Prélude
Les domestiques Thatcher et Reagan ayant mis la table sous la gouverne des chefs économistes Hayek, Friedman et de leurs collègues américains de l’École de Chicago confectionnèrent un menu pour le moins famélique et peu ragoûtant. La charrue libertarienne avait enfin le champ libre et pouvait se mettre en marche pour sarcler à grands traits les nouvelles structures déconfites de l’État, sabrer dans les programmes sociaux et déréglementer l’économie et la finance afin de semer à tous vents sa divine devise : « l’État est mort, vive le Marché ! » Et l’on peut affirmer que le gouvernement chaotique Trumpien « sponsorisée » – comme on dit en France – par le « complexe technologico-industriel » des ultra-riches qui proclament la fin de de l’État de droit et l’avènement d’une autocratie s’amuse « follement » à gouverner par « décrets technofacistes ». Cette ère de brutalité aveugle et de destruction, une gracieuseté du fou baveux devenu roi belliqueux, est en train de s’implanter à la vitesse grand « V » pour violence aux États-Unis et planter ses pieux malicieux partout dans le monde et s’inscrire en droite ligne blanche dans cet étroit et périlleux sillon ovalien libertarien.
Une crise annoncée
Nous nageons encore en pleine tragédie post-covidienne durant laquelle des ménages ont été littéralement laissés-pour-compte et plongés froidement dans une crise du logement qui ne date pas d’hier et n’existe pas qu’au Québec. Une crise qui s’accentue et tire ses origines d’un virus planétaire pieuté au cœur des sociétés et nommé « néolibéralisme ». Un virus latent et virulent qui depuis plus de trois décennies transmet son substrat de réduction de la taille de l’État, de l’effritement des programmes sociaux et du « tout au privé » au bénéfice du marché.
À preuve, au Canada, le 26 avril 1993, sous le gouvernement conservateur de Brian Mulroney, le gouvernement fédéral décide de se retirer du développement du logement social et cette décision sera effective le 1er janvier 1994. Entre temps, lors des élections fédérales de novembre 1993, Jean Chrétien du Parti libéral promet, s’il est élu, qu’il renversera cette décision. Belle promesse de politicien ! Évidemment, il n’en fera rien et devra en porter tout l’odieux … Ainsi, selon le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) : « Si le fédéral ne s’était pas retiré du financement à long terme du logement social, en 1994, ce sont 85 000 logements sociaux supplémentaires au Québec qui offriraient aujourd’hui une alternative aux ménages locataires vivant les conséquences d’un marché locatif en crise ». – Cela aurait pu changer le visage de la crise actuelle. –
Plus ça change … plus c’est pareil !
« Nous devons résister, nous organiser et lutter pour notre droit à un logement décent qu’on peut payer. Nous devons résister à ces bourgeois promoteurs, spéculateurs et patrons et revendiquer nos droits. Luttons contre la crise ! Luttons pour le droit au logement ! » Déclaration de Nicole Breault – du Comité logement Centre-Sud, aujourd’hui Ville-Marie, – citée dans l’ouvrage : « Avant de se retrouver tout nu dans la rue », publié aux Éditions Parti Pris, en 1977 … Depuis cette déclaration citoyenne, 48 années se sont écoulées et de lourdes poussières se sont accumulées sur le dos des revendications légitimes et encore actuelles des locataires !
