Édition du 18 février 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

Le projet d’une société égalitaire passe inévitablement par le combat contre le racisme systémique

L’importance de la résolution d’urgence en appui à Haroun Bouazzi

La question du racisme systémique soulevé par Haroun Bouazzi a été l’éléphant dans la pièce durant le congrès. Plusieurs assos avaient envoyé une résolution d’appui envers Haroun. Lors du congrès nous avons travaillé de façon consensuelle afin de s’assurer qu’elle soit adoptée. Le résultat final n’était pas exactement ce que nous souhaitions avec l’ajout du quatrième paragraphe, mais nous avons appuyé la résolution parce qu’elle donnait le mandat de soutenir Haroun et était suffisamment claire dans la dénonciation de l’instrumentalisation dont sont victimes les personnes immigrantes.

Dans sa résolution d’urgence, le congrès de Québec solidaire a réaffirmé son engagement à lutter contre le racisme. Cette résolution rappelle que des partis politiques multiplient les discours pour blâmer les personnes migrantes de tous les maux de la société québécoise : le manque d’accessibilité au soin de justice, la crise du logement, la détérioration des services publics… L’utilisation de cette rhétorique stigmatise les personnes immigrantes et nourrissent la xénophobie et le racisme. Les propos d’Haroun Bouazzi ne faisaient que rappeler ces pénibles réalités. C’est pourquoi la résolution se solidarise avec ce qu’a voulu dire notre député.

Résolution d’urgence CCN

Que le Congrès
Réaffirme son engagement historique et fondamental dans la lutte contre le racisme systémique, la haine et toutes les formes d’intolérance ;

Dénonce l’instrumentalisation injustifiée dont sont régulièrement victimes les personnes immigrantes notamment dans le cadre des débats entourant la crise du logement, l’emploi, l’accès aux services publics et la place du français au Québec, et continue à mettre en lumière les causes véritables de ces enjeux de société en proposant des solutions concrètes ;

Condamne fermement les menaces, la violence et la campagne de diffamation dirigée contre le député Haroun Bouazzi et lui offre son soutien face à ces circonstances ;

Affirme clairement et sans ambiguïté que QS ne soutient pas et n’a jamais soutenu que l’Assemblée nationale et ses membres sont racistes et réitère qu’il ne s’agit pas de la position du parti.

Selon l’entourage d’Haroun, la question n’était pas tant de sauver la face mais de considérer quelle sera la réaction des populations racisées face à cette déclaration. Vont-elles sentir que QS est le parti qui les défend et est préoccupé par le phénomène de construction de l’autre comme l’a si bien dit Haroun.

Haroun n’a pas eu l’appui escompté normalement par le caucus parlementaire de QS. Sa faiblesse à défendre Haroun, en fait le caucus l’a aussi condamné dans une bonne mesure, ce qui a certainement encouragé cette droite péquiste et caquiste. Peut-être aurait-elle été dans le même sens quand même mais, le caucus aurait dû défendre leur camarade devant cette offensive et garder leurs critiques à l’interne. La sortie publique de Christine Labrie contre Haroun est inacceptable et contraire à la résolution à laquelle nous avons travaillé au congrès et qui a été adoptée. Les députéEs sont redevables au parti, s’ils et elles ont éluEs c’est qu’ils et elles étaient sous la bannière de QS.

Une lettre d’appui a circulé et a été envoyée à la députation

À Roxane Milot, présidente de Québec solidaire,
Au caucus de Québec solidaire,

« Tout d’abord, nous tenons à féliciter la présidente Roxane Milot pour les efforts déployés lors du congrès, où elle a su présenter et faire adopter une résolution avec une forte majorité, en prenant l’engagement formel d’assurer l’unité du parti et du caucus afin de sortir de la crise actuelle renforcé.e.s. Nous estimons qu’il est impératif de respecter l’esprit de cette résolution pour poursuivre notre travail commun et avancer dans la réalisation du projet solidaire.

C’est dans cette perspective que nous exprimons notre stupéfaction d’apprendre aujourd’hui, dans les médias, que plusieurs député.e.s du caucus de Québec solidaire envisageraient la suspension du député Haroun Bouazzi. Une telle démarche ne peut être justifiée, que ce soit sur le plan éthique ou politique.

