Un tel scénario est très improbable lorsqu’il s’agit d’un projet d’éoliennes industrielles en milieu habité. Pourtant rien ne va changer plus le cadre de vie des résidents que l’ajout de dizaines d’infrastructures plus hautes que la Place Ville-Marie et dont l’effet cumulatif des impacts est majeur (pollution sonore et visuelle, paysages patrimoniaux dégradés, baisse de la valeur des résidences, risques sanitaires, impacts psycho-sociaux, etc.). Tout le monde veut s’arracher la tête, insultes, menaces, vandalisme, foire d’empoignes aux séances du conseil. Alors pourquoi, à l’instar de St-Nazaire, ne pas avoir recours à un référendum pour éviter la crise sociale ?
Il y a 25 ans la création de la filière éolienne attribuée à l’entreprise privée n’est pas étrangère à cette situation. Dans une perspective d’énergie verte et de développement régional une brèche a été ouverte dans le monopole public d’Hydro-Québec marquant le début de la dénationalisation de l’électricité. Ce choix politique douteux s’avère surtout une affaire de gros sous avec pour principaux bénéficiaires les promoteurs privés dont les généreux profits sont financés par des hausses de tarifs des abonnés d’Hydro-Québec et une baisse des transferts vers le Trésor Public. La notion de « profits et redevances » combiné à l’entêtement de l’État à poursuivre une idéologie sans nuances sera au cœur de cette implantation chaotique de la filière éolienne n’importe où, n’importe comment et à n’importe quel prix. Mais pourquoi vouloir enfoncer dans la gorge des citoyens des projets dont ils ne veulent pas alors que le Québec regorge de gisements éoliens beaucoup plus performants en territoires non organisés ?
En 2023 Hydro-Québec réduit considérablement la durée de son appel d’offres pour l’approvisionnement de 1500 MW d’énergie éolienne, de surcroît en période estivale, de façon à accélérer les mises en chantier et empêcher l’organisation de groupes citoyens dénonçant depuis plusieurs années une énergie coûteuse, non fiable, non stockable, socialement inacceptable et ne générant aucune activité économique dans les communautés d’accueil pendant la phase d’exploitation. Les critères d’acceptabilité sociale et d’obligation d’un pourcentage de contenu local sont abandonnés. Les distances de protection des habitations restent pratiquement inchangées face à des éoliennes beaucoup plus hautes et puissantes encore jamais testées au Québec
Forts de dizaines de contrats avec clauses de confidentialité, les promoteurs exigent des conseils municipaux un cadre légal calqué sur leurs besoins pour implanter leurs projets. Des ententes sont signées, des résolutions adoptées, des montants sont négociés, dans la frénésie plusieurs élus se retrouvent en conflit d’intérêts ; le secret est de mise, le citoyen attendra, la transition énergétique, elle, ne peut attendre. Sans mandat de la population, sourds aux doléances de leurs citoyens et à la solde des promoteurs pour vendre le projet à leurs citoyens les MRC et les municipalités se placent dans une position de soumission quant au projet contraire à la recherche constante de l’intérêt public. Aveuglés par les redevances, les MRC adoptent des réglementations ou comportements moralement, éthiquement et démocratiquement discutables ; des séances publiques écourtées, des mises en demeure, l’adoption de RCI au bénéfice exclusif du promoteur et la création de régies qui incite les municipalités à abandonner leur compétence en matière d’énergie sur leur territoire. Rien n’est prévu pour que les populations puissent s’exprimer démocratiquement sur l’opportunité ou non d’implanter des éoliennes industrielles dans leur milieu de vie. Les référendums, outil démocratique par excellence, sont proscrits et toute tentative d’y recourir deviendra un véritable parcours du combattant. Les Chambres de commerce, les organismes bénévoles, les commerces sont abreuvées de promesses économiques qui s’avéreront exagérées sinon fausses. Au gouvernement plus d’une cinquantaine de lobbyistes de l’éolien dont le profit est le motif principal harcèlent députés et ministres pour les convaincre de ce qui est bon pour les québécois.
Sans réponses et sans arguments les élus locaux lancent : « Citoyens, adressez-vous au BAPE ! »
Après plusieurs commissions d’enquête sur l’éolien, le BAPE reconnaît lui-même qu’il intervient trop tard. Ses recommandations sont systématiquement ignorées par le conseil des ministres. Le BAPE devient un exutoire pour les doléances des citoyens plutôt qu’un réel moteur de changements. Les commissaires du BAPE ont recommandé à maintes reprises de « considérer un référendum pour communiquer au décideur gouvernemental la position réelle de la population sur le projet » (BAPE no 267, page 110) et ont constaté l’absence de réelles consultations de la population de la part des autorités municipales. Celles-ci s’en remettent presqu’exclusivement au discours des promoteurs et à la politique de l’État qui a érigé l’éolien en dogme. Marie-Claude Prémont, docteure en droit et ingénieure, conclut ainsi son analyse sur les ententes signées entre les parties : « La filière éolienne démontre que l’État a mis tout son poids afin de s’assurer de trouver la formule la plus flexible et implacable pour forcer l’implantation d’une production privée d’énergie renouvelable au Québec. Le citoyen se trouve ainsi éjecté du triangle de la justice négociée entre les trois parties que sont l’État, la municipalité et le promoteur, ce qui remet en question les fondements mêmes de la démocratie municipale. » *
Révoltés, les citoyens ne font plus confiance aux élus et aux institutions qu’ils représentent. Les principaux intéressés, les riverains qui vont se retrouver à l’ombre des éoliennes, placés devant un fait accompli, calculent leurs pertes. Debout pour défendre leur milieu de vie ils n’ont de cesse d’exiger un moratoire immédiat sur tout projet éolien industriel en milieu habité et des référendums obligatoires pour les projets déjà retenus par Hydro-Québec.
Claude Charron, comité des riverains des éoliennes de L’Érable
*Marie-Claude Prémont, La justice négociée de l’énergie éolienne au Québec, Cahiers de droit, juin 2019, page 365
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