Tiré de The Breach
traduction Johan Wallengren
Jeudi 23 janvier 2025 / DE : Mostafa Henaway
Amazon a un message pour son armée de travailleurs précaires dans le monde entier : osez vous syndiquer et vous serez punis.
Après avoir échoué à faire dérailler une campagne de syndicalisation historique au Québec, Amazon met maintenant un terme à toutes ses activités dans cette province, privant près de 2000 travailleurs de leur emploi.
Cette contre-offensive est une tentative éhontée de punir les travailleurs de la province qui ont failli accomplir ce que beaucoup de gens considéraient impossible. En mai 2024, environ 300 travailleurs de l’entrepôt de Laval ont réussi à se syndiquer - une première historique au Canada -, et ce malgré deux années de tactiques antisyndicales, d’intimidation et de surveillance. Qui plus est, ils étaient sur le point de devenir les premiers travailleurs d’Amazon au monde à obtenir une convention collective.
Pour Jeff Bezos, le patron d’Amazon, il ne s’agit pas seulement d’écraser les travailleurs de Laval et leur syndicat, mais de s’attaquer directement à l’ensemble de la classe ouvrière mondiale. Ce précédent s’inscrit dans une offensive de plus en plus vaste des entreprises et de la classe capitaliste, qui s’efforcent de remettre les travailleurs à leur place en recourant à des mesures d’austérité et en lançant des attaques contre les mouvements de revendication ouvrière.
Ici, au Québec, le déménagement d’Amazon laisse 1700 travailleurs - dont beaucoup d’immigrants, d’étudiants internationaux et de personnes avec des familles - sans emploi dans un contexte de hausse du chômage et d’aggravation de la crise du coût de la vie.
Pendant ce temps, l’oligarque de la technologie Bezos continue d’amasser une richesse inimaginable, sa fortune dépassant aujourd’hui les 200 milliards de dollars.
Amazon redoutait une « percée » pour les travailleurs du Québec
La présence d’Amazon au Québec a été brève, mais marquée de bout en bout par un mouvement de résistance des travailleurs.
L’entreprise a ouvert son premier centre d’exécution des commandes à Lachine en 2020 et a rapidement essaimé en ouvrant sept installations dans différentes régions du Québec. À l’hiver 2022, les travailleurs de l’entrepôt de Lachine ont lancé la première campagne prolongée pour améliorer les conditions de travail. Amazon a réagi en recourant à des tactiques antisyndicales, notamment en faisant pression sur les travailleurs pour qu’ils ne signent pas de cartes syndicales. Ces manœuvres ont par la suite été déclarées illégales dans un jugement du tribunal du travail du Québec.
La campagne menée par le groupe de travailleurs n’a pas abouti à l’accréditation syndicale, mais en mai 2024, il y a eu une percée dans l’installation de Laval - le premier entrepôt d’Amazon à avoir réussi à se syndiquer au Québec et au Canada.
Cette victoire a été obtenue de haute lutte. En tant qu’organisateur syndical ayant travaillé un certain temps comme travailleur infiltré dans cet entrepôt, j’ai vu de mes propres yeux l’exploitation, la surveillance et l’incessante intimidation antisyndicale d’Amazon à l’œuvre.
Le cas de Laval se différencie des autres campagnes de syndicalisation menées en différents endroits du monde par une disposition du code du travail québécois qui n’a pas son équivalent ailleurs : à partir du moment où un syndicat existe, l’employeur est légalement tenu de conclure une première convention collective avec celui-ci. Si les négociations entre les parties achoppent, le différend est soumis à l’arbitrage.
Les travailleurs de Laval étaient donc dotés d’un outil puissant non disponible dans d’autres territoires.
Aux États-Unis, par exemple, les travailleurs d’Amazon à Staten Island - dont la victoire syndicale historique a inspiré les travailleurs du monde entier - restent sans contrat, et cela fait plus de deux ans que cela dure. Amazon n’a même pas daigné se présenter à la table des négociations.
Une première convention collective à Laval aurait représenté une avancée majeure pour les travailleurs d’Amazon du monde entier et une potentielle source d’inspiration pour plus de 1,5 million d’employés. Cela aurait créé un précédent que l’entreprise cherchait désespérément à éviter.
Amazon a déclaré que sa décision de quitter le Québec était motivée par les coûts et la rentabilité, et non par l’activité syndicale. Or, cette société a depuis longtemps fait passer sa position dominante sur le marché avant ses bénéfices. Et elle a toujours été encline à exercer ce pouvoir monopolistique pour écraser les droits des travailleurs, même si cela impliquait de sacrifier des gains financiers à court terme.
Les véritables motifs de la récente manifestation d’intentions du géant sont clairs : il s’agit d’une campagne agressive conçue pour « frapper fort et créer une onde choc » en vue non seulement de mettre au pas les travailleurs d’ici, mais également d’envoyer un message intimidant aux travailleurs de l’ensemble de ses installations dans le monde.
Les mesures prises par Amazon au Québec, annoncées deux jours seulement après que Jeff Bezos et d’autres oligarques du secteur technologique se sont tenus aux côtés de Donald Trump lors de son investiture, sont emblématiques d’une tendance dangereuse.
Alors que des pans de plus en plus importants de notre économie sont contrôlés par de riches entreprises et les oligarques qui les dirigent, c’est l’avenir de notre démocratie qui se joue dans la lutte pour les droits des travailleurs.
Notre solidarité et notre capacité de réaction pèsent lourd dans la balance actuellement. Ce n’est pas le combat de quelques-uns, mais une lutte pour chacun de nous.
INFOLETTRE
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