En effet, une telle démarche va à l’encontre de l’esprit de la résolution adoptée et de la volonté démocratique des membres, tout en remettant en question les principes fondamentaux de solidarité et de justice qui sont au cœur de notre mouvement. Revenir en arrière et suspendre Haroun Bouazzi, c’est ne pas respecter l’engagement de la présidente et s’affranchir de la décision du congrès, instance suprême du parti. Il est essentiel de préserver l’unité et la cohésion au sein de nos rangs. Toute tentative de diviser les voix et de remettre en cause les décisions collectives risque de fragiliser la confiance des membres et d’affaiblir notre mouvement.

Nous vous appelons donc à exprimer votre soutien à Haroun Bouazzi et à démontrer que Québec solidaire est un parti qui reste fidèle à ses valeurs ainsi qu’à ses engagements, même face à l’adversité. »

L’assemblée nationale

Selon le Journal de Québec, « Haroun Bouazzi a donc dû écouter les doléances de ses adversaires politiques durant près d’une demi-heure au Salon rouge, une situation jamais vue. Il a encaissé le tout en gardant les yeux rivés sur l’écran de son iPad.
À ses côtés, la plupart des élus solidaires sont demeurés stoïques, alors que caquistes, libéraux et péquistes ne rataient pas une occasion de se lever pour applaudir chaudement.
Seule la députée solidaire Christine Labrie s’est fait un point d’honneur d’applaudir après chaque intervention contre son collègue, tout en demeurant assise. Plus tôt dans la journée, elle avait clairement fait connaître son désaccord avec ses propos. »
Paradoxalement c’est elle que Haroun Bouazzi avait appuyée lors de la course au poste de porte-parole féminin.

Des appuis qui désavouent une offensive bien orchestrée

Toute cette histoire a été orchestrée en bonne partie par le Journal de Montréal qui a publié l’information concernant l’événement du Gala du Club Avenir deux semaines plus tard à la veille du congrès de QS, jusque-là personne ne s’en était offusqué. Rabah Moulla indiquait que parmi les députés qui accablent publiquement Haroun Bouazzi, il y a le député du PLQ, Moncef Derraji qui va sans doute déposer une Motion contre lui, aujourd’hui le 20 novembre. Or, comme Haroun, il était invité au Gala du Club Avenir le 02 novembre et a donc écouté en direct l’intervention du député QS. Pourquoi n’a-t-il rien dit entre cette date et le jeudi 14, jour où le Journal de Montréal a consacré un article à cette affaire ?

Selon Jonathan Durand-Folco, « tout se passe comme si le racisme systémique, qui peut potentiellement se manifester dans n’importe quelle institution (police, éducation, système de santé, médias, etc.) ne pouvait pas absolument pas exister au sein de l’Assemblée nationale. C’est tout simplement impensable. Le parlement serait une institution sacrée, surhumaine, immunisée contre ce mal absolu, comme si le racisme ordinaire et inconscient ne pouvait pas s’y retrouver, comme dans le trou d’un cyclone. »

France-Isabelle Langlois, directrice-générale d’Amnistie internationale Canada, a soutenu Haroun et mis en évidence comment cette controverse s’inscrit dans une dynamique sociopolitique plus large à l’échelle internationale : « Les constats de M. Haroun Bouazzi décrivent une réalité préoccupante qu’Amnistie Canada a maintes fois dénoncée. Un discours de plus en plus présent et décomplexé blâmant les personnes migrantes pour tous les maux de la société. Un discours de fermeture, opposant le nous aux autres. Plusieurs élu·e·s sont les leaders de ce discours, c’est aussi un fait. Un discours qui s’inscrit dans une tendance mondiale de fond, où des mouvances, des partis politiques et des personnalités politiques de droite et d’extrême-droite, ouvertement sexistes, sinon misogynes, racistes et xénophobes ont le vent dans les voiles. Un discours qui est simplement repris comme étant valable, une opinion, une pensée parmi tant d’autres. C’est cette réalité qui devrait nous alarmer au plus haut niveau, d’autant qu’elle rappelle une période parmi les plus sombres de l’humanité. Elle doit être décrite et dénoncée. Les tirs groupés contre M. Bouazzi s’apparentent à tirer sur le messager, celui qui avertit du danger que nous ne voulons ni voir ni entendre. »

Le député fédéral du NPD Alexandre Boulerice, s’est exprimé sur le harcèlement contre Haroun Bouazzi. Il explique qu’il y a du racisme partout, que des politiciens québécois utilisent les immigrants comme boucs émissaires et cite les propos du premier ministre et du ministre Jean Boulet, les immigrants refusent de travailler et d’apprendre le français. Alexandre Boulerice indique que si on n’a pas construit de logements sociaux depuis trente ans et qu’il manque maintenant de logements ce n’est certainement pas pas à cause des immigrants.

