Rapport entre la Déclaration de Saguenay et la tournée des régions
• La Déclaration de Saguenay se veut le résultat de la Tournée de régions lancée en juin 2023 ;
• cette tournée est en fait une version dévoyée de ce que plusieurs associations ont fait pendant la rédaction du programme : tenir des cercles citoyens !
• les cercles citoyens (depuis longtemps oubliés ou soigneusement évités ?!) étaient des assemblées générales en bonne et due forme, auxquelles participaient les membres de l’association (ou de l’instance statutaire) et la population locale dans la circonscription ou la région ;
• « en bonne et due forme » veut dire que la présence active des membres de l’association concernée (ou de l’instance) implique un travail de rédaction des propositions, et non une conférence écoutée et donnée par une personne représentant le parti ;
• les résultats de ces cercles citoyens étaient rédigés sous forme de propositions intégrées dans le Cahier de propositions et suivaient la procédure courante de délibération et d’adoption ;
• s’il y a des procès-verbaux des rencontres organisées pendant la tournée, pourquoi ils n’ont pas été publiés ?
• tous les sujets de cette Déclaration sont déjà présents dans le programme du parti soit par leur généralité (par exemple, transport, logement, indépendance, etc.), soit par leur particularité (par exemple, la création des Conseils régionaux de développement et de transition qui découlerait de la section 5.3.2 Décentralisation démocratique et régions, p. 59 du programme).
Conseil national ou Congrès : qui décide de la Déclaration de Saguenay ?
• Selon les statuts du parti, le Conseil national (CN) ne peut modifier le programme ou y ajouter des amendements ; seul le Congrès du parti peut le faire (voir dans les statuts, articles 10.1 Pouvoirs du Congrès et 11.1 Pouvoirs du Conseil national) ;
• toujours selon les statuts, « Si les circonstances l’exigent, le Conseil national, pour des raisons urgentes et importantes, peut utiliser, de façon transitoire, les pouvoirs habituellement dévolus au Congrès. Dans ce cas, les décisions se prennent aux deux tiers des voix. » (extrait de l’article 11.1 des statuts, nous soulignons) ;
• donc, c’est le CN lui-même qui décide, aux deux tiers des voix, de s’octroyer les pouvoirs du Congrès ;
• ainsi, le Comité de coordination national (CCN) ne peut transférer les pouvoirs du Congrès au CN et faire adopter par ce dernier des modifications ou des ajouts au programme ;
• il faut faire la démonstration, séance tenante du CN, du caractère urgent de la situation qui exige l’utilisation des pouvoirs du Congrès par le CN.
• on ne peut simplement invoquer la tournée des régions comme « urgence » pour que le CN adopte la Déclaration de Saguenay ;
• il n’y a aucune urgence pour modifier le programme ; la question si le programme est désuet ou s’il est réalisable en un ou plusieurs mandats de gouvernement ne constitue pas une urgence ;
• le Congrès est « [l’i]nstance suprême du parti, ses décisions sont mises en œuvre par toutes les instances du parti. » (extrait de l’article 10.1 des statuts) ;
• finalement, la suprématie du Congrès veut dire qu’une fois on sort de la situation d’urgence, l’utilisation temporaire des pouvoirs du Congrès par le Conseil ne peut empêcher ce premier d’annuler les décisions du second ;
• ainsi, le Congrès peut annuler toute décision prise par toute autre instance, incluant le CN, et même par un Congrès précédent.
Rôle de la Déclaration de Saguenay dans le discours du parti
Voici comment le Comité de coordination national (CCN) voit la Déclaration et comment il agira suite à son adoption :
• « Les principaux engagements politiques que nous vous proposons d’adopter comme parti à la suite de cette tournée se retrouvent dans la proposition que nous appelons la Déclaration de Saguenay. Ce document vise à être un socle à partir duquel nous construirons notre discours politique sur différents dossiers importants pour l’avenir du Québec lors des prochaines années. Ce sont des choix politiques importants que nous aurons à faire lors de notre Conseil national et nous avons hâte d’en débattre avec nous. » (page 2 du Cahier de propositions).
