Nous restituons ici, à partir de nos notes prises sur le vif en tant que délégués, les témoignages au sujet du déroulement des négociations et une partie des revendications de ces travailleurs et travailleuses en lutte.
- Journées de grève à la Société des alcools du Québec (SAQ)
C’est tout d’abord un travailleur de la Société des alcools du Québec (SEMB-SAQ) qui raconte que cela fait presque deux ans que les employé·es sont sans Convention collective, car l’employeur fait délibérément trainer les négociations. La SAQ est pourtant en plein développement, avec un profit net de 1.4 milliard de dollars en 2023-2024. C’est une augmentation de 5.6% qui permettra certainement de bonifier le salaire fixe de son patron (528 215$), dont le contrat de travail prévoit des bonis liés au rendement.
En revanche, l’entreprise ne semble pas prête à partager ces profits avec les travailleurs et les travailleuses. Au contraire, début 2024, en plein milieu des négociations, la SAQ a décidé de couper 64 postes.
« Quand ça fait 21 ans que tu travailles là, que t’as réussi à avoir ton poste permanent, que tu commences à pouvoir choisir tes horaires et qu’un jour on te dit que t’as plus de poste, tout s’écroule ».
Ces coupures n’ont évidemment pas facilité les négociations et les salarié·es, dont environ 70% sont précaires, ont adopté 15 jours de grève « à utiliser au moment opportun ». Plusieurs jours de grève ont déjà eu lieu en avril 2024 et il y a eu des « actions de visibilité » au Centre-ville, ce qui permis quelques avancées :
« On a obtenu des gains sur l’aménagement des horaires, la création d’un babillard. C’était une nouveauté incorporée dans la Convention, qui permet des horaires un peu plus prévisibles pour les précaires, mais également pour les personnes permanentes ».
Mais depuis que les discussions monétaires ont débuté, « la SAQ n’a montré aucune ouverture ». Elle propose « 16.5% pour six ans ; 5% pour la première année ; après, faites le calcul : c’est à peine 2% par année. Et puis ils n’arrêtent pas de nous demander de renoncer à toute revendication salariale ; ils disent qu’il n’y a aucune marge de manœuvre ». D’autres journées de grève sont prévues.
Au micro à la période de questions et d’échanges, une déléguée s’insurge, dénonce la rapacité des dirigeants et rapporte qu’elle a vu des gens traverser les lignes de piquetage, y compris des camarades de la CSN : « alors non ! On ne traverse pas les lignes de piquetage ! ».
- Lock out à l’Hôtel Radisson de Montréal
« J’ai rêvé d’être ici devant vous pour pouvoir enfin parler de notre conflit à l’Hôtel Radisson, pour faire connaitre et dénoncer ce que nous fait vivre notre employeur », déclare d’emblée l’un·e des trois travailleur·euse de l’Hôtel (STT de l’Hôtel Côte-de-Liesse) qui ont témoigné mercredi soir.
L’employeur a décrété un lock out le vendredi 1er novembre. Les salarié·es ont alors adopté un mandat de grève illimitée, « pour décider, nous, quand on retournera au travail ; car c’est pas l’employeur qui va décider ».
La principale demande porte sur un rattrapage de 2$ de l’heure.
« Aujourd’hui, une préposée aux chambres gagne 17$ de l’heure ; dans d’autres hôtels équivalents, elles gagnent déjà 23$. Donc, même si on obtenait les 2$, notre hôtel il sera toujours en arrière et il faudra des années pour arriver à obtenir les mêmes salaires qu’ailleurs dans le secteur ».
Comme à la SAQ, la négociation sur le normatif a trainé en longueur, mais elle n’a pas posé de problème majeur.
« On a avancé beaucoup sur le normatif. Mais c’est le rattrapage salarial qui empêche la négociation de finir. Le propriétaire ne veut pas payer les 2$. Le représentant de l’employeur nous dit : “vous savez, 2$ de l’heure, ça nous coute plus de 100 000$ chaque année” ».
L’hôtel a cependant des revenus importants. Il a notamment un contrat avec le Gouvernement fédéral qui lui rapporte 1.7 millions de dollars par mois ; « donc, c’est pas 100 000$ qui vont le ruiner » :
« Un côté fait le travail, un autre côté s’enrichit du travail de l’autre. Ce n’est plus un enjeu de négociation, c’est un enjeu de société. Les travailleurs s’appauvrissent chaque jour, incapables de participer dans la vie économique ; c’est triste de voir des conditions de travail comme ça... On ne peut pas permettre l’indifférence gagner ! Il faut aller jusqu’à la fin, jusqu’au bout ! Solidarité ! »
- 5 mois de lock out chez Prelco
C’est ensuite un travailleur du STT de chez Prelco, une entreprise spécialisée dans le vitrage, qui vient présenter leur conflit de travail : l’assemblée le connait bien, puisque ça fait presque 5 mois que le patron ne leur verse plus de salaire et que ce salarié est déjà venu présenter le conflit. Les négociations ont débuté le 1er février et l’employeur a décrété un lock out le 19 juin dernier. Depuis le conflit s’envenime, l’employeur a déposé de multiples recours judiciaires et il ne montre aucune ouverture pour le moment. Malgré la durée du conflit, malgré l’absence de ressource, malgré les pratiques patronales, les travailleurs maintiennent la pression et viennent de rejeter la dernière proposition patronale à 92% :
« Pour le normatif ça a ben été ; mais quand le monétaire a commencé, c’est là que ça a commencé à se corser. Il nous propose 10.5% pour 6 ans ! Et depuis, on a été scabé, beaucoup judiciarisé, on a eu une injonction… On a fait une plainte en 12 [article du code du travail qui interdit d’entraver les activités syndicales] à l’employeur, car il s’amuse à nous envoyer des lettres à la maison, pour faire peur aux membres, en disant que tout le monde va pas rentrer après le conflit…Aussi, le 30 octobre dernier, on avait une AG pour se prononcer sur l’offre finale de l’employeur, qui était la même offre qu’au début des négos. On avait un peu peur du vote des membres, car après cinq mois, c’est dur de tenir, c’est difficile… L’offre finale a été rejetée à 92% ; on était vraiment fier de nos membres… Mais je veux vous remercier, c’est grâce à vous autres qu’on tient. Grâce aux dons, mais pas seulement. Après 5 mois c’est difficile ».
La conseillère syndicale renchérit :
« C’est un conflit extrêmement judiciarisé. L’injonction est très restrictive. On a eu 9 outrages au tribunal ; 20 mises en demeure ; l’employeur essaie de casser les membres, qui sont pourtant bizarrement très sages, très disciplinés… C’est violent, un lock out, c’est violent quand ton employeur te méprise à ce point là… Et te scabe. Quand tu vois les cadres rentrer tous les jours, passer devant toi ; c’est violent de vivre ça pendant 5 mois de temps. Ce qui aide les gens à tenir bon, c’est les messages de solidarité qu’ils reçoivent ».
À la période des questions et d’échange, un camarade à pris la parole pour suggérer que les travailleurs et travailleuses dans la constriction refusent de poser des vitres de chez Prelco. Pour participer à la campagne de dons (50$ suggérés), voir ici.
Francis Dupuis-Déri, délégué du Syndicat des professeurs et et professeures de l’Université du Québec à Montréal (SPUQ-CSN) au CCMM.
Martin Gallié, délégué du Syndicat des professeurs et et professeures de l’Université du Québec à Montréal (SPUQ-CSN) au CCMM.
Le 12 novembre 2024.
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