Édition du 8 avril 2025

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La guerre en Ukraine - Les enjeux

Ukraine : Ce n’est pas une guerre par procuration

Discussion autour de l’article du New York Times : « The Partnership : The Secret History of the War in Ukraine »

Le peuple ukrainien lutte aujourd’hui contre l’invasion brutale de la Russie et l’occupation d’environ 20 % de son territoire. Cette guerre reste, aujourd’hui comme depuis le début, une guerre de légitime défense nationale et d’autodétermination face à l’impérialisme russe, Vladimir Poutine tentant de ramener l’Ukraine à son ancien statut colonial sous les empires tsariste et soviétique.

3 avril 2025 | tiré de znetwork.net |5 — Source : New Politics

Dès le début de la guerre, l’Ukraine — comme toute nation dans une telle situation — a eu le droit de se procurer des armes où qu’elle le puisse, même si l’aide militaire et les renseignements fournis par les États-Unis pouvaient exercer une influence et une pression sur elle. Et ce droit à l’autodéfense demeure, même si le peuple ukrainien conteste en parallèle les politiques néolibérales du gouvernement Zelensky.

Grâce à une analyse d’Adam Entous publiée dans le New York Times le 29 mars sous le titre « The Partnership : The Secret History of the War in Ukraine », nous disposons aujourd’hui de nouvelles informations sur l’ampleur de l’aide militaire américaine. La presse russe et les médias pro-Poutine se sont empressés de s’en réjouir, prétendant que cet article invaliderait d’une manière ou d’une autre la guerre de légitime défense de l’Ukraine.

Or, si l’article nous offre un récit très détaillé de la relation militaire entre les États-Unis et l’Ukraine sous l’administration Biden, il ne fournit en revanche aucune preuve d’un contrôle politique américain sur la guerre — et encore moins de pressions exercées par Washington pour contraindre Kyiv à continuer le combat contre sa volonté. L’article relate au contraire les désaccords et tensions constants entre les généraux américains et ukrainiens, ainsi qu’entre les dirigeants politiques et militaires ukrainiens eux-mêmes. La plupart de ces tensions résultaient du désir légitime et compréhensible de l’Ukraine de chasser l’envahisseur russe de son territoire et, surtout, de libérer les Ukrainiens vivant sous l’occupation et soumis à l’oppression — d’un côté — et, de l’autre, des préoccupations américaines face au risque d’un élargissement du conflit, voire d’une guerre nucléaire.

L’article consacre une longue partie à l’offensive de contre-attaque ukrainienne de 2023, qui s’est soldée par un « échec mort-né ». Entous montre que Zelensky a choisi de suivre l’avis de son commandant des forces terrestres, préférant déployer ses troupes dans la défense — infructueuse — de Bakhmout, plutôt que de concentrer ses forces vers le sud, comme le lui recommandaient à la fois son propre commandant suprême et les Américains. Ce choix a effectivement compromis la contre-offensive.

S’en sont suivis de nouvelles tensions et divisions au sein des Ukrainiens eux-mêmes. Mais jamais, en lisant cet article, on n’a le sentiment que les Américains dictaient leurs ordres aux Ukrainiens. Et c’est bien cela l’enjeu fondamental.

Au début de l’article, Entous écrit : « D’une certaine manière, l’Ukraine était, à une plus grande échelle, une revanche dans la longue histoire des guerres par procuration entre les États-Unis et la Russie — le Vietnam dans les années 1960, l’Afghanistan dans les années 1980, la Syrie trois décennies plus tard. » Mais son article ne vient aucunement étayer cette affirmation.

Qu’est-ce qu’une guerre par procuration ? C’est une guerre où ceux qui se battent ne sont pas ceux qui décident. L’Union soviétique et la Chine ont fourni des armes au Nord-Vietnam — à juste titre — mais la décision de résister à l’agression américaine a été prise à Hanoï et par les Vietnamiens du Sud, non à Moscou ou Pékin. De la même manière, les Ukrainiens se battent non parce qu’une puissance étrangère les y oblige, mais parce qu’ils tiennent à leur propre survie nationale. Sous l’administration Biden, les États-Unis ont soutenu l’Ukraine pour des raisons qui leur sont propres — affaiblir et contenir l’expansion russe, renforcer leurs relations avec leurs alliés de l’OTAN, avec l’Union européenne et son économie. Mais Washington et ses généraux se sont montrés incapables de forcer les Ukrainiens à suivre des stratégies correspondant aux seuls objectifs américains, et n’ont jamais réussi à prendre le contrôle politique de la guerre.

Aujourd’hui, la situation est bien différente. À l’heure actuelle, le président Donald Trump tente précisément de prendre ce contrôle, en imposant une solution qui reviendrait essentiellement à partager les dépouilles de l’Ukraine entre les États-Unis et la Russie : Washington obtiendrait des droits miniers, comme les grandes puissances l’ont souvent exigé de leurs colonies, et la Russie récupérerait de vastes portions du territoire ukrainien, avec ses populations et ses ressources. Poutine priverait également l’Ukraine de son autonomie, lui interdisant d’adhérer à l’OTAN ou à l’Union européenne. C’est ce soutien de Trump à la position de Poutine qui constitue la base d’un partenariat plus large entre les États-Unis et la Russie, partenariat qui menacerait d’autres pays européens. La lutte de l’Ukraine pour sa souveraineté reste donc plus essentielle que jamais.

Mais aussi importante que soit cette lutte pour la sécurité à long terme des autres pays européens, ces derniers ne pourraient pas convaincre Kyiv de continuer à se battre si les Ukrainiens eux-mêmes ne voyaient pas la valeur de résister à l’asservissement russe. Malheureusement, étant donné le déséquilibre militaire entre la Russie et l’Ukraine, cette dernière ne peut poursuivre sa guerre de légitime défense que si d’autres nations continuent de lui fournir des armes. Il nous faudra donc nous organiser pour exiger que ces livraisons d’armes se poursuivent, jusqu’à ce que l’Ukraine puisse obtenir la paix juste que la majorité de son peuple désire si ardemment.

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Dan La Botz

L’auteur est un professeur d’université américain et un militant de l’organisation socialiste Solidarity.

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