Un sacré désastre ou le sacre de la piasse
J’ai milité et travaillé dans le milieu communautaire plus de vingt ans au Comité logement Ville-Marie de Montréal. Aujourd’hui, c’est l’homme au cœur affligé et le travailleur retraité – toujours militant – qui décide de prendre la parole. Je suis profondément révolté face aux actions improvisées et tardives et aux tergiversations du gouvernement québécois actuel aveuglé par une vision paternaliste, affairiste, voire libertarienne de la société et surtout totalement dépourvu de réelle volonté politique afin de s’attaquer aux véritables enjeux de la crise du logement qui sévit au Caquistan, dans le reste du Canada et ailleurs dans le monde. – Au Québec, selon la SCHL, il manque 1,2 million d’unités supplémentaires, à l’horizon 2030 et 1,6 milliards de personnes dans le monde ne disposent pas d’un logement adéquat. – Nous sommes aux prises avec un gouvernement anti-coalition évoluant en symbiose avec sa base électorale, attentif aux lobbys des propriétaires et soucieux du bien-être des promoteurs et des gens d’affaires, mais lourdement « acouphènisé » par les souffrances et les clameurs de détresse de milliers de mal-logé-e-s ainsi que celles des pauvres et ceux de la classe moyenne qui viennent grossir le rang des indigents.e.s. Un gouvernement qui a trop longtemps nié la crise actuelle et ne cesse d’ignorer sciemment les légitimes et alarmants signaux lancés par des groupes logement, des organismes et regroupements de divers horizons. Un gouvernement balayant du revers de la main de sa ministre de l’Habitation, Mme Duranceau – à la fois courtière immobilière et couturière de la misère –, les solutions proposées à la crise actuelle qui secoue non seulement les grands centres urbains, mais toutes les régions du Québec.
Je me sens heurté par les blessures et les tourments de mes semblables – surtout depuis la Covid de Wehan – qui se sentent menacés, souffrent d’anxiété et peinent à garder espoir. Un nombre grandissant de ménages deviennent de plus en plus incapables de payer leur loyer. Un loyer qui a littéralement explosé depuis les dernières années et qui atteindra cette année des hausses jamais vues en 30 ans, soit de l’ordre de 5,9 % pour un logement non-chauffé. En octobre 2024, le taux d’occupation était de 1,5 % pour les deux chambres à coucher, dont la hausse moyenne du loyer a été de 7,9%, bien au-dessus des indices du Tribunal administratif du logement (TAL), dans la région de Montréal avec un loyer moyen de 1131 $. En effet, depuis les dix dernières années, le prix de l’immobilier résidentiel a augmenté deux fois plus rapidement que le revenu des ménages. Ajoutons à cela une spéculation immobilière qui se glisse sous les beaux draps fiscaux des villes, qui s’accouple avec le plafond des hausses de loyer abusives et balaie le plancher des taux de vacance.
La dernière enquête annuelle du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), parue en juin 2024, révélait que le loyer moyen d’un 4 ½ à louer est passé de 1222 $ par mois en 2020 à 1828 $ en 2024. Nous nous retrouvons face à des augmentations faramineuses du coût des logements qui frappent les ménages de plein fouet et que ces derniers deviennent alors à risque de perdre leur toit. Ainsi, selon un sondage de l’Enquête de Statistique Canada, publié en mai 2024, a estimé qu’environ 45 000 ménages québécois ont été évincés de leur logement dans l’année qui précède. N’oublions pas qu’être évincé signifie davantage que la perte d’un logement. Cela évoque un drame humain et financier provoquant de profondes séquelles de se voir ainsi brusquement « déraciner » de chez-soi, de son milieu de vie et couper de ses services et ressources. En fait, les personnes sont évincées soit pour avoir demandé des réparations, refusé des hausses de loyer abusives, subit des reprises de logement malveillantes ou des rénovictions frauduleuses. Des rénovictions prétextant d’éventuels travaux majeurs et souvent sous le coup de harcèlement, voire de menaces et de violentes tromperies et avec pour graves conséquences des ménages locataires paniqués de se voir littéralement chassés comme des malpropres ou des « non citoyen.nes » et projetés au bas de la chaîne de trottoir de la survie. Notons également que ces rénovictions touchent toutes les catégories d’habitation, y compris les résidences privées pour adultes (RPA). Nous ne l’affirmerons jamais assez à savoir que ces drames doivent être associés à de la violence, voire une forme de « nettoyage social ».
