Élection au suffrage universel des porte-paroles et de membres de la Coordination nationale
L’élection des porte-paroles du parti au suffrage universel des membres a été largement adoptée et inscrite dans les statuts du parti. Les arguments avancés visaient à démontrer que cela élargissait la démocratie au sein du parti, en appelant tous les membres de QS à voter pour leurs porte-paroles, et que cela favorisait également la mobilisation et l’implication dans des activités du parti.
La minorité analysait pour sa part que l’élection au suffrage universel diminuera l’importance de la démocratie délibérative en affaiblissant l’importance et la pertinence de la confrontation des idées. Les membres qui ne participeraient pas aux débats autour de ces élections n’auraient comme vision, pour guider leur choix, que la seule notoriété des candidats et des candidates.
La désignation d’un chef ou d’une cheffe au sens de la loi électorale
Depuis sa naissance, Québec solidaire a choisi pour des raisons démocratiques et féministes, d’écarter l’élection d’un chef ou d’une cheffe et d’élire à la place un porte-parole homme et une porte-parole femme. Il et elle avaient comme fonction non pas de s’instituer comme dirigeant-es du parti, mais de relayer les positions adoptées par les membres du parti. Mais le président des élections du Québec n’a jamais voulu reconnaître cette réalité et la course aux porte-paroles ne pouvait en conséquence être financée comme c’est le cas pour les courses à la chefferie dans les autres partis politiques. Le retour de l’élection d’un chef ou d’une cheffe répondait, pour la proposition majoritaire, à un pragmatisme de bon aloi affirmant que l’on pourrait ainsi bénéficier de fonds publics et que cela ne remettait pas véritablement en cause le fonctionnement avec des porte-paroles.
Pour la minorité, cette proposition, motivée par des raisons essentiellement économiques, aura des effets politiques évidents car elle constitue une rupture avec le mode de fonctionnement établi et défendu dans les médias comme étant un mode de fonctionnement démocratique et féministe. La perception des grands médias et des autres partis politiques conduira inévitablement à une série de pressions pour que ce chef ou cette cheffe élue ait les mêmes prérogatives que ceux et celles des autres partis politiques. Ces préoccupations manifestées n’ont pas eu le poids nécessaire pour écarter l’option d’élire dorénavant un ou une cheffe afin de respecter les obligations de la loi électorale permettant un financement.
La définition d’un Conseil national plus petit et plus agile réduisant la représentation des membres
La principale discussion sur le Conseil national concernait l’importance numérique de l’instance et la nature des délégations au conseil. Le comité de révision des statuts et le Comité de coordination nationale proposaient d’élire deux délégué-es par association locale ; deux par association de campus, un-e par Comité d’action politique, etc. L’ensemble des propositions visait à assurer un Conseil national plus stable, plus petit et plus agile. La proposition sur le Conseil national a été adoptée par une forte majorité.
Mais la prise de position de ne pas donner une représentation proportionnelle au nombre de membres d’une association locale par volonté d’agilité représente, pour la minorité, un danger : celui de nuire à la diversité des positions et des sensibilités pouvant se retrouver au Conseil national. Un Conseil national (CN) plus petit et ne tenant aucun compte de l’importance de l’implantation des associations locales risque de devenir un Conseil national homogène, ne permettant pas de refléter les différentes orientations présentes dans le parti et il pourrait de ce fait affaiblir la richesse des débats et des décisions qui en découlent.
Les référendums, utilisés comme moyen de trancher les débats
L’utilisation de référendums pour trancher les débats a été adoptée par une large majorité. Deux-tiers des délégué-es ont en effet voté pour intégrer cette proposition aux statuts. La proposition visant à ce que la décision d’un référendum soit entérinée par le congrès a aussi rejetée. Seule la proposition contestant la possibilité pour le CCN de mettre lui-même en œuvre un référendum a été contestée par une partie significative de la délégation, mais cette contestation n’a pas su rallier la majorité des délégué-es.
L’argument de la majorité de la délégation au congrès, c’est que la tenue de référendums dans les débats politiques constitue un élargissement de la démocratie dans les débats et permettrait de favoriser la mobilisation des membres autour de ces débats.
