Argument 1 : Les États-Unis ne laisseront pas un territoire voisin démilitarisé.
L’armée américaine sait déjà depuis longtemps que le Canada a abdiqué sur le plan d’une défense effective de son territoire.
Depuis longtemps, c’est NORAD qui contrôle la détection et la riposte et l’OTAN qui impose les rôles de soutien à l’armée canadienne. Les États-Unis ont déjà pris charge de la défense du continent. Le Canada n’a simplement pas les moyens d’assumer la défense de son très vaste territoire. Sa contribution en soutien à la défense continentale n’est que symbolique.
Les équipements conventionnels n’ont plus grand rôle à jouer dans une défense effective du territoire. La dissuasion, ou menace de destruction mutuelle, a pris tout l’espace. Tant que le Québec ne remet pas en question le positionnement d’équipements sur son territoire, les conséquences stratégiques sont nulles.
Sous-argument : L’option A semble prévoir abandonner toute forme de défense aérienne et maritime du territoire en plus de tout l’appareillage de radars et de satellites qui rendent possible la détection d’intrusions.
La détection et la riposte ainsi que la dissuasion militaire assumée par les armes nucléaires ne sont plus, et depuis longtemps, sous la responsabilité de l’armée canadienne, et ça ne sera pas différent pour le Québec souverain. NORAD contrôle tout.
Il ne reste que la capacité d’interception aérienne face à des intrusions. Pour faire face à des activités criminelles, une réflexion devra se faire concernant les équipements de type plutôt policier pour des gardes-frontières et des postes de surveillance et d’interception dans des lieux clés. Il n’est pas certain que l’option d’avions de chasse soit abordable pour un budget de sécurité en deçà de 10 milliards par année.
Nous devrons envisager l’occupation sécuritaire du territoire autrement.
Argument 2 : La sécurité mondiale ne peut être garantie en contexte de crise écologique.
La notion de défense non offensive pour un territoire aussi vaste que le Québec est une impossibilité dans les termes. Le Québec ne pourra se limiter qu’à déterminer ses infrastructures névralgiques et à les protéger. La disposition d’équipements traditionnels d’interception le long des lignes hydro-électriques et des barrages sera un véritable drain financier.
Il faut repenser la sécurité sur la base de la détermination des infrastructures névralgiques, de l’évaluation de leur vulnérabilité et de la diminution de leur importance en décentralisant les approvisionnements et la production. Assurer la sécurité par l’autonomisation des régions. Puis envisager la protection des installations restantes.
Sous-argument : La crise écologique et la montée en puissance de pays susceptibles de rivaliser avec les États-Unis comme la Chine risquent de créer énormément d’instabilité.
Il est beaucoup plus probable et plausible que le Québec doive miser en tout premier lieu sur la réduction de la vulnérabilité pour l’approvisionnement en ressources critiques. Cette simple voie sera coûteuse, mais incroyablement plus utile.
Pour ce qui est de réagir aux menaces, le Québec serait naïf de croire en la capacité dissuasive des équipements conventionnels qu’il serait en mesure d’acquérir. Notez, même le Canada serait incapable de défendre efficacement son territoire avec ses équipements totalement désuets. Garder à niveau le matériel militaire des trois Forces est un défi économique face auquel la majorité des petits États et des États intermédiaires ont déjà abdiqué.
On se partage les rôles. Le rôle d’un Québec souverain pourrait se situer dans le cadre de la prévention avancée des conflits internationaux, en travaillant de très près avec le Conseil de sécurité de l’ONU. Après la souveraineté, difficile de voir les options d’alliances avec les États-Unis ou le Canada.
Argument 3 : Seule une armée structurée peut dissuader des envahisseurs militaires ou criminels.
Non, les armées reconnaissent de plus en plus que la dissuasion par les armes conventionnelles est vouée à l’échec. Les pays qui misent sur la défense militaire considèrent dorénavant qu’il est indispensable de partager le pouvoir dissuasif avec les puissances nucléaires. C’est le cas de tous les pays membres de l’OTAN. On se pince le nez, et on participe à l’Alliance.
On est ainsi forcé de maintenir à jour la technologie afin d’assurer l’inter-opérabilité des équipements. C’est le cercle vicieux des dépenses militaires qui s’installe ! Tu veux profiter de notre force de dissuasion nucléaire, nous allons te donner un rôle : pour le Canada, c’est la protection des convois logistiques vers l’Europe, rôle qu’il est incapable à ce jour d’assumer. Tu bénéficies d’une protection, tu as ton rôle, ben là…. et maintiens à jour ton kit !