• bien que les considérants ne soient pas votés avec leurs propositions respectives, ce paragraphe dit clairement que les propositions à adopter vont affecter « notre discours politique [...] pour l’avenir du Québec » ;
• sachant que trois documents officiels définissent le discours politique du parti, à savoir, la Déclaration de principes, le programme et la plateforme électorale, et puisque la Déclaration est « un socle », autrement dit, base, fondation, principe, etc., on voit ici que la Déclaration déterminera directement une modification du programme ou son remplacement en 2026 ;
• si cette Déclaration ne modifie pas le programme, à quoi servira-t-elle ? Selon la vision du CCN, elle servira à ajouter de nouveaux éléments aux « plusieurs prises de position politique du parti [qui] ne se retrouvent pas dans le programme, puisqu’elles ont été adoptées lors d’autres instances nationales et non dans le strict processus d’élaboration du programme. » (page 19 du Cahier de propositions, nous soulignons).
• cette mise en avant du « socle » fondateur par le CCN fait écho aux déclarations médiatiques non mandatées du co-porte-parole masculin sur le soi-disant pragmatisme nécessaire impliquant impérativement un nouveau programme (proposition 15 du Cahier de propositions).
Déclaration, principes fondateurs, programme et plateforme électorale
• Quelle est la place de la Déclaration par rapport à trois autres documents fondamentaux (la Déclaration de principes, le programme et la plateforme électorale) ? Est-ce un quatrième document fondateur ? Quelle est l’instance nationale qui peut adopter un tel document ? La Déclaration fait-elle partie du programme ou de la plateforme ? Quelle est l’instance qui décide de la place de ce texte dans le « discours politique » du parti ?
• ayant déjà souligné le lien étroit entre Déclaration et programme, à quoi sert une Déclaration qui ne fait que répéter les éléments du programme ? De même, la Déclaration contient des propositions tellement précises que leur place toute désignée serait la plateforme, notamment, la reconnaissance de l’Union des producteurs agricoles, la révision du rôle de la Société d’habitation du Québec (SHQ), les Conseils régionaux de développement et de transition (CRDT), la convocation un sommet national afin de lancer une nouvelle Corvée habitation, etc. Pourquoi ne pas attendre la rédaction de la plateforme électorale de 2026 pour inclure ces propositions dans le Cahier de propositions afférent ?
• et puis le CCN n’est pas le seul à voir que la Déclaration amène un nouveau programme ou de nouvelles propositions au programme existant, les consignes du Comité de synthèse encadrent cette nouveauté espérée de la Déclaration et ajoutent encore à l’ambiguïté de la place de la Déclaration dans le discours : « L’objectif est que cette déclaration se tourne majoritairement vers des éléments nouveaux pour notre parti et non pas de réitérer des engagements pris dans le passé. » (page 5 du Cahier de propositions, nous soulignons) ;
• également, ce comité reconnaît clairement les nouvelles retombées majeures de la Déclaration sur les politiques du parti, lire programme et plateforme : « Cette proposition [la Déclaration] nous amenant à débattre d’un texte de plusieurs pages, nous voulons nous assurer que les amendements reçus nous permettront de discuter d’enjeux politiques et non pas de procéder à un exercice de réécriture collective d’un texte en plénière, [...]. » (nous soulignons).
Conclusion
La mise à jour du Cahier de proposition le 10 mai 2024, qui stipule que « Le programme de Québec solidaire est l’âme de notre parti et représente le socle de notre projet politique. », a été probablement faite à cause des modifications et des critiques présentées par plusieurs instances et portant sur le rôle de la Déclaration. Le présent article en a mentionné quelques unes concernant l’élaboration de la Déclaration comme résultat de la tournée des régions ainsi que le respect des statuts et des mandats respectifs des instances nationales.
Cette mise à jour est, en réalité, un renversement total du rôle initial prévu pour la Déclaration qui cède sa place d’un élément déterminant du « discours du parti » au programme et rétablit ainsi, en espérant une fois pour toute, la primauté et la préséance de ce dernier. De plus, cette mise à jour ne fait que mettre en évidence le problème insolvable du rôle d’un élément programmatique mais qui n’est pas voulu comme tel.
Voilà pourquoi on ne peut exclure la visée transformatrice du programme ou de son remplacement, par le détour de la Déclaration, pour aboutir ensuite à la modification de la position du parti sur le spectre politique gauche-droite. Le renversement du rôle de la Déclaration, qui ne sera pas voté au Conseil national de mai 2024, est-il arrivé trop tard pour affecter les propositions qui y seront débattues ? En tout cas, le travail effectué par toutes les instances dans la production du Cahier de synthèse ne sera pas vain ; la suprématie du Congrès permet très bien de reprendre la discussion du programme et de sa mise à jour, comme prévu, dans un prochain avenir. C’est le Congrès qui décidera de la place de la Déclaration dans le discours du parti !
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