Édition du 26 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

La guerre en Ukraine - Les enjeux

La dimension néofasciste de l’axe Poutine-Trump au prisme de la guerre d’Ukraine, ce qui échappe à certaines gauches

À l’heure où ces lignes sont écrites, le 6 novembre 2024, deux sujets dominent l’actualité du monde et plus spécialement celle qui concerne la guerre d’Ukraine : d’une part, l’élection américaine avec, à l’heure qu’il est, l’élection confirmée de Donald Trump et le basculement du Sénat en faveur des Républicains, et, d’autre part, l’envoi de troupes nord-coréennes sur le front russe de Koursk. Bien que le débordant largement, ces deux données de la situation internationale se croisent pour éclairer le cours nouveau que tend à prendre la guerre en Ukraine et, en retour, vilaine dialectique, la possible concrétisation d’un véritable axe mondial totalitaire.

19 novembre 2024 | tiré du site Entre les lignes entre les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/11/19/la-dimension-neofasciste-de-laxe-poutine-trump-au-prisme-de-la-guerre-dukraine-ce-qui-echappe-a-certaines-gauches/#more-87509

Derrière l’épouvantail nord-coréen, le test poutinien pour avancer vers un axe du néofascisme international

Tout d’abord, il est plus que probable que la décision de la Russie d’enrôler des troupes de Corée du Nord dans son projet impérialiste visant l’Ukraine participe de sa volonté de peser hic et nuncsur le moment électoral nord-américain, tendu à l’extrême, pour évidemment affaiblir toujours plus ce centre de l’« Occident collectif », que sont les États-Unis et qu’elle est décidée à défier. D’une pierre nord-coréenne deux coups, l’un aux États-Unis, l’autre en Ukraine, qui vont dans le même sens (l’affirmation d’un projet mondial de reconstitution de la puissance impériale de la Russie). En effet, celle-ci envoie le signal violent que, par le saut qualitatif (plutôt que quantitatif pour le moment) de cette participation militaire nord-coréenne sur son sol occupé par l’Ukraine, elle assume une logique d’escalade ouverte au constat qu’en face, les alliés de celle-ci fléchissent dans leur aide (Allemagne), la contiennent (administration Biden-Harris) pour ne pas alimenter l’escalade et se déchirent sous la pression interne qu’exercent les amis pro-russes qui vont de l’extrême droite à l’extrême gauche brunissante (Trump, Orban, Le Pen, Wagenknecht [1], etc.). Le défi est d’autant plus grand que, de toute évidence, la dynamique expansionniste propre au régime russe le poussera inéluctablement à faire intervenir ces militaires étrangers en Ukraine même.

En somme, Poutine, tout à ses mises en garde adressées à l’Occident de ne pas se lancer dans une escalade militaire en Ukraine, s’y engage, lui, pleinement en se payant, sans grand risque, selon lui, la tête des dirigeants de l’OTAN et des puissances occidentales qui, ayant fait jusqu’ici la preuve de leurs atermoiements, voire de leur veulerie, dans l’aide militaire apportée à Kyiv, se donnent désormais à voir, à travers leurs déclarations convenues dénonçant la dernière manœuvre russe, tout bonnement tétanisés.

Mais, par cet épouvantail nord-coréen agité par Moscou dans l’espoir d’accréditer qu’il signe un pas en avant décisif pour donner l’impression qu’il plie la guerre d’Ukraine en sa faveur sans que l’Occident soit en état de réagir, Poutine compte accréditer autre chose : que Trump a toutes les raisons du monde de vouloir extraire les États-Unis d’une guerre perdue d’avance qui, au demeurant, ne les concerne pas, qui ne peut pas, ne doit pas les concerner. Avec, en corollaire trumpiste que le slogan du MAGA (« Make America Great Again », littéralement « Rendre l’Amérique à nouveau grande », « Rendre sa grandeur à l’Amérique ») repose fermement sur un socle isolationniste, ô combien apprécié du chef russe, pouvant, mais seulement à la marge, nécessiter de gendarmer telle ou telle zone du monde qui contreviendrait à la grandeur économique des États-Unis ! Le tout misant fondamentalement sur une bonne entente américaine avec une Russie vue comme une nation amie, sans risque qu’elle bascule ennemie (tant pis pour l’UE/tant mieux pour la trame brune européenne), puisqu’il est (devrait être ?) de notoriété publique que c’est envers elle que Trump est endetté politiquement (à partir d’un endettement financier passé !) pour lui avoir permis d’émerger hier, avec succès, comme candidat au pouvoir aux États-Unis et de remettre cela aujourd’hui [2].

