Édition du 11 février 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Ce dont nous avons tant besoin aujourd'hui !

Un fier-à-bras fascisant est arrivé à la Maison Blanche le 20 janvier 2025. Et depuis c’est la stupeur ou la sidération à chaque nouveau décret présidentiel que Donald Trump met en scène.

Certes, cela ne fait pas encore des USA un pays fasciste, et le Canada ou le Québec semblent encore loin de lui emboîter le pas. Mais quand l’exécutif du plus puissant pays de la planète prend une telle orientation, et quand partout au monde résonnent en écho de mêmes antiennes autoritaires d’extrême-droite, il y a lieu de se réveiller et de réfléchir à ce que l’on pourrait faire pour inverser le cours des choses, a fortiori lorsqu’on partage quelques 8 891 km de frontières communes.

Bien sûr, au Québec et au Canada, nos élus —après moult courbettes et hésitations— ont fini par réagir. On haussera nos droits de douanes à la même hauteur ou presque, que ceux que les USA voudraient nous imposer, on diversifiera nos échanges commerciaux, notamment vers l’Europe, et on dénoncera haut et fort cette volonté de faire de nous un 51 ième État des USA.

Mais il ne s’agit là que des réactions de circonstances —au demeurant passablement prudentes— de dirigeants économiques, sociaux et politiques actuels dont on ne connaît que trop le parcours. Ce sont eux qui, ces dernières années, se sont avérés bien peu efficaces, pour répondre aux aspirations de changement et de justice sociale sourdrant des classes populaires, tout comme pour stopper la montée de l’extrême droite dont pourtant le danger se faisait sentir depuis longtemps.

D’ailleurs qu’ont-ils fait pour empêcher le drame de Gaza et de ses dizaines de milliers de victimes civiles assassinées, dont on veut aujourd’hui effacer toute trace en projetant d’y construire –comble de la barbarie— une « Côte d’Azur » made in US ?

On ne peut donc guère se reposer sur eux. D’autant plus qu’on sait très bien que la montée d’une extrême droite populiste et fascisante,— c’est ce que nous apprend l’histoire— est d’abord l’indice d’une attaque à venir contre les volontés démocratiques et aspirations égalitaires portées par les classes populaires et de larges secteurs de la population afin qu’existent un peu plus d’égalité sociale, de liberté collective et de fraternité humaine, et pourrions-nous rajouter, de respect pour la nature, « la mère-terre ».

En ce sens, l’exceptionnelle conjoncture que nous connaissons devrait pousser les mouvements sociaux d’origine populaire et les forces politiques progressistes ou de gauche du Québec à voir loin et grand. Elle devrait nous stimuler à trouver les moyens nécessaires pour faire face aux périls grandissants qui se dressent devant nous, en nous poussant à nous mobiliser sur la base de nos propres forces et moyens, tout en nous efforçant de nous rassembler et de travailler à l’unité sociale et politique la plus large qui soit !

Contrairement à ce que pensent certains (Le Devoir, Face à l’oligarchie, la démocratie des Multitudes, de Jonathan Folco et autres), pour "sortir de l’impuissance" et "retrouver cette autonomie" qui nous manque tant, pour créer "une force, un mouvement politique rassembleur", il ne suffit pas d’en appeler aux luttes sociales et initiatives locales des « dites » « multitudes ». En somme, il ne suffit pas d’en appeler à ce qui se fait déjà en imaginant au passage qu’émergera spontanément "une nouvelle façon de s’organiser, autonome, agile, non électorale".

Il faut oser beaucoup plus, et surtout travailler d’arrache-pied et sans exclusive aucune, au rassemblement des forces sociales et politiques progressistes qui, parce qu’aujourd’hui divisées et empêtrées dans des logiques identitaires fragmentées ou des choix politiques à courte vue, ne trouvent pas les moyens de rebondir, de prendre un nouvel élan pour qu’ensemble on puisse faire face aux défis majeurs qui se dressent devant nous. Elles ne parviennent donc pas à apparaître, autant sur la scène sociale qu’électorale, comme étant cette force collective qui au moins pourrait faire la différence et serait susceptible d’offrir de véritables alternatives, en termes certes de logements, d’alimentation, de moyens de transport, de culture, de transition vers un modèle de vie collective plus viable, mais aussi de relations nouvelles et solidaires avec toutes les forces sociales et politiques qui aux USA et ailleurs sont en train de se liguer contre le nouveau maître de la Maison Blanche.

Un peu comme la CSN l’a fait à propos d’Amazon, ce dont nous avons tant besoin, c’est donc de nous rassembler, de nous compter, de nous parler, de nous donner les moyens de comprendre ce qui se passe avec la montée de la droite extrême, de nous trouver de nouveaux alliés, d’oser le faire sans exclusive aucune, en somme de nous redécouvrir comme une force sociale et politique qui pourrait vraiment compter si elle osait s’en donner les moyens.

Et quoi de mieux que des états généraux du mouvement populaire et progressiste québécois pour y parvenir !

Qui serait prêt à en prendre l’initiative, à se coaliser avec d’autres groupes et individus pour en organiser la mise en place ?

Pierre Mouterde
Sociologue, essayiste
Québec, le 9 février 2025

Pierre Mouterde

Sociologue, philosophe et essayiste, Pierre Mouterde est spécialiste des mouvements sociaux en Amérique latine et des enjeux relatifs à la démocratie et aux droits humains. Il est l’auteur de nombreux livres dont, aux Éditions Écosociété, Quand l’utopie ne désarme pas (2002), Repenser l’action politique de gauche (2005) et Pour une philosophie de l’action et de l’émancipation (2009).

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