Édition du 8 avril 2025

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La Hongrie se retire de la CPI « politique » alors que Netanyahu est en visite à Budapest

Le Premier ministre israélien, qui est recherché par la Cour, salue la décision « audacieuse et fondée sur des principes » de Viktor Orbán de quitter cet organe « corrompu ».

Tiré de France Palestine Solidarité. Article paru dans The Guardian à l’origine.

La Hongrie quittera la Cour pénale internationale parce qu’elle est devenue « politique », a déclaré le premier ministre du pays, Viktor Orbán, en accueillant son homologue israélien, Benjamin Netanhayu - qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI - à Budapest pour une visite officielle.

Aux côtés de M. Netanyahu au début de cette visite de quatre jours, M. Orbàn a déclaré jeudi que la Hongrie était convaincue que la « Cour, par ailleurs très importante », s’était « réduite à un forum politique ». M. Netanyahu a salué une décision « audacieuse et fondée sur des principes ».

« Je vous remercie, Viktor... C’est important pour toutes les démocraties », a déclaré le premier ministre israélien. « Il est important de s’opposer à cette organisation corrompue. M. Netanyahu est sous le coup d’un mandat d’arrêt international depuis le mois de novembre, en raison d’allégations de crimes de guerre à Gaza. »

Il a également déclaré qu’il pensait qu’Israël et la Hongrie, tous deux dirigés par des gouvernements nationalistes de droite, menaient « une bataille similaire pour l’avenir de notre civilisation commune, notre civilisation judéo-chrétienne ».

Le chef de cabinet de M. Orbán, Gergely Gulyás, a annoncé peu après l’atterrissage de M. Netanyahu à l’aéroport de Budapest que le gouvernement « entamerait la procédure de retrait jeudi, conformément au cadre juridique constitutionnel et international ».

Pour quitter la Cour, à laquelle appartiennent les 27 États membres de l’Union européenne, il faudrait d’abord faire adopter un projet de loi par le parlement, dominé par le parti Fidesz d’Orbán, puis notifier officiellement le bureau du secrétaire général des Nations unies. Le retrait prendrait effet un an plus tard.

Le ministre israélien des affaires étrangères, Gideon Saar, a salué ce qu’il a qualifié de « décision importante » et a remercié la Hongrie pour sa « position morale claire et forte aux côtés d’Israël et des principes de justice et de souveraineté ».

Gideon Saar a ajouté que la « soi-disant Cour pénale internationale » avait « perdu son autorité morale après avoir piétiné les principes fondamentaux du droit international dans sa volonté de porter atteinte au droit d’Israël à l’autodéfense ».

Le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Caspar Veldkamp, a toutefois déclaré aux journalistes en marge d’une réunion de l’OTAN à Bruxelles jeudi que tant que la Hongrie resterait officiellement membre de la CPI, elle devrait « s’acquitter de toutes ses obligations envers la Cour ».

M. Netanyahu a été accueilli à Budapest lors d’une cérémonie officielle, aux côtés de M. Orbán, sous le regard d’une fanfare militaire et de cavaliers portant des épées et des baïonnettes. Il devrait visiter le musée de l’Holocauste de Budapest et tenir un certain nombre de réunions politiques avant de repartir dimanche.

M. Orbán a invité son homologue israélien à venir le lendemain de l’émission par la CPI, basée à La Haye et seul tribunal mondial permanent chargé de juger les crimes de guerre et les génocides, d’un mandat d’arrêt qu’Israël qualifie de politiquement motivé et d’alimenté par l’antisémitisme.

Le gouvernement de M. Netanyahu a déclaré à plusieurs reprises que la Cour avait perdu sa légitimité en délivrant un mandat à l’encontre d’un dirigeant démocratiquement élu exerçant le droit de son pays à l’autodéfense après l’attaque menée en octobre 2023 par des combattants du Hamas contre le sud d’Israël.