Le cours actuel de la géopolitique poutinienne est désormais plus clair que jamais, tout délirant qu’il soit, tout dangereux qu’il soit : il repose sur la constitution à marche forcée d’un axe néofasciste Russie/États-Unis trumpisés-(Corée du Nord), travaillé au cordeau, dévitalisant, en fracturant méchamment le vieil impérialisme occidental, de l’intérieur, (trumpisme et autres extrêmes droites) comme de l’extérieur (Russie/ Corée du Nord avec, en arrière-plan, une Chine, pour le coup, hésitante car elle n’aime pas être bousculée, par ce qu’elle considère probablement de l’amateurisme aventuriste, dans ses préparatifs de confrontation, à moyens-longs termes, avec les États-Unis). Tout cela au profit d’un néo-impérialisme fasciste émergent auquel ladite Chine pourrait finir tout de même par se joindre, alléchée finalement, si cet axe venait à prendre forme, par l’idée d’en devenir la puissance hégémonique.

Ce scénario, dont Poutine, chef de guerre en Ukraine, est à l’initiative est une véritable mise à l’épreuve de la capacité de l’Occident à dépasser ce qui, sans être proclamé par lui, revient à autolimiter son aide à l’Ukraine pour éviter, assez paradoxalement au vu de ce bras de fer que Poutine est en train de lui opposer sans trembler jusqu’en son cœur impérial, que ne s’enclenche un engrenage menant, par une défaite militaire totale, à la chute du dictateur russe aux conséquences géopolitiques et économiques jugées incalculables et indésirables. Le problème étant, nous sommes en train de le voir avec l’opération mobilisation coréenne en Russie et donc contre une Ukraine, toujours en quête de moyens militaires permettant de neutraliser la puissance de feu ennemie, que cette stratégie de l’évitement de la confrontation en Ukraine avec l’expansionnisme russe ne fait que pousser celui-ci à la chercher toujours plus en se pensant assuré de la capacité de ses relais au cœur de l’Occident à tétaniser et bloquer toute velléité de riposte cinglante de celui-ci.

Le scénario poutinien d’ébranlement néofasciste de l’ordre international : quelques atouts mais aussi quelques faiblesses

C’est au demeurant là que le bât blesse, sans que cela en diminue la dangerosité, dans cette « manœuvre nord-coréenne » de Poutine pour finir de percuter son ennemi américain, accroître sa division, le rendre incapable de parer le coup et faire advenir à sa tête l’ami de la Russie.

Le coup de poker, car cela en est un, du dictateur russe s’expose en effet à échouer, comme ont échoué ses initiatives depuis le 24 février 2022 sans pour autant, malheureusement, l’empêcher de poursuivre la destruction de l’Ukraine. Envisageons, sans prétention à l’exhaustivité, ce qui pourrait déboucher sur l’échec. […]

* L’imprévisibilité, une fois devenu président, du bonhomme dont il est notoire qu’il n’est pas spécialement porté, entre autres, à faire ami-ami avec une Chine, ce partenaire incontournable à ménager absolument pour Poutine, avec laquelle l’Américain prévoit d’entrer en guerre commerciale, ce qui pourrait faire s’effondrer le château de carte russe.

* La capacité redoutable à faire capoter la machination russe de la part des rouages systémiques états-uniens impérialistement peu enclins à voir le pays entrer, en contradiction, au demeurant, avec le mirage trumpiste du MAGA, en symbiose avec ledit axe international placé sous l’égide de Poutine.