Pour l’opposition à cette proposition, un référendum diminue le poids des assemblées générales délibératives. Il ne permet pas de débattre avec l’ensemble des membres de manière approfondie des enjeux d’une décision politique, de soupeser réellement les options à partir d’échanges concrets et d’enrichir par des textes alternatifs ou des amendements la décision des membres. Une réponse binaire, comme celle qui émerge forcément d’un référendum, peut conduire à un appauvrissement dangereux de la clarté de la décision et conduire à la confusion si on lui agrège une série de positions contradictoires. Il constitue une dangereuse remise en question de la démocratie délibérative. Les délégué-es favorables au rejet de l’utilisation des référendums ont souligné que c’était donner la priorité à une démocratie formelle au lieu d’une démocratie véritablement participative. Faire voter les membres les moins impliqué-es dans la vie militante du parti c’est non seulement marginaliser les débats véritables, mais c’est aussi donner du pouvoir aux secteurs les moins impliqués dans la vie militante du parti. L’introduction de cette proposition permettra sans doute à la direction de faciliter la gestion des divergences, mais ne permettra pas de construire un parti capable de résister aux pressions sociales.
La disparition des associations régionales
Une association régionale était jusqu’à maintenant « composée de toutes les personnes membres résidant dans la région représentée par l’association » (selon les anciens statuts nationaux). Elle est remplacée par un Comité de concertation régionale regroupant « des représentantes et représentants des associations locales et de campus d’une région et la représentation régionales des femmes de la Commission nationale des femmes ». Cette proposition a été largement soutenue, soit par 80% des personnes déléguées. Les difficultés de fonctionnement de plusieurs associations régionales et les énergies militantes mobilisées par le maintien de cette structure ont été les principaux arguments de la majorité de la délégation sur cette question.
Pour la minorité, qui soit souhaitait se donner du temps pour faire un bilan sérieux sur les associations régionales, soit qui en voyait la pertinence, un simple comité provenant des associations locales, la disparition d’une assemblée générale des membres et la fin de la possibilité d’avoir une délégation régionale aux différentes instances du parti constituait un recul important de la vie démocratique du parti. La dévitalisation des associations régionales a été parfois vécue comme effet de la centralisation au niveau national de l’ensemble des initiatives et campagnes du parti. De plus, selon la minorité, il était nécessaire de maintenir un lieu de discussion de ces problèmes dans des assemblées générales de militant-es regroupant différentes associations afin d’en faire un lieu d’élaboration du travail politique et des campagnes qui doivent y être menées. Cette minorité convenait également qu’il était nécessaire de redéfinir le rôle et les responsabilités des associations régionales afin de leur permettre de « planifier et de mettre à exécution des plans de mobilisations et des campagnes régionales ». Cette décision, pour la minorité, va clairement à l’encontre d’un véritable processus de décentralisation des capacités d’initiatives du parti. Le débat méritait selon elle d’être poursuivi.
La fusion des Réseaux militants avec les commissions thématiques dans les comités d’action politiques
La fusion des réseaux militants (rme, rme, rsi, rj) et des commissions thématiques a été largement soutenue, soit par 79% de la délégation. Une partie significative de la délégation (31% contre 58%) aurait souhaité un dépôt à date fixe de cette proposition, pour poursuivre la discussion à cet égard. Mais pour la majorité des délégué-es du congrès, les militant-es des réseaux pourraient poursuivre le travail dans un nouveau cadre et collaborer ainsi avec les militant-es des commissions thématiques. Cela s’avérait d’autant plus nécessaire que nombre de ces commissions thématiques battaient de l’aile et que cette fusion permettrait de regrouper les forces militantes.