Selon une analyse del’Observatoire québécois des inégalités, les mauvaises conditions de logement exacerbent l’insécurité alimentaire et ont une influence néfaste sur la santé mentale et physique. Ainsi, la crise du logement, les augmentations du coût de la vie et l’insuffisance des revenus contribuent à l’aggravation de la pauvreté et du mal-logement. Quant aux autres ménages qui cherchent un toit convenant à leurs besoins, ils se voient incapables d’en trouver un à prix abordable. Ils sont alors contraints de demeurer dans des logements souvent trop exigus, en mauvais état ou de se voir dans l’obligation de louer à fort prix et avec en prime le risque de mettre leur situation en péril – 36 223 dossiers en non-paiement au TAL en 2024 – et de se retrouver à deux pas des chemins tragiques de l’itinérance et des périlleux nids-de-poule du décrochage social.
Pas de Métro, pas de Boulot, pas de Dodo ou le Canarie dehors de dehors
L’Itinérance est un phénomène complexe aux causes et aux conséquences multiples. Elle est en partie liée aux conditions difficiles de vie, aux disfonctionnements de politiques publiques et de programmes déficients, mais surtout causée par la rupture du contrat social. Et mettons les choses au clair : l’Itinérance n’a rien à voir avec la fatalité car elle représente en fait une forme d’aboutissement d’un processus de désaffiliation de la société en général et plus particulièrement du milieu de vie. Selon la rapporteuse spéciale sur le droit à un logement convenable des Nations Unies : « Le sans-abrisme porte profondément atteinte à la dignité et au droit à la vie et compromet l’inclusion sociale. Il constitue a priori une violation du droit au logement et enfreint plusieurs autres droits de l’homme en plus du droit à la vie, parmi lesquels les droits à la non-discrimination, à la santé, à l’eau et à l’assainissement et à la sûreté de la personne, ainsi que le droit de ne pas subir de traitement cruel, inhumain ou dégradant ». Selon un document du Regroupement des personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) : « Au-delà d’un toit, le droit au logement c’est aussi la capacité de s’ancrer dans son milieu de vie et sa communauté ce qui passe par un soutien et un accompagnement communautaire. Ainsi, il est primordial de considérer la question du droit logement au-delà de l’offre et du lieu physique. Les personnes marginalisées et vulnérabilisées ont besoin et droit à un toît, mais également d’un soutien communautaire ou individuel. Elles ont besoin et droit à la sécurité. Une diversité d’approches est nécessaire pour répondre aux problématiques complexes et variées liées au logement pour les personnes en situation d’itinérance et à risque de l’être. »
À posteriori, deux grands obstacles nous empêchent jusqu’à présent comme société d’apporter des solutions durables et viables et à la fois individuelles et collectives. Tout d’abord, le manque de reconnaissance de l’ampleur et de la progression du phénomène de l’itinérance jouxté au désengagement d’un État qui s’en remet aux fondations, soude ses paupières et dompe le problème dans la cour des villes, dans le cœur des groupes communautaires et par ricochet dans le regard à la fois détaché et agacé de la population. Cela résultant d’une volonté politique larvée et d’un sous-financement à la fois individuel, au niveau du soutien directe aux personnes, et collectif en restreignant et négligeant celui des institutions publiques et des groupes concernés. L’autre raison, et non la moindre, il s’agit d’un certain désintéressement de la population allant jusqu’à une forme de dramatique de banalisation de l’itinérance et du syndrome pas dans mon cœur, pas dans ma cour. Cependant, lorsque la pression devient trop forte, comme c’est le cas présentement à Montréal, la population exerce alors des pressions sur les élu.e.s municipaux et les services publics afin que l’on « tasse » – pas qu’on s’y attaque – le problème. – On doit cependant admettre que face de l’inaction de Québec, Montréal et les groupes sont exaspérés que cela repose presque toujours sur leurs épaules. – Ainsi, fini le flânage dans le métro. – Ils ne flânent pas, ils essaient de (sur)vivre … – Mais pour aller où ? Manque de logements sociaux et privés, manque de maisons de chambres, manque de haltes et d’hébergements d’urgence, refuges débordés, manque de ressources, groupes communautaires à bout, campements sauvagement démantelés et surtout manque de compréhension et de compassion. On les rejette à la rue, on les chasse de l’espace public et ils deviennent alors souvent victimes de judiciarisation et de profilages.