Jean Boulet avait déclaré que 80 % des nouveaux arrivants ne travaillent pas, ne parlent pas français ou n’adhèrent pas aux valeurs. Or François Legault avait lui-même alimenté une controverse sur l’immigration, en affirmant que « ce serait un peu suicidaire » d’accueillir plus de 50 000 nouveaux arrivants par année. Il avait à l’époque indiqué que Jean Boulet avait fait une « erreur de jugement ».

La ligue des droits et liberté s’est dit également consternée par la vague d’indignation, d’intimidation et de réactions outragées qui s’est abattue sur Haroun Bouazzi, député de Québec solidaire dans Maurice-Richard, à la suite de ses propos sur le phénomène du racisme et de la construction de l’Autre à l’Assemblée nationale. Les porte parole Maryève Boyer,Sam Boskey et Laurence Guénette ont exprimé être hautement préoccupés par le racisme systémique, la LDL observe une tendance à l’exacerbation des discours nationalistes identitaires très inquiétante ces années-ci. Non seulement le gouvernement en place refuse obstinément de reconnaître l’existence du racisme systémique au Québec, mais certains élus attribuent à tort à l’immigration une multitude de maux sociaux.

Quelques faits

𝐋’𝐚𝐜𝐭𝐮𝐚𝐥𝐢𝐭𝐞́, 𝟑𝟏 𝐣𝐚𝐧𝐯𝐢𝐞𝐫 𝟐𝟎𝟐𝟒 : « Avec la crise du logement qui ne cesse de prendre de l’ampleur, le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, affirme qu’il est nécessaire de réduire, non seulement les seuils d’immigration permanente, mais également le nombre d’immigrants temporaires. »

𝐋𝐚 𝐏𝐫𝐞𝐬𝐬𝐞, 𝟕 𝐦𝐚𝐢 𝟐𝟎𝟐𝟒 : « Le gouvernement du Québec persiste et signe : le futur musée ne sera pas consacré à l’histoire du Québec, mais plutôt à celui de la nation québécoise, qui est distincte des Premières nations. »

𝐋𝐞 𝐉𝐨𝐮𝐫𝐧𝐚𝐥 𝐝𝐞 𝐐𝐮𝐞́𝐛𝐞𝐜, 𝟏𝟎 𝐣𝐮𝐢𝐧 𝟐𝟎𝟐𝟒 : « François Legault estime que 100% du manque de logements vient directement de l’augmentation du nombre de nouveaux arrivants ayant un statut temporaire, incluant les demandeurs d’asile. »

𝐑𝐚𝐝𝐢𝐨-𝐂𝐚𝐧𝐚𝐝𝐚, 𝟐 𝐨𝐜𝐭𝐨𝐛𝐫𝐞 𝟐𝟎𝟐𝟒 : « De passage en France pour une mission diplomatique, M. Legault a déclaré pour la première fois, à la fin d’une mêlée de presse avec des journalistes québécois, que ces transferts de migrants vers d’autres provinces canadiennes devraient selon lui être "obligatoires." ».

𝐑𝐚𝐝𝐢𝐨-𝐂𝐚𝐧𝐚𝐝𝐚, 𝟐𝟏 𝐨𝐜𝐭𝐨𝐛𝐫𝐞 𝟐𝟎𝟐𝟒 : « En s’appuyant sur le cas de l’école Bedford, le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, affirme qu’il y a de "l’entrisme religieux et idéologique" dans les établissements scolaires du Québec et veut que la laïcité soit renforcée pour le contrer. »

𝐋𝐞 𝐉𝐨𝐮𝐫𝐧𝐚𝐥 𝐝𝐞 𝐐𝐮𝐞́𝐛𝐞𝐜, 𝟐𝟖 𝐨𝐜𝐭𝐨𝐛𝐫𝐞 𝟐𝟎𝟐𝟒 : « Une immigration massive nuit à la natalité au Québec, selon le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, qui suggère une baisse drastique du nombre de nouveaux arrivants. »


Période de motions à l’Assemblée nationale contre le député Haroun Bouazzi

Le 18 novembre dernier, à l’Assemblée nationale du Québec, cette période de motions de la CAQ, du PLQ et du PQ a constitué un véritable hallali contre un député anti-raciste, Haroun Bouazzi. Pour mémoire. (Extrait de la vidéo produite par le Service numérique de l’Assemblée nationale.).

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André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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