"Penser l’indépendance, c’est se penser dans le combat."
Pour Robert Laplante, l’indépendance sera le fruit d’un combat pour la liberté. Pour vaincre, il faut savoir "se penser devant ce qui lui fait obstacles : le régime dans lequel nous sommes enfermés et l’État canadien qui l’incarne." Il dénonce donc cette incapacité bien québécoise d’imaginer un adversaire. Il faut savoir nommer ses ennemis. Cette incapacité, que Robert Laplante, nomme le "syndrome Passe-Partout" a trouvé une expression achevée chez le PQ qui pensait que l’indépendance se ferait sans rupture, que l’on pouvait compter sur le fair-play canadian.
Le PQ ou "le visage grimaçant de l’impuissance consentie"
Notre auteur n’est pas tendre pour le PQ. Il vise juste. Il frappe fort. La campagne électorale du Parti québécois "a porté à son paroxysme le refus de se penser dans l’adversité ". C’était la conséquence d’une pratique politique marquée "par la peur de notre peuple et de son combat." Et Laplante ajoute, incisif : "Les malheurs électoraux du Parti québécois ne sont que l’aboutissement d’une démission de notables affalés et de ceux-là seuls."
Un diagnostic rageur et superficiel, une conclusion navrante.
Mais, le diagnostic s’arrête là. Comment les indépendantistes du Parti québécois ont-ils été amenés à confier à Lucien Bouchard, Pauline Marois et Antré Boisclair, et autres Facal, Chevrette et J. Brassard la direction de leur parti. Pourquoi ont-ils confié à la droite néolibérale le contrôle de la politique péquiste ? Pourquoi se sont-ils comportés comme des minoritaires au sein même de leur parti, et ont-ils laissé toute la place à une direction qui avait pour première ambition de gérer un palier provincial de l’État canadien ?
C’est que le Parti québécois a été dirigé dès ses débuts par une fraction nationaliste de la bourgeoisie québécoise et des couches supérieures de la petite bourgeoisie. Son bon-ententisme avec la bourgeoisie canadienne, sa croyance en la possibilité de penser l’indépendance sans combat, son insistance mise sur la nécessité de l’association ou du partenariat avec Ottawa, son refus de la rupture reflétait la peur que la lutte pour l’indépendance soit l’occasion d’une large mobilisation populaire des classes subalternes. Ces dirigeants ont toujours voulu éviter que la lutte contre la domination canadienne soit porteuse d’un projet de société plus égalitaire, qui remettrait en question non seulement la domination fédérale, mais également la domination des élites sur la société québécoise elle-même.
Quand, il écrit : "il est obscène en regard des exigences de notre lutte de continuer de s’imaginer être au pouvoir quand on gère la province de Québec", Robert Laplante parle en indépendantiste authentique. Pourquoi est-il incapable de voir qu’en défendant exactement l’inverse, des générations de dirigeants péquistes ont démontré que leurs convictions indépendantistes pesaient moins lourd que leur soif de pouvoir ? Il refuse de voir que la structure du pouvoir dans le Parti québécois a été reproduite depuis des décennies pour permettre que des dirigeants qui se contentent de la rhétorique souverainiste maintiennent leur position à la direction du Parti québécois.
Et c’est bien pourquoi, que "même au lendemain d’une bonne raclée plusieurs ne voient toujours pas que militer pour l’indépendance c’est tout mettre en oeuvre pour mettre à mort la logique provinciale d’un impossible équilibre comptable." C’est pourquoi, incapable de tirer les leçons réelles des cinquante dernières années, Robert Laplante proclame que le PQ québécois reste le principal instrument de la lutte pour l’indépendance. Mais, il appelle tout de même "à sa rénovation en profondeur".
Quelle conclusion refuse-t-il de tirer de l’histoire concrète du Parti québécois marqué par des hésitations, des retournements l’amenant à donner une dernière chance au fédéralisme, au report incessant de la lutte pour l’indépendance ?
Une partie des élites québécoises est passée avec armes et bagages du côté de la domination fédéraliste. Les élites nationalistes sont organiquement velléitaires et se montrent tout à fait incapables de mener la lutte pour l’indépendance à la victoire. Qu’elle est la conséquence essentielle de ce constat : c’est la majorité populaire, les classes subalternes de la société québécoise qui seront capables de mener jusqu’au bout la lutte pour l’indépendance.