Mais au final que veut-on ? On veut les rendre silencieux et les balayer sous l’épais tapis de l’invisibilité. Pourtant, ces êtres humains – ça pourrait être votre sœur, votre père, votre ami ou vous-même – ne bénéficient-ils pas comme vous et moi du Droit de cité ? Malgré cela, ils sont tout de même mis au ban de la société et on leur interdit par surcroit de dormir sur un banc public pour contempler le ciel étoilé et agrémenté par le chant strident des sirènes des gyrophares des forces constabulaires, pigmenté par les odeurs polluantes de la ville et enveloppés par les klaxons des automobiles, qui elles ont droit de cité. Et pendant ce temps, le gouvernement du Québec demeure passivement tapi dans l’ombre ... Ça ! C’est pas son affaire parce que lui il s’occupe des affaires !
Le TAL ou un tribunal bancal
Une Régie du logement qui, suite à de multiples pressions, a tenté de revamper son image ternie en se transformant en Tribunal administratif du logement (TAL), a plutôt révélé son véritable visage de « machine à expulser les locataires ». Ce tribunal offre un service d’information déficient couplé à des délais d’audience injustifiables, des procédures complexes et une inégale représentation des parties. En plus de faire preuve d’amnésie volontaire au regard de mandats sciemment gommés au fil du temps, soit celui de produire des études et réaliser des campagnes d’information auprès de la population et d’assurer la protection du parc de logements locatifs privés. Il est plus que temps que la ministre responsable de l’habitation intervienne pour réformer la culture de ce tribunal et le doter d’un financement adéquat à la mesure de son fonctionnement et de ses obligations et responsabilités envers la population.
La financiarisation de l’habitation
Depuis un certain temps, Montréal et d’autres grandes villes sont en proie à la financiarisation du parc de logement locatif avec pour conséquence que le logement n’est plus reconnu comme un droit, mais qu’il est plutôt considéré telle une « simple marchandise » fort lucrative, que l’on troque à volonté et dont on fait disparaître les humains. Selon Louis Gaudreau, sociologue et professeur à l’École de travail social de l’UQÀM : « Le phénomène de la financiarisation se définit grossièrement par l’arrivée massive d’acteurs financiers dans le secteur de l’immobilier. Le cas typique observé est l’association d’un fonds d’investissement avec un promoteur immobilier dans la réalisation d’un projet résidentiel. Les fonds d’investissement investissent dans le but d’obtenir un rendement rapide ce qui influence le prix et le type de logement qui sera construit ».
Ce phénomène entraîne des augmentations abusives de loyer menant souvent à des évictions pour non-paiement ainsi que des coupures de service et d’entretien des bâtiments. On assiste à du harcèlement dans le but de chasser les ménages locataires de longue date, souvent des personnes âgées, car elles paient souvent moins cher de loyer et qu’elles ont investi dans leur logement. Ces logements sont attribués à coups d’enquêtes de crédit, de dépôts de garantie, pourtant illégaux au Québec, et de honteuses surenchères et discriminations habilement maquillées lors de la recherche de logement. En plus de faire grimper les thermomètres l’évaluation foncière et de la valeur marchande des immeubles et entraîner du même coup des hausses de taxes et conséquemment de loyer – sans pour autant qu’il y ait eu d’améliorations locatives – en plus d’être enfermé par la suite dans la spirale spéculative de la financiarisation.