* La crainte, enfin, par la Chine que l’opération poutinienne autour de Trump et Kim Jong-un ne mette en péril, par l’aventurisme expansionniste russe qui la sous-tend, son propre calendrier impérialiste ciblant les États-Unis mais à moyen-long terme, son Ukraine à venir, Taïwan, et plus (domination de la mer de Chine).

Ce que révèle l’affrontement interimpérialiste, autour de la fascisation du monde en cours, de la mise hors jeu politique des gauches

Tout ce qui précède concerne un jeu interimpérialiste, à deux pôles, qui met dramatiquement en évidence un tiers exclu : les gauches internationales profondément divisées sur la guerre d’Ukraine, une partie d’entre elles se refusant à toute solidarité internationaliste avec le peuple ukrainien, autour d’un positionnement pacifiste ou ouvertement en soutien avec la Russie prônant, dans les deux cas, le refus d’armer la résistance ukrainienne. Favorisant ainsi la victoire de la Russie (à court terme par conservation des territoires occupés mais, à plus ou moins court terme, ouvrant sur une nouvelle tentative de sa part de s’attaquer au reste de l’Ukraine tout en menaçant le reste de son « étranger proche »). Par où serait mise en cause l‘intangibilité du droit de tout peuple à lutter pour sa libération nationale, en recourant à tous les moyens possibles pour s’armer, qui est le noyau de tout internationalisme conséquent.

Il y aurait beaucoup à dire sur ce reniement qui n’affaiblit pas que la solidarité, même si heureusement une autre gauche persiste à la mettre en œuvre, à l’égard du peuple ukrainien mais aussi, en laissant libre cours au jeu impérialiste exposé plus haut, la solidarité envers l’ensemble des peuples en lutte. Lesquels, en tout cas pour certaines de leurs fractions, emportés par le confusionnisme semé par ces gauches « campistes », prenant parti pour un camp impérialiste contre un autre, tombent parfois dans le piège de croire, comme on le voit dans le cas exemplaire de l’Afrique, que la Russie martyrisant sauvagement le peuple ukrainien puisse aider à leur libération alors qu’elle s’appuie sur les castes militaires locales pas spécialement favorables à l’émancipation de leurs peuples, qui plus est, en accaparant, dans la logique prédatrice de tout impérialisme, les richesses de leur sous-sol.

Pour aborder la dernière partie de cet article, je voudrais avancer l’hypothèse que cette dérive qui met hors jeu les gauches internationales a à voir profondément, dans le contexte de la crise de désorientation née de la chute de l’URSS, avec leur incapacité à prendre la pleine mesure du fascisme qui avance. Entendons-nous, on lit bien, du moins chez certaines d’entre elles, la dénonciation de ces progrès du fascisme et l’appel à se mobiliser pour le contrer. Mais elles le font, et pour cause, sans situer ce qui est un activateur, sinon l’activateur principal, desdits fascismes que pourtant le positionnement de ceux-ci sur la guerre en Ukraine met clairement en évidence, à savoir la Russie de Poutine que lesdits fascismes soutiennent à quelques exceptions près (en particulier l’italien).

Pourtant, une entrevue d’août 2023 d’un opposant russe, Ilya Budraitskis, aurait pu ouvrir les yeux de celleux qui, à gauche, se refusent à voir la responsabilité criminelle, dans cette guerre, de la Russie de Poutine, guerre qu’il connecte, en quelque sorte, organiquement à l’avènement de la fascisation de celle-ci. Lisons quelques ex- traits de ce document :

Le régime russe existe depuis plus de vingt ans et il a subi une sérieuse transformation au cours de cette période. Il a commencé comme un régime bonapartiste néolibéral et s’est transformé en une sorte de dictature fasciste ouverte. Et je pense que cette transformation en régime fasciste a commencé après le début de l’invasion de l’Ukraine [3].

Cette dernière phrase est d’une importance capitale qui met au jour le lien de continuité, sinon de causalité stricte, entre le déclenchement de la guerre contre l’Ukraine et la mutation fasciste du régime russe.

