« C’était un temps déraisonnable (…) ». Louis Aragon.
Depuis que Trump II est de retour au Bureau ovale de la Maison-Blanche, tout se passe comme si, pour lui, le temps n’a pas la possibilité d’attendre. Il est pressé et il agit dans l’urgence du moment immédiat. Il multiplie les décrets. Comme l’écrivait jadis Vladimir Illitch Oulianov Lénine : en politique « [i]l y a des décennies où rien ne se passe ; et il y a des semaines où des décennies se produisent ». Trump II nous déroute. Il nous déstabilise. Il nous bouscule.
Il ne fait pas dans la dentelle. Il a des gestes brusques. Ses paroles sont brutales et menaçantes. Il a l’insulte généreuse à l’endroit de ses concurrentes et concurrents politiques. Il trompe délibérément autrui en feignant l’honnêteté. Dans l’affaire Stormy Daniels, il a été reconnu coupable de 34 chefs d’accusation. Dans la foulée de ce procès, qu’il a perdu, il s’est montré immédiatement après quérulent et habité par un esprit revanchard. Il veut semer en nous la crainte, l’inquiétude, la peur et le chaos. Il ne tient pas compte des limites inhérentes à l’exercice de ses fonctions. Il est un partisan acharné. Dans ses interventions, il donne l’impression qu’il est quasiment toujours en mode électoral. Il est ultranationaliste. Il se dit un inconditionnel de la loi et de l’ordre. Par contre, il a le pardon présidentiel facile pour ceux qui ont posé (ou poseront éventuellement) des gestes — même illégaux — en appui à sa cause. La vantardise ne l’étouffe pas. Il se croit omniscient et omnipotent. Il s’imagine tout permis. Il porte et cultive sur son chemin la violence verbale et encourage la résistance même violente et physique. On peut s’imaginer le voir dire, dans une même phrase, une chose et son contraire. Avec lui, c’est un peu le monde à l’envers. Exit la routine. Il a prouvé à certaines reprises qu’il est un personnage du type girouette. Quand il parle, il faut en prendre et en laisser. Devant un tel homme politique qui semble, à première vue, déraisonnable, irrationnel, clownesque, grotesque, hors-norme, se pose un certain nombre de questions dont en premier lieu celle-ci : quelle(s) étiquette(s) lui accoler ? Autrement dit, comment le saisir et le définir en un mot juste ou à l’aide d’un essaim de qualificatifs pertinents ?
Une première tentative de saisie par ordre alphabétique
Allons-y dans l’ordre alphabétique : arbitraire, autocrate, autoritaire, brimeur, corrompu, despote, dictateur, directif, dominateur, expansionniste, fabulateur, hégémonique, hypocrite, impérial, impérialiste, impérieux, incompétent, instable, jupitérien, machiavélique, manipulateur, mégalomane, menteur, mystificateur, mythomane, obscurantiste, oligarque, omnipotent, omnipuissant, ploutocrate, potentat, président empereur, président impérial, président ubuesque, satrape, souverain absolu, terreur, timocratique, tourmenteur, tyrannique, unilatéraliste, versatile, vexateur et quoi encore !
Or, toute médaille possède deux côtés. Malgré la facilité manichéenne, la tâche exige plus de rigueur, afin de reconnaître aussi certaines qualités au personnage. À ce titre, convenons ceci : actif, aime gagner, ambitieux, assurance (en démontre une), attaquant, calculateur, combatif, communicateur (ou égotisme), compétiteur, défenseur, entreprenant, estime de soi, fonceur, gestionnaire, père de famille, résilient, rêveur, riche, sens de la sécurité, téméraire, tenace, tient ses promesses, travailleur, visionnaire, pour en rester là. Il s’agit certes de qualités utiles pour réussir en affaires. Par contre, gérer un pays diffère du même acte à l’intérieur d’une entreprise. Car l’enrichissement n’est pas le seul but recherché : il faut savoir soutenir tous les membres de l’État et viser un environnement social et environnemental avantageux — pourtant n’est-ce pas aussi ce que toute entreprise aspire ? La critique envers l’homme derrière la présidence repose non seulement sur ses traits personnels souvent opposés à l’idéal du chef d’État espéré, mais sur sa vision même de ce qu’il doit représenter. À ce titre, on s’éloigne des valeurs de Marc Aurèle, qui décrivait l’homme de bien comme suit : être bon et simple, magnanime, prudent, résigné, réservé et véridique.
