On a célébré en grande pompe la semaine dernière le quatre-vingtième anniversaire du débarquement de Normandie. On a fait parler certains des derniers survivants de cette opération militaire mémorable ; ils ont raconté le souvenir qu’ils en gardaient.
Toutefois, un autre événement majeur a précédé la Seconde guerre mondiale : la grande dépression économique amorcée brutalement en 1929. Il faut rappeler que le krach boursier de la fin octobre 1929 a déstabilisé les politiques économiques allemandes, facilitant l’arrivée au pouvoir à Berlin d’Adolphe Hitler de de son Parti nazi à cause du retrait brusque de capitaux américains d’Allemagne. Vu l’importance des États-Unis dans le monde déjà à cette époque et de leurs réseaux commerciaux tentaculaires, la crise a secoué l’ensemble des pays occidentaux, sauf l’URSS de Staline qui pratiquait une politique protectionniste, entretenant peu de liens commerciaux avec l’Ouest et n’ayant pas connu la prospérité des années 1920.
On a parfois qualifié cette mauvaise passe de "grande crise du capitalisme", laquelle a provoqué une montée massive du chômage et de la misère partout dans les pays occidentaux, en premier lieu aux États-Unis mêmes. Le "rêve américain" de la mobilité sociale paraissait brisé.
Cette crise était due à divers déséquilibres, en particulier dans la répartition des richesses et des ressources. Les inégalités sociales étaient tranchées aux États-Unis, même durant la "prospère" décennie 1920. La cause immédiate de la crise fut la spéculation boursière effrénée ; la sphère financière, toujours plus attirée par les profits immédiats, se détachait toujours davantage de l’économie réelle au profit de l’achat de titres en Bourse, ce qui a entraîné les cours à la baisse.
"Les investisseurs qui ont spéculé en empruntant ne peuvent plus rembourser et causent des pertes sèches, ce qui conduit les banques à restreindre leur crédit. Les grandes entreprises connaissent alors des difficultés de trésorerie croissantes. Les plus faibles font faillite, ce qui accroit la fragilité des banques". (Wikipédia)
L’économiste Jacques Brasseul soutient que "le cours des titres augmente plus que les profits des entreprises, qui eux-mêmes augmentent plus que la production, la productivité, et enfin plus que les salaires, bons derniers dans cette course". (Wikipédia)
Les épargnants paniquent alors et se précipitent auprès de leur banque pour récupérer leur argent. Pour résumer commodément, on assiste à un tarissement du crédit, les banques les plus faibles font faillite à leur tour. La production continue de chuter, les chômage s’étend et la misère se répand, les divisions sociales se creusent toujours davantage. En dépit du "New Deal" du président Roosevelt, le chômage ne se résorbera véritablement qu’à partir de l’entrée en guerre des États-Unis en décembre 1941. La production industrielle repart à la hausse, tirée par l’industrie de guerre et sa gestion.
La catastrophe sociale et économique des années 1930 a durement et durablement marqué toute une génération. On préfère la passer sous silence, ce qui se comprend fort bien. Les crises économiques majeures et prolongées sont facteurs de division et de contestation du régime économique et social en place, elles sont "diviseuses" alors que les grandes victoires militaires, elles, sont rassembleuses et consensuelles.
Si on souligne à présent le quatre-vingtième anniversaire du débarquement de Normandie, pourrait-on faire de même en 2029 pour le centenaire du krach boursier, point de départ de la grande dépression ? Ce ne serait que justice pour les multiples victimes de celle-ci, les travailleurs en chômage qui devaient fréquenter les soupes populaires pour survivre. À leur manière ils ont fait preuve d’un grand courage, d’une ténacité qui force le respect et d’une débrouillardise remarquable.
On le doit à la mémoire des millions de déclassés de cette époque, et de toutes les époques.
Jean-François Delisle
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