La guerre d’Ukraine et la clé russe de la volonté de fasciser l’ordre international

Mais l’auteur précise encore les choses en revenant sur les mobilisations en Russie de 2011 apparues alors que Poutine lançait sa campagne pour être réélu, pour la troisième fois, en 2012, puis les mobilisations de 2017 dont la figure la plus visible était Alexei Navalny. Entre-temps, en 2014, la Russie avait commencé à intervenir militairement en Ukraine, au Donbass puis en Crimée, qu’elle finit par annexer la même année. Cette intrication temporelle des mobilisations en Russie et l’implication militaire de celle-ci en Ukraine est, nous dit Ilya Budraitskis, la matrice, critique violente de la révolution ukrainienne du Maïdan, du discours antirévolutionnaire de Poutine qui va le mener à engager la fascisation du régime :

Quel était donc le principal problème en Ukraine ? Selon Poutine, c’était Maïdan, le renversement illégal du gouvernement par le peuple, ce qui était absolument inacceptable. Il fallait donc empêcher que cela se produise en Ukraine et en Russie. Poutine a ensuite pris position contre cette possible révolution car, pour lui, toutes les révolutions qui ont eu lieu en Russie, y compris celle de 1917, sont le fruit de l’activité d’ennemis extérieurs. Selon lui, toutes les révolutions sont une conspiration, ce sont des processus qui viennent de l’extérieur pour déstabiliser l’État russe.

Cette vision paranoïaque, chez Poutine, des peuples ukrainiens et russes compris comme manipulables par l’étranger et devenant ainsi une menace pour la Russie, c’est-à-dire pour le pouvoir qu’il entend y perpétuer, appelait la nécessité de mettre en place un système, à deux faces structurellement liées, de prévention radicale de cette menace : la guerre en Ukraine et la répression de toute dissidence avec le régime en Russie :

Il est possible de voir comment le début de l’invasion n’était pas seulement une question de politique étrangère, mais aussi une manière de discipliner la société russe.

À la suite de la mise en place de ces repères chronologiques et politiques, Ilya Budraitskis s’arrête sur ce que le poutinisme, en tant qu’il est à l’origine, suivant ses mots, de « la transformation fasciste de l’État russe », dit de l’actualité du fascisme… bien au-delà de la Russie :

En ce sens, le cas russe n’est pas unique. Il ne s’agit pas d’une exception à la tendance globale, mais d’une image de celle-ci. Si nous voulons comprendre comment ces mouvements d’extrême droite peuvent transformer la société, nous devrions prendre la Russie comme exemple.

Je ne résiste pas à la tentation de reproduire l’intégralité de ce passage essentiel de l’entrevue :

Je pense que si nous parlons du mouvement fasciste aujourd’hui, de ce à quoi ressemble le fascisme au 21e siècle, nous devrions regarder ce qui se passe déjà en Russie. Parce que nous sommes dans un contexte où un mouvement de masse venant d’en bas n’est plus nécessaire, il pourrait s’agir d’un tournant fasciste venant d’en haut. Si vous regardez, le fascisme classique, qui a émergé au 20e siècle, a toujours été la combinaison de mouvements de masse avec la classe dirigeante, qui a utilisé le mouvement de masse pour transformer le régime politique. Aujourd’hui, dans les sociétés qui ont déjà été fortement détruites par le néolibéralisme, avec la destruction de toute tradition d’organisation, de solidarité, etc., un mouvement de masse fasciste n’est plus nécessaire. C’est pourquoi je pense qu’il est important de parler de la transformation fasciste de l’État russe, et je pense qu’en ce sens, le cas russe n’est pas unique. Il ne s’agit pas d’une exception à la tendance globale, mais d’une image de celle-ci. Si nous voulons comprendre comment ces mouvements d’extrême droite peuvent transformer la société, nous devrions prendre la Russie comme exemple.