Liz Evenson, directrice de la justice internationale à Human Rights Watch, a déclaré que le retrait de la Hongrie « démontrerait jusqu’où le gouvernement d’Orban est prêt à aller pour diminuer la protection des droits de l’homme dans le monde et le respect de l’État de droit pour les personnes, y compris en Hongrie ». Ses obligations au titre de la CPI « restent intactes », a-t-elle ajouté.

En principe, la Hongrie, qui a signé le document fondateur de la CPI en 1999 et l’a ratifié en 2001, devrait être tenue de détenir et d’extrader toute personne faisant l’objet d’un mandat de la Cour, mais Budapest a fait valoir que la loi n’avait jamais été promulguée.

« Elle n’a jamais été intégrée à la législation hongroise », a déclaré M. Gulyás à la fin de l’année dernière, ce qui signifie qu’aucune mesure de la CPI ne peut être légalement mise en œuvre en Hongrie. Quoi qu’il en soit, M. Orbán a déclaré qu’il ne respecterait pas la décision, la qualifiant d’« effrontée, cynique et totalement inacceptable ».

En novembre, le Premier ministre hongrois a déclaré à la presse qu’il « garantirait » que la décision de la CPI n’aurait « aucun effet en Hongrie » et, depuis, il a évoqué à plusieurs reprises la possibilité de retirer son pays de la Cour.

« Il est temps pour la Hongrie de revoir ce que nous faisons dans une organisation internationale qui fait l’objet de sanctions américaines », a déclaré M. Orbán en février, lorsque Donald Trump a imposé des sanctions au procureur de la Cour, Karim Khan.

M. Orbán soutient fermement M. Netanyahu depuis de nombreuses années, considérant le premier ministre israélien de droite comme un allié qui partage les mêmes opinions conservatrices, souverainistes et autoritaires. La Hongrie a souvent bloqué les déclarations ou les sanctions de l’UE à l’encontre d’Israël.

Cette visite marque le deuxième voyage à l’étranger de M. Netanyahu depuis que des mandats d’arrêt de la CPI ont été annoncés contre lui et son ancien chef de la défense, Yoav Gallant, ainsi que contre le chef du Hamas, Ibrahim al-Masri. En février, il s’est rendu aux États-Unis qui, comme Israël, la Russie et la Chine, ne sont pas membres de la CPI.

Pour le Premier ministre israélien, cette visite est l’occasion de montrer - à un moment où les critiques à l’encontre de son leadership se multiplient et où la liste des scandales internes s’allonge - qu’en dépit de l’opposition internationale généralisée à la conduite de la guerre par Israël, il reste un leader sur la scène mondiale. Pour Orbán, il s’agit d’un nouvel acte de défi qui attire l’attention.

Les juges de la CPI ont déclaré, lorsqu’ils ont délivré le mandat d’arrêt, qu’il existait des motifs raisonnables de croire que M. Netanyahu et M. Gallant étaient pénalement responsables d’actes tels que le meurtre, la persécution et l’utilisation de la famine comme arme de guerre.

Les États membres de l’Union européenne sont divisés sur la question de l’exécution des mandats d’arrêt : certains, comme l’Espagne, les Pays-Bas et la Finlande, ont déclaré qu’ils les appliqueraient, tandis que d’autres, comme l’Allemagne et la Pologne, ont laissé entendre qu’ils pourraient trouver un moyen de permettre à M. Netanyahu de se rendre dans le pays sans être arrêté. La France a déclaré que M. Netanyahu ne devrait pas faire l’objet d’un mandat d’arrêt puisqu’Israël n’est pas membre de la CPI.

La Cour, qui compte parmi ses 124 membres le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie, le Brésil, le Japon et de nombreux pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie-Pacifique, a pour mission de poursuivre les personnes responsables de crimes graves lorsque les pays ne peuvent ou ne veulent pas le faire eux-mêmes.

Elle a ouvert plus de 30 dossiers pour des allégations de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de génocide et d’atteintes à l’administration de la justice, mais elle est entravée par un manque de reconnaissance et d’application. Seuls le Burundi et les Philippines ont quitté la CPI à ce jour.

Traduction : AFPS

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John Henley

Journaliste pour The Guardian

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