Une deuxième tentative d’ordre un peu plus descriptive
Trump II s’autocongratule abondamment et ne cesse de s’autogratifier d’une manière indécente. Il annonce, à l’avance, qu’il jugera comme étant « illégitime », tout contrôle de ses décisions officielles par les juges de la Cour suprême américaine. Maintenant qu’il est investi du pouvoir, il nous annonce, sans ambages, qu’il entend l’exercer sans contrôle. Il prétend qu’il n’y a aucune limite à son pouvoir de décider dans le cadre de ses fonctions officielles. C’est donc dire qu’il s’imagine, en tant que président des USA, détenir la souveraineté absolue. À la tête de la nation réputée être la plus puissante sur la Terre, il se croit le plus grand maître du monde qui commande le respect et l’admiration de la part de toutes et de tous. Il joue à la loi du plus fort. Sa devise semble être : homo homini lupus est (l’homme est un loup pour l’homme), comme l’a bien dit Plaute. Il n’y a, pour lui, que les USA pour aspirer à la domination et à la suprématie mondiale. Nulle ou nul n’est ou n’a été plus grand ou grandiose que lui jusqu’à maintenant et même, nous précise-t-il, dans l’avenir. Il rebaptise des lieux et des espaces géographiques. Il n’accepte pas d’être désobéi par les étudiantes et les étudiants qui oseront ou osent contester ou remettre en question ses décisions. Il brime l’accès à l’information aux journalistes qui refusent d’adhérer à sa novlangue. Les termes comme « équité », « femme », « trauma », « inégalité » lui posent problème. De plus, signe qu’il n’hésite pas à abuser de son autorité, il soumet les professionnelLEs de l’information et les scientifiques à l’emploi du gouvernement soit à toute une nouvelle série de difficultés inutiles, soit à l’autocensure. Il est à la recherche d’honneurs et réserve, pour les plus riches, les postes qu’il a à pourvoir autour de lui. Il est à ses propres yeux l’incarnation de l’éminentissime. Il souffle le chaud et le froid. Quand il s’adresse aux membres du Congrès, aux juges de la Cour suprême des USA et au petit groupe sélect de l’état-major de l’armée américaine, il faut porter une attention très particulière à ce qu’il dit et à ce qu’il ne dit pas. Il évoque un avenir radieux et débordant de richesses pour son pays, mais il passe sous silence l’appauvrissement qu’il répand et qu’il parsème sur son chemin par ses politiques économiques douteuses et improvisées qui font l’objet d’une dénonciation en règle par les courtiers de Wall Street. Il est, par conséquent, très sélectif dans sa description de l’impact de ses politiques sur une grande partie de sa population. Il gomme la réalité et il la décrit comme correspondant à l’atteinte de sommets indépassables. Il change fréquemment d’opinion, tout en étant capable de nier avoir soutenu la chose opposée. Hors de sa pensée et de ses décrets, point de vérité. Il ne cesse de répéter des faussetés. Les Fake news, qu’il proclame et qu’il répète ad nauseam, sont vérités à ses yeux. Il veut vassaliser et instrumentaliser tout ce qu’il considère comme inférieur à lui. Il s’attaque à ses alliés d’hier et également avec certains de ses plus importants pays voisins qui commercent avec les USA. Il considère que son pays est économiquement exploité et maltraité par ceux avec qui il fait affaire. Il n’a pas, selon lui, à tenir compte du point de vue des autres ni de celui des instances internationales. Il fait fi des traités signés par lui et ses prédécesseurs ainsi que du cadre juridique et constitutionnel qu’il a pourtant juré s’engager à respecter. Il a des ambitions d’annexion et de conquête territoriale. Il annonce qu’il veut étendre les frontières de son pays au-delà des limites actuelles et que pour ce faire, il n’hésitera pas à recourir à la force. Sa politique extérieure vise à la fois une domination et un contrôle d’autres territoires comme le Canada, le canal de Panama et le Groenland. Au sujet de ce dernier pays, il a même précisé : « One way or Another I’m gonna get you…. » Il ne croît pas dans la science. Au pire, il veut la réduire au silence ; au mieux, il veut la censurer. Il s’oppose à la diffusion de données sur l’environnement, la discrimination, etc.. Est-il nécessaire d’ajouter qu’il veut gouverner avec une autorité arbitraire, absolue et surtout sans partage. Il traite ses secrétaires d’État comme de simples conseillers qui doivent s’en remettre à lui avant de décider quoi que ce soit d’important ou de majeur pour la nation