Ce fascisme, que j’appelle, tout en restant dans la logique de cette analyse d’Ilya Budraitskis, néofascisme, qui 1) a pris forme en Russie, contre la société russe, et en prise directe avec la visée belliciste du régime poutinien sur l’Ukraine, et qui 2) selon l’auteur, nous tend un miroir éclairant sur le danger fasciste international, permet de prendre la mesure des impasses des gauches dont je parle plus haut : leur anti- fascisme repose, en effet sur la paradoxale élision par eux de la nature néofasciste du régime russe alors que, pour Ilya Budraitskis, celle-ci a le pouvoir heuristique d’éclairer ce qu’est le fascisme international du 21e siècle dans sa spécificité par rapport aux modèles nazi et mussolinien, lesquels « combinaient des mouvements de masse avec la classe dirigeante, qui a utilisé le mouvement de masse pour transformer le régime politique » alors qu’« aujourd’hui, dans les sociétés qui ont déjà été fortement détruites par le néolibéralisme, avec la destruction de toute tradition d’organisation, de solidarité, etc., un mouvement de masse fasciste n’est plus nécessaire [4] ».

Mais ce que nous voyons aujourd’hui de l’axe Poutine-Trump-(Kim Jong-un), combiné à la montée internationale des partis néofascistes, en particulier européens, doit nous faire aller plus loin : la Russie n’est pas que l’image la plus claire, comme le dit Ilya Budraitskis, de ce que sont et peuvent devenir ces fascismes. Elle est l’agent d’une dynamique tout à la fois centripète poutinophile desdits fascismes et centrifuge par occupation de positions de pouvoir dans divers pays dont, depuis aujourd’hui, probablement, les États-Unis !

L’« internationalisme » du campisme pro-russe d’une partie des gauches internationales mis à l’épreuve, au miroir des guerres en Ukraine et en Palestine

De ce qui précède se vérifie la magistrale faute politique commise par le campisme de gauche qui, par son positionnement pro-russe et anti-ukrainien face à la guerre que l’on sait, se fait, malgré lui ou sciemment, le propagateur du néofascisme international que, par ailleurs, il dit combattre sans vouloir voir qu’il est largement sous influence russe : dénonçant ainsi, par exemple, le fascisme du régime israélien massacreur des Palestinien·nes et des Libanais·es tout en absolvant le néofascisme poutinien, oppresseur de ses peuples mais aussi massacreur des Ukrainien·nes et transformant en chair à canon des milliers de Russes enrôlés contre l’Ukraine. Et en oubliant, par où se boucle le cercle de fer du reniement internationaliste, que l’ami américain du destructeur de l’Ukraine est l’ami indéfectible du destructeur de la Palestine et du Liban !

Alors, pour conclure, j’avoue, une fois mise en évidence la faute rédhibitoire des gauches campistes à l’antifascisme et à l’internationalisme à géométrie variable, que je crois urgent que les gauches amies du peuple ukrainien fassent valoir bien plus qu’elles ne le font, certaines ne le font pas du tout, 1) la nature néofasciste du poutinisme, 2) la dimension profondément antifasciste, structurellement induite par la guerre menée par celle-ci en Ukraine, de la résistance ukrainienne du fait même, par-delà la conscience qu’en ont ou n’en ont pas les résistant·es, d’être la ligne avancée de la lutte anti-fasciste internationale et 3), enfin, la nécessité logique que cette résistance antifasciste soit totalement soutenue et, notamment, approvi-ionnée en armes à la hauteur de l’enjeu que la montée de ce néofascisme représente mondialement ! Peu de ces trois points cardinaux de l’internationaliste soutien à apporter au peuple ukrainien figure centralement et régulièrement, à l’égal de ce qui est fait, au demeurant, très justement pour les Palestinien·nes et les Libanais·es, dans les analyses et appels à mobilisation en faveur des Ukrainien·nes de certaines de ces gauches qui conservent heureusement une authentique fibre internationaliste.

De ce point de vue, il est remarquable que l’organisation la plus représentative du soutien à la résistance de l’Ukraine en France, le RESU (Comité français du Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine [5]), ait pleinement saisi l’importance d’énoncer que la guerre contre l’Ukraine est une guerre intrinsèquement néofasciste et impérialiste et qu’elle est par là une menace pour tous les peuples du monde !

