « la Fédération de Russie commet des actes de génocide contre le peuple ukrainien », « demande au gouvernement fédéral de continuer à fournir un soutien militaire et humanitaire substantiel à l’Ukraine pour parvenir à une paix juste, durable et globale » et appelle à soutenir l’adhésion future de l’Ukraine à l’OTAN ».
Fin janvier, la responsable des affaires étrangères du NPD, Heather McPherson, a clairement confirmé le soutien du parti au peuple ukrainien, comme plus récemment, début mars 2025, le chef du Parti Jagmeet Singh.
La trahison de Québec solidaire et le silence assourdissant des centrales syndicales
Cette solidarité sans ambiguïté du NPD avec l’Ukraine tranche avec les prises de positions de la gauche Québécoise. De fait, au Québec, le seul parti de gauche à l’Assemblée nationale, Québec solidaire, fait preuve d’un manque de solidarité affligeant.
Pire, depuis le début du conflit, Québec solidaire s’oppose même à toute forme de solidarité militaire avec l’Ukraine. Le 28 mai 2022 le Conseil national de Québec solidaire a ainsi dénoncé le Gouvernement canadien, pour ses livraisons d’armes à l’Ukraine. Par ailleurs, Québec solidaire est membre du Collectif échec à la guerre qui appelle de manière continue à cesser les livraisons d’armes à l’Ukraine. Et à notre connaissance QS ne s’est jamais prononcé contre ces prises de position répétées, honteuses.
Certes, la direction de QS pourrait rappeler qu’elle a fait passer et qu’elle a voté des résolutions à l’Assemblée nationale – toutes adoptées à l’unanimité - qui condamnent l’agression Russe et qui affirment la solidarité de l’Assemblée nationale avec le peuple ukrainien. La direction pourrait également mentionner que certains député·es de QS ont dénoncé le non renouvellement de visas pour certain·es des 300 000 ukrainien·nes qui ont trouvé refuge au Canada depuis le début de la guerre . Mais c’est à peu près tout et ces résolutions n’engagent à rien.
Bref, pour le moment, le refus de Québec solidaire de se prononcer en faveur de la seule aide qui compte vraiment, celle qui est réclamée sans cesse par la gauche ukrainienne et les syndicats ukrainiens, c’est-à-dire l’aide militaire, est une véritable trahison de la part du parti le plus à gauche de l’échiquier politique et qui se réclame, paradoxalement, indépendantiste ; c’est un reniement aux principes de base de la solidarité internationale, à l’internationalisme et au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. C’est dans tous les cas la position défendue tant par les socialistes Ukrainien·nes, que par les socialistes Russes.
Car comme l’expliquent ces camarades russes et ukrainien·nes, en refusant de soutenir l’Ukraine, en refusant de l’aider à résister militairement, cela revient de facto à la désarmer et à favoriser sa colonisation, que ce soit par l’impérialisme russe, l’impérialisme étatsunien ou les deux et à renforcer ces mêmes impérialismes. Et force est de constater que Québec solidaire, se retrouve ici sur la même ligne politique que les groupuscules sectaires gauchistes de la gauche québécoise comme Alternative socialiste ou la Riposte qui s’opposent également et depuis le début à toute solidarité armée.
Enfin, du côté syndical, c’est le plus grand silence, un silence qui frôle l’indifférence. Il est impossible de trouver un seul communiqué du Conseil du travail du Canada (CTC) en solidarité avec le peuple ukrainien depuis la condamnation de l’agression russe en février 2022 . C’est la même chose pour le plus grand syndicat canadien, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP/CUPE) . Même constat du côté des grandes centrales syndicales québécoises, FTQ, CSN, CSQ. L’idée d’un communiqué intersyndical après trois ans de guerre, ne semble même pas avoir été envisagée, contrairement à ce qui se fait en Europe.
L’impuissance du pacifisme
Il est pourtant urgent de questionner ce silence des dirigeant·es de la gauche québécoise et des centrales syndicales. Car comme l’explique l’historienne ukrainienne Hanna Perekhoda, « une société qui tolère, voire encourage, le cynisme et la domination sur la scène mondiale normalisera inévitablement ces mêmes dynamiques dans ses relations sociales internes – et vice versa ».
Pour le moment, on a l’impression qu’en faisant l’autruche la gauche québécoise et le mouvement syndical espèrent que Trump « règle » effectivement le conflit et qu’ils n’aient pas à se prononcer sur des questions qui fâchent, comme sur ce pacifisme complice des impérialismes russes et états-uniens, comme sur le soutien armé à l’Ukraine et plus généralement sur la question des armes, de l’armement, de l’industrie militaires et de la sécurité collective. Or il est très peu probable que Donald Trump « règle » le conflit en Ukraine, qu’il oublie son projet d’annexion du 51e État des États-Unis, que l’extrême droite, les fascistes et les néonazis restent confinés de l’autre côté de la frontière, que les oligarques étatsuniens et russes se satisfassent d’une Ukraine pillée et que ces impérialistes se mettent subitement à respecter le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Si cette hypothèse n’est pas complètement farfelue, il faudra bien qu’à un moment donné, la gauche et les syndicats canadiens et québécois se saisissent de « sales questions », comme celle de la sécurité collective et donc de la question des armes, du contrôle et de la nationalisation de l’industrie de l’armement notamment. Il faudra bien que les pacifistes convaincus prennent conscience qu’en matière de paix et de désarmement, la question est toujours de savoir : qui sera désarmé et par qui ?
Camille Popinot et Paco
7 mars 2025
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