américaine. Il n’aime pas être contredit et il impose à l’autre sa vision des choses, même si cela va à l’encontre des faits. Tout au long de sa campagne électorale, il a caché des choses importantes aux électrices et aux électeurs de son pays. L’État fédéral semble être sa chose à lui, sa business qui lui appartient. Il a même décidé d’en faire ce qu’il voulait. Il a confié à Elon Musk le mandat de réduire à néant certains départements et certaines agences gouvernementales. Il est au poste de commande et il n’admet ni résistance et surtout ni réplique de la part de ses collaboratrices et collaborateurs, de ses adversaires et de ses ennemiEs. Il coupe les subsides aux gouverneurs des États fédérés qui ne partagent pas ses vues ou qui ne font pas assez sa promotion. Il n’hésite pas à diminuer, à ridiculiser et à maltraiter celles et ceux qui peuvent s’opposer à lui. Il a un caractère dominateur. De plus, il ne donne pas l’impression d’être en mesure de contrôler certains de ses comportements excessifs. Il a manifestement la folie des grandeurs. Il occupe tristement une fonction pour laquelle il n’existe aucune qualification à la base et il n’a pas démontré qu’il détenait une expertise quelconque en vue de mettre de l’avant des politiques qui vont favoriser l’amélioration des conditions de vie et d’existence du plus grand nombre de citoyennes américaines et de citoyens américains. Il s’est entouré de personnes qui ne semblent pas avoir les compétences requises et adéquates pour juger ou décider de ce qui correspond réellement à l’intérêt général. Il est en ce sens à la fois à la tête d’un gouvernement corrompu et entouré de personnes incompétentes. Il agit sur les autres par des moyens détournés en vue de les amener à ce qu’il souhaite. Le bilan qu’il dresse de ses actions est trompeur et démesurément exagéré. Il raconte n’importe quoi en présentant le tout comme étant conforme aux données factuelles réelles et, nous finissons par nous imaginer qu’il croit, dur comme fer, à ses fabulations, à ses récits imaginaires qu’il invente et qu’il improvise. Il donne accès au pouvoir exécutif et, par conséquent, au Bien commun (lire ici la Caisse commune), à une poignée de richissimes Happy few qui proviennent de la Silicon Valley. Il se conduit en homme puissant qui mène grand train. L’image qu’il projette de lui-même est celle d’une espèce de « Prince du bâton ». Il cherche à se faire craindre par toutes et tous. Il a transformé le Parti républicain en une association MAGA. Voilà, en résumé, quelques-unes des choses qui nous sont passées par la tête lors de son allocution devant le Congrès, mardi le 4 mars 2025. « Rien ne peut arrêter le rêve américain », s’est-il exclamé pour son premier grand discours depuis son assermentation, et ce après avoir lancé, en quelques semaines, une charge sans précédent contre les institutions américaines et l’ordre mondial. De fait, depuis janvier dernier, le président Trump II a signé des décrets qui ont eu pour effet d’annuler des politiques en faveur du climat. Il a mis fin au programme de diversité, d’équité et d’inclusion. Il a fait sortir les USA de l’Organisation Mondiale de la Santé. Au-delà de s’en prendre à ses fonctionnaires, il s’en prend également aux scientifiques et à la recherche, car ses politiques s’accompagnent de la suppression de très nombreuses données et de très nombreux travaux. C’est une véritable purge qui est en cours présentement aux USA et une vague d’obscurantisme s’abat sur la science. Depuis janvier dernier, Trump II mène incontestablement une fronde envers certaines disciplines scientifiques et la coopération internationale. Il ne croit pas dans les inégalités sociales (notamment vis-à-vis des questions de genre et de diversité) ni dans l’existence d’enjeux environnementaux en lien avec les changements climatiques. Le tout en conformité avec des recommandations inscrites dans le « Project 2025 » élaborées par la Heritage Fondation. C’est ce groupe qui inspire également le saccage de la fonction publique entrepris par le nouveau département de l’Efficacité gouvernementale (DOGE) piloté par le milliardaire Elon Musk. Que s’est-il donc passé, au cours des dernières décennies, pour en arriver à ce résultat décevant et déconcertant, bref à ce renversement de perspective ?
À suivre…
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Guylain Bernier
Yvan Perrier
7 et 8 mars 2025
20h30
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