Antoine Rabadan
Membre du Comité français du RESU à Montpellier.

[1] Elsa Conessa, « En Allemagne, Sahra Wagenknecht veut imposer une ligne prorusse dans les Länder de l’Est », Le Monde, 2 novembre 2024.
[2] « Les ingérences russes dévoilées », Le Monde en marche
[3] si nous voulons comprendre l’extrême droite au 21e siècle. Mon amie Mariana me communique le texte de 2022 d’Oleg Orlov, dirigeant du Centre de défense des droits humains Mémorial (interdit par le régime russe en décembre 2021), par ailleurs Prix Nobel de la paix 2022 et qui a été libéré de prison, en août 2024 lors d’un échange de prisonniers, texte dans laquelle son auteur défend, lui aussi, l’importance de caractériser le régime russe comme fasciste en corrélant ce fascisme avec la guerre qu’il a engagée en Ukraine. « Le pays, dit-il, qui s’est éloigné il y a trente ans, du totalitarisme communiste, est retombé dans le totalitarisme, mais désormais fasciste » (« Russie : “Ils voulaient le fascisme, ils l’ont eu” », Mediapart, 12 novembre 2022).
[4] Le trumpisme pourrait apparaître comme dérogeant à cette caractéristique propre au néofascisme de se dispenser d’une mobilisation de masse. Je crois qu’en fait le néofascisme actuel conserve cette capacité à mobiliser en masse… électoralement comme moyen d’accès au pouvoir. À ceci près qu’avec l’assaut du Capitole, le trumpisme a montré et, envoyé le signal à ces alter ego néofascistes du monde, que la mobilisation de masse non électorale, anti-électorale dans ce cas, restait un recours à ne pas négliger. L’échec de cette opération du Capitole ne devrait pas rassurer pour autant, puisqu’il aura montré à son instigateur et à ses éventuels épigones internationaux, que le sujet doit être mieux préparé et qu’il peut être un élément essentiel pour au moins faire peser la menace extra-institutionnelle et ainsi peser pré-électoralement ou post-électoralement. Trump, en l’état de ce qui se dessine électoralement, aura montré le gain que ses menaces de contester violemment un éventuel échec électoral lui ont donné pour gagner en construisant l’image démagogique de l’anti-système radical à l’extrême, image propre à séduire celleux qui sont décidé·es à en découdre avec le « système ». La suite dira s’il tentera de transformer cette mobilisation de l’instant électoral en force de percussion de masse durant son mandat pour tenter de… fasciser, ce qui se dit fasciser, l’État américain. Et à quel prix ! En somme, la caractéristique du fascisme historique de la mobilisation de masse, qui, d’une part, est absente du néofascisme qu’analyse Ilya Budraitskis et qui, comme cela est le cas dans le poutinisme d’État, parie sur le maintien de la population dans la passivité la plus totale, mais, d’autre part, n’est pas absente dans le cas du trumpisme, pourrait se retrouver opérante, en aval ou/et en amont d’une conquête électorale néofasciste renouant ainsi avec sa préhistoire fasciste, par des dynamiques de radicalisation dudit néofascisme devant des résistances qui lui seraient opposées et de par l’appui qu’il recevrait, pour ce faire, de couches conséquentes du capital. De ce point de vue il nous faudrait avoir une vision du néofascisme comme virtuellement capable de retrouver, avec toutes ses spécificités, le recours proprement fasciste au mouvement de masse.
[5] https://www.facebook.com/people/comité-français-du-réseau-européen-de-solidarité-avec-l-Ukraine/100087563586225/

Publié dans Soutien à l’Ukraine résistante (Volume 35)
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/11/12/patrick-le-trehondat-lukraine-st-seule-ou-presque/
https://www.syllepse.net/syllepse_images/soutien-a—lukraine-re–sistante–n-deg-35_compressed.pdf

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Sur le même thème : La guerre en Ukraine - Les enjeux

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...