L’économie collaborative ou le triomphe de la novlangue des Airbnb de ce monde
Malgré l’adoption plutôt tardives de réglementations et leurs applications larvées et leur non-respect, nous continuons toujours d’être aux prises avec le fléau mondial – on a qu’à penser aux villes de Barcelone, Paris et Venise – des plateformes d’hébergement touristique. À elle seule, la plateforme Airbnb propose plus de 7 millions d’annonces (de logements) dans le monde et 50 000 activités proposées par des hôtes locaux, actives d’en plus 220 pays différents et 100 000 villes et villages … Ces plateformes sont tout sauf collaboratives car elles monopolisent des milliers de logements en chassant leurs résident.e.s en usant souvent de méthodes malveillantes de chantage et de harcèlement. Elles empoisonnent également la vie des collectivités causant des problèmes de bruit, de salubrité, de sécurité et d’incivilité. Ces plateformes ne servent qu’à l’enrichissement de multinationales, d’opérateurs et de particuliers au détriment de la qualité de vie et de la sécurité en participant ainsi de l’appauvrissement et de la déprédation des populations. Selon unrapport du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ)en date de février 2023, uniquement sur le site d’Airbnb, il y avait 29 482 annonces affichées dont 23 245 n’étaient pas certifiées, donc illégales, soit une proportion de 79 %.
En vérité, à l’écoute des officines du pouvoir, nous savons que le gouvernement privilégie l’apport de ce type d’activités pour promouvoir l’industrie touristique et que cela lui permet de positionner et de maintenir certaines villes dans le cercle prisé des villes-musées et du cirque tonitruant de la Formule 1. La ministre Proulx du Tourisme nous l’a d’ailleurs démontré récemment en faisant les gorges chaudes lors de l’adoption d’une nouvelle mouture règlementaire par la Ville de Montréal. Au final, à la lumière des énormes problèmes sociaux occasionnées ici comme ailleurs dans le monde, les groupes logement sont persuadés, fort des désastres humains et urbanistiques de la dernière décennie, que la seule et véritable solution pérenne consisterait à bannir définitivement ce type d’activités commerciales dévastatrices pour nos villes et catastrophiques pour la qualité de vie des résidents.e.s.
La démission de l’État ou l’aveuglement volontaire
Pour une large part, les ménages québécois n’ont connu que des augmentations du coût de la vie et des hausses de revenu faméliques. Ils ont dû traverser un peu plus de 15 longues années d’austérité libérale, gracieuseté du gouvernement Charest, de 2003 à 2012. Puis celui de Couillard, de 2014 à 2018 connu pour son démantèlement tranquille du Québec. Mais, interrompu dans l’intervalle de 2012 à 2014 par le gouvernement péquiste de madame Marois marqué par une certaine incohérence de l’action gouvernementale. Sans compter deux pénibles années de pandémie et de ralentissement économique. Pendant tout ce temps et faute de volonté politique et de financement adéquat, la réalisation de logements sociaux s’est faite au compte-gouttes. Ainsi, depuis plus de deux décennies, les gouvernements successifs se sont obstinés à gommer la dure réalité des locataires et négliger l’entretien du parc de logements sociaux. À titre d’exemple, selon l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM), 79 % des immeubles HLM sont en mauvais ou très mauvais état attribué à un sous-financement chronique. Des immeubles dont le gouvernement du Québec est pourtant propriétaire et donc tributaire des obligations légales qui s’y rattachent. Et cessons de passer sous silence le fait que des milliers de ménages sont malheureusement contraints de vivre dans ces mauvaises conditions de salubrité, de sécurité et de santé. – À ce propos, une chose qui m’a toujours profondément choqué et me heurte encore, c’est d’entendre dire : « De toute façon, c’est just’une gang de pauvres et y’ont pas d’affaire à chialer parce qu’eux autes y ont un toit pas cher au-dessus de leus têtes. » Et je me disais également en arrière-pensée, c’est probablement ainsi que pensent certaines personnes au gouvernement …– Cette situation constitue un véritable scandale et démontre que Québec fait figure de « gestionnaire délinquant » qui mériterait d’être sanctionné. Ainsi, au fil des années, les différents Offices municipaux d’habitation n’ont jamais pu disposer de budgets suffisants à l’entretien de ce parc vieillissant de 66 600 logements HLM. Ce parc qui en définitive appartient à la collectivité.