Devant une "offensive savamment planifiée ", les élites nationalistes tergiversent et reculent.
Si les fédéralistes québécois n’ont plus rien à proposer sauf l’acceptation du statu quo dans la soumission comme le rappelle Robert Laplante, les élites péquistes acceptent les grands projets stratégiques de la bourgeoisie canadienne. Elles acceptent de faire du Québec un État pétrolier. Elles soutiennent le libre-échange avec l’Europe qui menacera nos services publics. Elles favorisent la privatisation au profit des multinationales qui s’attaquent au bien commun des Québécoises et des Québecois. Elles reprennent la logique néolibérale et font de la dette une priorité. Elles refusent d’opérer une réforme radicale de la fiscalité qui permettrait de redistribuer la richesse en faveur de la majorité de la nation. Elles acceptent de livrer les richesses naturelles du Québec en reprenant à son compte le Plan Nord. Elles n’hésitent pas àa stigmatiser une partie de la population pour des fins électoralistes. La collaboration avec l’oppresseur canadien prend donc des formes de plus en plus éhontées.
Leur programme de régression sociale est tout à la fois un programme de capitulation nationale. Que les souverainistes soient restés à la maison au lieu de se rendre aux urnes le jour du scrutin n’a donc rien de surprenant. Et la méfiance de la majorité populaire envers le programme commun des péquistes et des partis néolibéraux explique pourquoi la refondation du mouvement indépendantiste passe par la rupture avec la direction péquiste et son parti.
Le dépassement de la fragmentation et de la dispersion du mouvement indépendantiste passe par la construction d’un nouveau bloc social s’engageant dans une dynamique de souveraineté populaire
La fragmentation du mouvement indépendantiste a pour origine essentielle, la politique velléitaire et démissionnaire du Parti québécois. Robert Laplante, prenant la conséquence pour la cause, affirme que l’hostilité au Parti québécois pourrait expliquer l’affaiblissement du mouvement indépendantiste.
L’unité du mouvement indépendantiste ne pourra pas se construire autour d’un Parti québécois même rénové, mais bien autour des forces qui luttent, aujourd’hui, pour un la souveraineté populaire du Québec. La lutte pour l’indépendance se concrétise dans la lutte des mouvements écologistes qui se battent contre la construction des pipelines de TransCanada et du port pétrolier à Cacouna. Elle prend forme dans la lutte des groupes syndicaux et populaires contre le libre-échange et pour la défense des services publics. Elle s’exprime dans la lutte du mouvement des femmes pour le droit à l’avortement et contre le conservatisme moral représenté par le gouvernement Harper. Elle trouve une autre expression dans la lutte du mouvement contre les expéditions militaires du gouvernement canadien contre les peuples du tiers-monde. Elle s’exprime aussi dans la bataille pour un Québec inclusif, égalitaire et antiraciste. L’ensemble de ces combats peut fusionner dans la perspective d’un Québec indépendant, mettant fin à la tutelle d’Ottawa.
La cohésion du combat indépendantiste ne se trouve surtout pas par la rénovation de la vieille maison péquiste. La lutte pour l’indépendance appartient au peuple tout entier. Elle sera le fruit de ses mobilisations concrètes pour reprendre le contrôle sur sa vie. Elle sera le fruit d’une réelle transformation de sa vie démocratique débouchant sur l’affirmation de sa souveraineté populaire.
Un parti politique indépendantiste authentique ne se verra pas comme le véhicule essentiel de la lutte indépendantiste, mais comme un parti cherchant à réunir les conditions de la convergence et de l’unité d’un peuple en lutte sur les différents terrains.
L’intérêt national véritable, n’est pas celui des élites qui cherchent à dominer la nation et à la soumettre à ses intérêts particuliers. C’est celui de la majorité populaire agissante, qui impose la souveraineté populaire, seule capable de mettre fin à la domination fédérale sur le Québec.
Si la feuille de route de Robert Laplante fait des constats essentiels et des propositions importantes, les perspectives avancées nous feront parcourir la voie déjà empruntée qui a conduit le mouvement indépendantiste à l’impasse actuelle.