Pour la minorité, cette fusion faisait fi de la réalité des réseaux militants qui avaient une personnalité propre et étaient l’œuvre d’un travail assidu et conséquent. Maintenant, la proposition adoptée affirme que « le nombre et le nom des comités politiques d’action politique et leurs responsabilités sont définis par une Politique concernant les comités d’action politique et la Commission politique. Cette politque est adoptée et mise à jour par un Conseil national (article 16.1) et chaque comité d’action politique est animé par un comité de coordination paritaire composé d’au moins deux personnes. » (article 16.2). L’ancien article 15 affirmait que pour être reconnu, un réseau militant devait « regrouper au moins vingt membres du parti dans au moins deux régions... » Même si le rôle des nouveaux Comités d’action politique parle de combiner la mobilisation et l’élaboration, nous faisons face à une proposition qui favorisera la centralisation, marginalisant les assemblées générales des réseaux. D’autre part, la fusion des commissions thématiques avec les réseaux militants n’aidera pas à dépasser les difficultés de ces derniers. Les mandats des commissions thématiques auraient dû être redéfinis, car leur fonction était de soutenir le travail l’élaboration du programme du parti. Il faut maintenant que ces commissions thématiques se voient confier le mandat d’analyser différents enjeux sociaux et d’accumuler de l’expertise à cet égard. Les bilans réels tant des réseaux que des commissions thématiques n’ont pas été réalisés. La Politique concernant les comités d’action politique n’est pas encore définie. Elle le sera par un prochain Conseil national. Ici encore, la précipitation a prévalu.
Des gains importants, mais qui n’effacent pas l’importance des reculs au niveau de la démocratie délibérative et participative
La création d’un comité national des personnes racisées et la présence de deux personnes racisées aux comités de coordination nationale, le renforcement de la démarche féministe dans le choix des investitures, la création d’un poste au CCN d’un responsable à la solidarité internationale et hors Québec ayant comme tâche « d’entretenir des liens avec les mouvements sociaux progressistes hors Québec et au niveau international, le maintien des collectifs définis sur des orientations politiques, ce sont là des gains importants mais qui ne remettent nullement en cause l’orientation générale qui s’est imposée dans le congrès.
Une résolution d’urgence en appui à Haroun Bouazzi
Enfin, le congrès s’est conclu autour d’un important débat d’une résolution d’urgence sur les attaques menées contre le député Haroun Bouazzi. Dans cette résolution d’urgence (voir l’article Soyons solidaires du député solidaire Haroun Bouazzi), le congrès de Québec solidaire a réaffirmé son engagement à lutter contre le racisme. Cette résolution rappelle que des partis politiques multiplient les discours pour imputer aux personnes immigrantes la responsabilité de tous les maux qui affectent la société québécoise : le manque d’accessibilité au soin de santé, la crise du logement, la détérioration des services publics, etc. L’utilisation de cette rhétorique stigmatise les personnes immigrantes et nourrit la xénophobie et le racisme. Les propos d’Haroun Bouazzi ne faisaient que rappeler ces pénibles réalités. C’est pourquoi, dans sa résolution, QS se solidarise avec ce qu’a voulu dire notre député. Les délégué-es ont bien compris que ce qui est en jeu, ce n’est pas la caractérisation des idées et des comportements des député-es de l’Assemblée nationale mais bien le refus de faire de groupes de personnes qui participent à la construction de notre société les boucs émissaires des difficultés auxquelles la société québécoise doit faire face.
Conclusion
Le foisonnement des propositions et des amendements discutés mériterait un examen plus approfondi. Mais les résultats des décisions prises au congrès et les pertes encourues sont clairs :
• affaiblissement des instances délibératives (congrès, conseil national) avec l’introduction des votes au suffrage universel pour l’élection des porte-paroles et l’utilisation de référendums pour trancher les débats. Ces deux mesures vont affaiblir le poids du congrès et la diversité des positions pouvant s’y exprimer ;
• centralisation du parti avec la disparition des associations régionales ;
• encadrement étroit des structures de mobilisation comme les réseaux militants fusionnés avec les commissions thématiques dans des Comités d’action politique, placés sous le contrôle de la commission politique.
Tout cela s’est fait en privilégiant l’efficacité, l’agilité et la démocratie formelle. Voilà des choix qui, nous le craignons, risquent d’entamer la vitalité de Québec solidaire, malgré la volonté d’une majorité qu’il en soit autrement.
À l’heure où Québec solidaire entreprend un large débat sur la définition de son programme, cela appelle les militant-es à exercer leur vigilance sur les choix qui seront faits et qui permettront, soit de répondre aux défis de la période d’offensive de la classe dominante et de la polycrise économique et climatique, soit de s’adapter aux aléas d’un électoralisme sans issue.
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