Comme si cela n’était pas suffisant, le gouvernement Legault a gratifié la population du Québec d’une messe basse pour célébrer la mise en terre du programme de financement du logement social AccèsLogis créé en 1997, – grâce, entre autres, aux revendications incessantes du FRAPRU –. Ce programme aura pourtant permis la réalisation de 32 000 logements par des coopératives, des OSBL et des offices d’habitation. AccèsLogis a été remplacé en 2022 par le Programme d’habitation abordable du Québec (PHAQ). Mais ce programme est davantage pensé pour le privé et mal adapté pour le logement social tout comme la Stratégie canadienne sur le logement avec son Programme de prêts pour la construction d’appartements. Malheureusement, tous deux tardent à donner des résultats probants et ne livrent jusqu’à présent que des logements au loyer inabordable. Des logements construits à la va-vite avec des conséquences fâcheuses pour l’avenir, dont les coûts de ne cessent d’augmenter et les loyers fixés en fonction d’un marché locatif privé carburant à l’énergie spéculative et à la financiarisation. En définitive et que l’on se dise une fois pour toute : mise à part l’incurie injustifiable des gouvernements provincial et fédéral pendant des années, la crise du logement actuelle est certes attribuable à un problème d’accessibilité, mais elle relève davantage d’un réel et criant problème d’abordabilité des logements.
Pour une reconnaissance du Droit au logement
Voici quelques-unes des solutions viables proposées par le RCLALQ et le FRAPRU pour la promotion et la sauvegarde du Droit au logement et sortir de la crise. Décréter un contrôle obligatoire des loyers associé à un plafonnement ainsi que la mise sur pied d’un registre des loyers universel et accessible. Améliorer le régime de protection du parc locatif en mettant fin aux évictions et aux reprises frauduleuses et renforcer la protection des ainé.e.s en rendant permanent le moratoire de trois ans instauré par Québec, en 2024. Soit le Projet de loi 65 stipulant que dans les cas d’éviction, aucune personne locataire ne puisse être évincée à des fins d’agrandissement, de subdivision ou de changement d’affectation d’un logement. Le Droit au logement, proclamé à l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et inscrit timidement à l’article 1936 du Code civil du Québec par « le droit personnel au maintien dans les lieux » a trop longtemps été brutalement bafoué et sacrifié sur l’autel sacré du Marché. Il est plus que temps que l’on assure son respect et son application au nom de la justice et de l’équité. On doit cesser de priver les locataires de leur « Droit de cité » et de les contraindre à vivre en zone rouge en éprouvant de la difficulté à demeurer dans leur quartier et à se loger convenablement dans une zone verte sécuritaire. Des milliers de ménages, dont 173 000 ménages locataires ont des besoins impérieux de logement, sont frappés de plein fouet par la crise du logement. Il faut y mettre un terme et admettre que ce désastre institutionnalisé trop souvent passé sous le silencieux moulinet de la fatalité revêt maintenant tous les accablants attributs d’une véritable « crise de société ».
Prendre des mesures afin d’empêcher d’autres ménages de se retrouver dans l’incapacité de demeurer dans leur logement et carrément jetés à la rue pour rejoindre les nouvelles vagues des « réfugié.e.s du 1er juillet à l’année longue ». Il est donc impératif de défendre et reconnaitre le Droit au logement comme « un droit fondamental ». Ce droit aurait d’ailleurs dû être enchâssé depuis longtemps dans notre Charte québécoise. Revendiquer la mise en place d’une légitime Politique d’habitation nationale sauvegardée sous la gouverne d’un véritable ministère de l’Habitation et doté de budgets suffisants. Socialiser une partie du parc locatif privé. Construire des logements au loyer « véritablement abordable » et doubler le parc de logements sociaux – qui avec représente seulement 11 % de logements locatifs avec 169 000 logements –. C’est pourquoi, claironnons haut et fort que ces formidables et indispensables équipements collectifs représentent une véritable richesse pérenne pour notre société et que sans leur existence, la crise actuelle qui secoue le Québec en entier serait davantage exacerbée. Créer de la richesse : n’est-ce pas là le sempiternel « Credo libertarien » du gouvernement affairiste actuel … Certes, l’on se doit de créer de la richesse, non pas de la richesse accumulée et concentrée dans quelques mains, mais de la richesse partagée entre toutes les mains. Car pour l’instant, nous pourrions reprendre à notre compte la citation de l’écrivain français Chamfort : « La société est composée de deux grandes classes : ceux qui ont plus de dîners que d’appétit, et ceux qui ont plus d’appétit que de dîners ».