Il est illusoire de croire qu’une petite force conventionnelle puisse être persuasive en termes de dommages à causer à un adversaire, d’autant plus que, lorsqu’on fait face à une invasion, on ne combat pas sur le territoire adverse, mais sur son propre territoire. Donc les dommages infligés sont ceux de nos infrastructures. La force dissuasive des armes est donc d’autant réduite.
Sous-argument : L’effet dissuasif souhaité par l’option A ne fonctionne que si l’envahisseur potentiel est convaincu que ce soulèvement de masse se produira.
Bien avant un quelconque soulèvement, il y a la question d’une décentralisation et d’une autosuffisance raisonnable en biens essentiels au fonctionnement et à la vie des diverses communautés et régions du nouveau pays. Cette réduction des vulnérabilités permettra de faire comprendre que toute prise de contrôle passera par une occupation permanente d’un très grand nombre de communautés. La prise de contrôle d’infrastructures névralgiques permettant une forme de « chantage politique » sera d’autant plus difficile à effectuer. L’occupation de la surface habitée dans son entièreté est déjà un défi militaire.
En second lieu, mis à part les soulèvements, l’implantation d’une large gamme de mécanismes de non-coopération que les gens connaissent et sont prêts à mettre en ouvre peut faire bien comprendre que l’entreprise de tirer des bénéfices d’une occupation sera un immense défi. Les soulèvements de masse ne sont qu’un outil parmi d’autres dans la lutte pour la défense d’un système politique.
Le défi important réside dans le fait de bien transmettre aux adversaires la gamme des outils de non-coopération et de résistance qui seront mis en œuvre.
Argument 4 : Miser sur le soulèvement populaire en cas de crise est un pari risqué.
Non ! La question n’est pas formulée correctement ici !
L’option A estime que l’accession à l’indépendance ne se fera pas par une simple démarche administrative, signée suite à une déclaration d’indépendance, suivant un référendum victorieux. Afin de réaliser l’indépendance, la population devra vraisemblablement mettre en action une lutte populaire non violente de façon à contraindre le gouvernement canadien à accepter le choix démocratique de la population. Le gouvernement du Canada mettra toute une gamme de mesures pour neutraliser le processus d’accession à la souveraineté, et la population devra maintenir le défi face à l’État devenu un adversaire politique. Bien sûr, il faut un projet alternatif crédible qui soulève l’enthousiasme et mobilise la population. Dans ces conditions, le Québec pourra aspirer à une souveraineté.
Au moment où adviendra l’opportunité de procéder à l’indépendance, la population doit voir l’opportunité de réaliser de grandes choses et de conduire les affaires de l’État autrement. Les gens auront eu l’expérience de soulèvement contre des offensives économiques sur leur territoire (pétrolières et gazières) et auront participé à la lutte mondiale en faveur du climat. Les gens se seront familiarisés avec la lutte non violente et les mécanismes de résistance dans le cadre de la lutte d’accession à la souveraineté. Difficile de voir la population refuser de s’organiser, après coup, pour défendre le nouvel État.
La véritable question qui se pose ici est : comment allons-nous accéder à la souveraineté sans développer le désir et les moyens non violents de lutte ?
Sous-argument : L’option A semble supposer que le peuple québécois se soulèvera automatiquement sous l’impulsion de la stratégie gouvernementale ; rien n’est moins sûr.
Convaincues de pouvoir faire autrement, les populations verront l’accession à l’indépendance comme le seul moyen de faire cesser les assauts économiques à l’intégrité du territoire. Elles considéreront qu’il est grand temps de cesser ces mobilisations incessantes contre la convoitise des autres provinces canadiennes.
Ainsi, la société québécoise sera mûre pour procéder à un référendum sur la souveraineté, sachant évidemment, comme le démontre l’expérience catalane, qu’elle devra lutter pour réaliser son projet. Il serait naïf de croire que le gouvernement canadien n’utilisera pas toute une gamme de mécanismes de chantage et d’intimidation pour bloquer la voie à la sécession.
La population devra défendre l’intégrité de sa nation face à un adversaire canadien qui refusera que son pays soit scindé en deux et qui refusera la perte de contrôle sur la voie maritime du Saint-Laurent. Bref, la vision d’une défense civile non violente est la voie vers la souveraineté. C’est l’outil qui servira en fait à FAIRE la souveraineté.
À la suite d’une telle lutte, il serait surprenant que le peuple québécois ne décide pas de façon massive de défendre son nouveau projet.
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