On est en présence d’un gouvernement libéral canadien à la veille de déclencher des élections, donc fragile, d’un "front commun" des provinces en réalité dispersées, d’un Doug Ford, premier ministre de l’Ontario qui a abandonné au moins momentanément ses rodomontades face au géant américain, et de l’autre côté de la frontière d’un gouvernement républicain dont le chef met les bouchées doubles et accentue le degré de brutalité de ses mesures pour faire plier Ottawa. Dans deux ans se tiendront aux États-Unis le scrutin de mi-mandat pour renouveler la Congrès (Chambre des représentants et une partie du Sénat) et les républicains ne sont pas certains de conserver leur mainmise sur ces instances, au moins sur la Chambre des représentant.. Même si les démocrates n’ont présentement pas de chef et qu’ils sont divisés sur une foule de sujets, ils pourraient remporter une majorité (même minime) à ces deux instances, ce qui risquerait de mettre en péril la croisade de Trump contre le Canada et le Mexique. C’est pourquoi Donald Trump mène la charge à fond de train et ce, même s’il change souvent d’idée et a reporté certains tarifs au début d’avril.
Pour leur part, les dirigeants canadiens fédéraux et provinciaux ont tout tenté pour éviter le choc avec la Maison-Blanche, cédant entre autres à ses pressions (qui n’étaient que des prétextes) de mieux surveiller la frontière pour enrayer le trafic de fentanyl, et ce, même s’il est prouvé que seulement une partie infime de cette drogue provient du Canada, la grande majorité qui entre aux "States" arrive du Mexique. Ce n’est qu’en dernier recours qu’Ottawa et la plupart des provinces se sont résignées à adopter des mesures de rétorsion économiques.
Les libéraux viennent de désigner Mark Carney pour diriger leur parti. Le gouvernement fédéral arrive au terme de son mandat. Un scrutin se tiendra donc bientôt. En attendant, l’instabilité politique va affaiblir Ottawa jusqu’à ce qu’un nouveau gouvernement émerge des urnes dans quelques mois, une période de transition qui accentuera la vulnérabilité du pays durant tout ce temps. Il fera face à un énorme adversaire vorace et déterminé.
Les provinces, pour leur part, agissent en ordre dispersé. L’Alberta rechigne à imposer des droits de douane sur le pétrole qu’elle exporte à son excellent client américain, la Saskatchewan rejette les tarifs sur la potasse qu’elle lui envoie et François Legault a déclaré que les entreprises américaines qui soumissionnent pour les contrats du gouvernement québécois s’exposeraient à une pénalité de 25%. Mais il refuse d’imposer des tarifs sur l’électricité exportée à son puissant voisin. Doug Ford avait tout d’abord annoncé de manière tonitruante l’imposition de tarifs élevés sur l’électricité destiné aux États-Unis et en a rajouté par la suite en évoquant la possibilité de les cesser tout à fait. Mais il se dit maintenant ouvert à la négociation avec Washington.
Donc, rien de bien concret ne ressort de la riposte canadienne. Elle est aussi confuse et instable que l’attaque américaine à l’égard du Canada. On a beau reprocher à Trump ses déclarations fluctuantes et sa propre instabilité dans les dates d’imposition de ses mesures de rétorsion, les classes politiques canadiennes (provinciales et fédérale) ne font pas mieux.
Les divisions et les contradictions qui fragilisent le "front commun canadien" augurent mal pour l’avenir. Le gouvernement qui sera élu cette année à Ottawa, peu importe sa couleur politique, éprouvera beaucoup de difficultés à souder les intérêts divergents provinciaux et fédéraux pour coordonner une riposte commune et efficace vis-à-vis de l’administration Trump. Cette dernière pourra-t-elle maintenir la pression sur le Canada ? Là aussi règne l’incertitude.
Il y a quelque chose de ridicule dans cette guéguerre entre ces deux proches alliés de taille si inégale. Une superpuissance dirigée par un sinistre bouffon d’un côté, de l’autre un grand pays peu peuplé par comparaison qui tente de sauvegarder ses intérêts tout en conservant un semblant de dignité.
La bêtise humaine s’étale devant nous en ce moment. Faut-il en rire ou en pleurer ? Sans doute les deux à la fois.
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