Monsieur Legault ou le choix de Claude
Monsieur le premier ministre, souhaitez-vous passer à l’Histoire pour celui qui devra porter l’odieux d’avoir englouti, selon des estimations préliminaires, 8 à 10 milliards pour l’édification d’un pontentre Québec et Lévis. – Ces 10 milliards de fonds publics suffiraient pour la construction de 100 000 logements sociaux et ce ne serait pas de l’argent jeté au fleuve ou englouti au fond d’unbaril de lithiumfuitant à hauteur d’un demi-milliard … – Un pont devant servir à l’amélioration de la fluidité de la circulation automobile, mais qui constituerait une menace pour l’environnement et l’aménagement du territoire en plus d’ouvrir à grande eau les vannes de l’étalement urbain et favoriser le plein de liquidité pour les carafes argentées des promoteurs immobiliers. Les jeux sont faits. Soit choisir entre un projet de troisième lien maintenant à sa 4e mouture préliminaire depuis 2014 et comportant un toit à la garniture de fer pour les chars et les trucks ou mettre de l’avant un Grand projet de société en établissant un premier lien essentiel garantissant un toit pour l’ensemble de la population du Québec. Ainsi, au lieu de bâtir un pont superflu et super coûteux, vous devriez bâtir des ponts de solidarité en lien avec les réels besoins de la population et avoir le courage et le sens du devoir digne d’un chef d’État responsable de lancer unGrand chantier de logements sociaux. Un chantier réclamé depuis des décennies par des organisations et des regroupements de la société civile ainsi que les 145 groupes membres du FRAPRU et par de nombreuses villes et municipalités du Québec. Soit d’assurer le financement de 10 000 logements sociaux par année pendant 15 ans, sous forme d’OSBL, de coopératives d’habitation et de logements sociaux publics afin de véritablement sortir de la crise actuelle et d’améliorer la qualité de vie de vos concitoyennes et concitoyens. Et surtout, de cesser de continuellement clamer que le financement en habitation constitue une dépense, mais de le considérer davantage tel un indispensable, structurant et pérenne investissement.
Pour l’instant, la question qui tue demeure tout entière : « être ou ne pas être à la rue ? » Ainsi, la meilleure des choses que nous puissions accomplir pour l’avancement de la société c’est d’œuvrer ensemble afin d’adopter à une feuille de route où dorénavant plus personne ne serait abandonné dans la marge et faire en sorte que le Droit au logement cesse d’être à l’image d’un fromage gruyère, « plein de trous ». L’Histoire et des milliers de ménages québécois éprouvés attendent impatiemment votre choix car il en va non seulement de leur dignité et de leur destinée, mais également de leur « droit fondamental » à un logement ainsi que de l’avenir même de la société québécoise. Une société qui néglige d’offrir de l’emploi, d’éduquer, de nourrir, de soigner et de loger sa population n’est pas digne de ce nom. Édifier contre vents et marées sociales un 3e pont au bénéfice de VUS et de lourds fardiers ou mettre en chantier une marée essentielle de logements sociaux et abordables au bénéfice de la population du Québec. La société québécoise attend votre choix monsieur Legault ?
« Paix, dignité et égalité sur une planète saine » La devise des Nations Unies
Gaétan Roberge
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