Ce type d’importation de main d’œuvre étrangère est une honte. Par deux fois, un rapporteur de l’ONU les a assimilé à de l’esclavage moderne. En début d’année, c’était au tour d’Amnistie Internationale à tirer la sonnette d’alarme. Les contrats fermés ont beau représenter la catégorie d’immigration temporaire la plus importante au cours de deux dernières années, on fait comme s’ils n’existaient pas. Pire, François Legault s’est même permis récemment d’alléger considérablement la pénalité pour les employeurs trouvés coupables d’abus. Pourtant, le thème de l’immigration est sur beaucoup de lèvres et risque de prendre une grande place lors de la prochaine campagne électorale.
Les contrats fermés existent depuis longtemps. Au début, ils concernaient surtout les travailleurs agricoles saisonniers. Aujourd’hui, il y a un volet pour les postes à haut salaire et un pour les bas salaires. Après la pandémie, les gouvernements en ont facilité l’utilisation, surtout pour les postes à bas salaire. Par exemple, pour plus de 200 occupations, les employeurs n’étaient plus tenus de démontrer leur incapacité à dénicher de la main d’œuvre locale et le plafond de la proportion des travailleurs étrangers qu’un employeur pouvait embaucher a été augmenté. Résultat, les employeurs se sont littéralement rués vers ce type de main d’œuvre qui est passée de marginale à championne toute catégorie en terme d’augmentation. Comme le disait François Legault à l’Assemblée Nationale avant les Fêtes, « En 2 ans, le nombre d’immigrés temporaires a doublé au Québec passant de 300 à 600 000". Les contrats fermés sont issus de deux programmes : celui des travailleurs étrangers temporaires (PTET, juridiction provinciale) et celui des PMI (programme mobilité internationale, juridiction fédérale). Il n’y a pas de chiffres concernant le nombre de contrats fermés mais 100% des PTET en sont et au niveau des PMI, ils constituent 30% du total. À partir de là, on peut calculer qu’en 2023 et 2024, c’est respectivement 82 081 et 79 867 contrats fermés qui ont été accordés. Des chiffres supérieurs aux autres catégories d’immigrés temporaires (étudiants étrangers et demandeurs d’asile).
Évidemment, on parle ad nauseam de pénurie de main d’œuvre pour justifier ce recours massif au cheap labor. On fait ainsi la part belle aux employeurs qui, bien sûr, ont l’intérêt de leurs employé(e)s bien à cœur. C’est oublier bien vite que la disponibilité d’une main d’œuvre docile est bien tentante et que dans ce registre, rien de mieux que des employé(e)s qui ont le choix entre accepter leur sort sans se plaindre ou retourner dans leur pays. Ces contrats fermés ne sont rien de moins qu’une invitation aux abus de toutes sortes. Le Devoir du 9 avril nous apprenait l’existence d’une agence qui envoyait une cinquantaine de travailleurs étrangers dans d’autres entreprises un peu partout au Québec. Le propriétaire de l’agence s’exprimait ainsi : « Les employés sont à nous… ». Le pire dans ce type de contrat est qu’un grand nombre d’abusé(e)s acceptent leur sort sans même rechigner, le percevant comme un mauvais moment à passer avant d’atteindre l’objectif ultime : la naturalisation.
Mais parlons de pénurie de main d’œuvre. Lors d’une présentation au début du mois de décembre organisée par le Mouvement Démocratie et Souveraineté, l’économiste Pierre Fortin remettait en question quelques idées reçues concernant le lien entre immigration et disponibilité de main d’œuvre. Depuis longtemps, on nous répète ad nauseam qu’il y a pénurie de main d’œuvre justifiant ainsi l’importation de main d’œuvre étrangère. Pour Pierre Fortin, ce lien est en bonne partie faux. S’il est vrai que la main d’œuvre étrangère comble des postes, elle a aussi pour effet de créer des manques dans des secteurs reliés principalement à l’accroissement de l’économie consécutive à l’augmentation de la population. Concernant l’immigration temporaire à bas salaire, M. Fortin souligne un effet pervers soit que ça devient une solution de facilité pour les employeurs. Ainsi, plutôt que d’améliorer les conditions de travail ou encore innover technologiquement, l’importation d’une main d’œuvre corvéable à souhait devient le remède miracle. La pénurie de main d’œuvre a le dos large ! Dans les faits, il s’agit d’une pression générale à la baisse sur les conditions de travail.
Pour les employeurs, cette main d’œuvre docile devient comme une drogue. On peut déjà le constater puisque devant le questionnement généralisé concernant le nombre élevé d’immigrant(e)s (réserves exprimées par les banques et même par QS au niveau politique), les gouvernements ont commencé à resserrer les critères. Depuis ce temps, il ne se passe pas une semaine sans que les journaux ne fassent état d’un employeur menacé de quasi-fermeture si les gouvernements ne reviennent pas sur leurs décisions. Lors de sa présentation, Pierre Fortin n’y est pas allé par quatre chemins : « Il faut remettre les milieux d’affaire à leur place ». Venant d’un économiste réputé proche de ces milieux, cette remarque a valeur de symbole. Avec les contrats fermés, on a affaire au noyau dur de l’immigration temporaire. Il s’agit d’une bombe à retardement d’autant plus qu’il s’agit d’un sujet tabou parce qu’il met en jeu les intérêts des chouchous de nos gouvernements et médias : le patronat.
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