Édition du 25 février 2025

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Le Monde

« Frénésie de va-t-en-guerre »

Les critiques du Sommet sur la sécurité de Munich mettent en garde contre la montée du fascisme d’E. Musk en Europe

Nous nous tournons vers Munich où la conférence de haut niveau sur la sécurité se déroule en ce moment avec des douzaines de leaders. Premier point au programme : la guerre Russie-Ukraine.

Democracy Now 14 février 2025
Traduction, Alexandra Cyr

Amy Goodman : Le Président ukrainien, Volodymyr Zelenski devrait y rencontrer le Vice-président J.D.Vance et le Secrétaire d’État Marco Rubio aujourd’hui. Plus tôt cette semaine, le Président Trump a déclaré qu’il rencontrerait le Président V. Poutine pour mettre fin à cette guerre vieille de presque trois ans. Cette annonce a soulevé en Europe la peur que le Président Zelenski soit exclu des pourparlers. Voici la déclaration du Chancelier Scholz :

C. Olaf Scholz : (depuis la traduction en Anglais de l’Allemand). Rien ne doit se décider à propos de l’Ukraine sans les Ukrainiens.nes et rien à propos de l’Europe sans les Européens.nes. Cela va de soi. Nous sommes d’accord avec tous nos amis et partenaires en Europe à ce sujet. Une chose est très claire pour moi : toute solution négociée doit permettre à l’Ukraine d’avoir des forces armées à sa disposition dans le futur qui lui permette de combattre toute nouvelle attaque russe. C’est un défi considérable financièrement, matériellement et logistiquement. Cela va surpasser les capacités financières de l’Ukraine pour envisager l’avenir. Nous les Européens avec nos partenaires transatlantiques et internationaux devons l’assurer de notre présence.

A.G. : Jeudi, le Président Trump est revenu sur ses déclarations antérieures et a assuré les reporters que « bien sûr » l’Ukraine participerait aux discussions avec la Russie.

Le Vice-président J.D.Vance a déclaré au Wall Street Journal que les États-Unis pourraient frapper la Russie avec des sanctions et même utiliser des « moyens de pression militaires » si V. Poutine n’accepte pas une entente qui garantira l’indépendance ukrainienne à long terme. Il a ajouté qu’il entend dire aux leaders européens d’accueillir chaleureusement les Partis populistes, de faire cesser l’immigration de masse et de revenir sur les politiques progressistes. Il ne rencontrera pas le Chancelier allemand qui est l’hôte de la conférence.

Plus de 40 ralliements de protestations contre cette conférence sont programmés à Munich.

Pour mieux comprendre la situation nos avons deux invités à Munich : Melanie Schweizer est avocate. Elle a travaillé au Ministère du travail et des affaires sociales allemand. Elle est membre du Parti progressiste MERA25, et candidate à l’élection législative plus tard ce mois-ci.
Aussi, Yanis Varoufakis, ancien ministre des finances grec sera avec nous. Son ouvrage le plus récent est intitulé : Technofeudalism : What Killed Capitalism. Il doit prendre la parole à un de ces rassemblements de protestation samedi à Munich. Leur slogan : « Peace-capable instead of war-capable « !

Yanis Varoufakis nous allons commencer avec vous. Qu’est-ce que cela veut dire ? Quel est votre message à Munich en ce moment où se trouvent le nouveau Vice-président américain et le nouveau Secrétaire d’État américain ? Bien sûr qu’ils ne sont pas seuls. Le message, le sujet principal est la guerre entre la Russie et l’Ukraine.

Yanis Varoufakis : Amy, l’Europe était un merveilleux projet de paix. L’idée de réunir différentes nations dans l’Union européenne devait faire en sorte qu’il n’y ait plus de guerre en Europe. Malheureusement, cernée par deux différents autoritarismes, celui de V. Poutine d’une part et les forces des va-t-en-guerre expansionnistes américains.es dirigés.es par l’Alliance atlantique (OTAN) par ailleurs, l’Europe a été essentiellement captive d’une frénésie de va-t-en-guerre. Pensez-y, la cheffe de la défense et la porte-parole pour la sécurité de l’Union européenne, l’ancienne Première ministre estonienne, Mme Kaja Kallas, plaidait pour l’effondrement de la Fédération de Russie et la rupture (avec ce pays). C’est un appel à la guerre.

Donc, nous sommes à Munich pour démontrer la transformation de l’Union européenne en union de guerre. Et n’oubliez pas que cette conférence soit disant sur la sécurité est dans les faits un bizarre bazar d’armement. Tous les marchands d’armes du monde les plus ambitieux sont ici pour supposément discuter de paix. Nous sommes ici pour leur imposer notre récit pacifique.

A.G. : Pouvez-vous, Yanis, nous parler de ce que le Président Trump dit à propos des armements nucléaires chinois, russes et américains ?

Y.V. : Les motivations de D. Trump sont toujours douteuses. Et ses négociations peuvent ne virer à rien. Mais cette idée de négociations a surgi devant l’ampleur de cette confrontation nucléaire. Rappelez-vous, l’horloge nucléaire est très, très proche de minuit maintenant, le plus proche depuis au moins 50 ou 60 ans. Ce n’est pas une mauvaise idée d’avoir des négociations tripartites. Mais, ce à quoi cela devrait conduire … avec le comportement de D. Trump qui ne cesse d’inonder la zone d’incertitudes pour des objectifs très, très douteux…

A.G. : Je veux faire entrer Melanie Schweizer dans la conversation. Elle est membre du Parti MERA25 et candidate à l’élection législative de ce mois-ci. J’ai dit que vous aviez été avocate au Ministère allemand du travail et des affaires sociales. Pouvez-vous nous parler des pressions dont vous avez été l’objet et de ce qui vous est arrivé ?

Melanie Schweizer : Oui, merci beaucoup. Bonjour Amy. Merci de me fournir ce moment pour vous parler.

Je pense que la situation allemande, en ce moment, est vraiment désastreuse. Il y a une attaque flagrante contre la liberté d’expression et la liberté de rassemblement. Nous sommes témoins du démantèlement de l’État de droit au moment où la démocratie est en crise. Et nous voyons venir ces élections avec la peur au ventre ; nous pensons qu’il se peut que ce soit la dernière élection avant l’arrivée du fascisme parce que les Partis centristes, les Sociaux démocrates, les Verts, et le Parti de gauche ont adopté non seulement la rhétorique de l’extrême droite mais aussi ses politiques.

Ils ont présenté de nouvelles résolutions contre la liberté de parole. Ils ont empêché Francesca Albanese de prendre la parole dans les universités cette semaine et la semaine prochaine. Ces politiciens.nes ont aussi réprimé les manifestants.es du mouvement contre la guerre et celui contre la violence génocidaire. La semaine dernière il était interdit de parler une d’autres langues que l’Anglais ou l’Allemand à cause de mensonges répandus par le plus grand journal d’extrême droite en Allemagne, Axel Springer. Il ne cesse de s’en prendre aux personnes et publie des informations confidentielles à leur propos. Alors, qui que ce soit en Allemagne qui parle en ce moment contre les crimes de guerre israéliens, contre le gouvernement, est susceptible de répression politique tout comme de révélations personnelles ou politiques par ailleurs confidentielles. Des gens perdent leur emploi, alors que pourtant, il est possible d’afficher sa rhétorique génocidaire sans avoir peur de quelque conséquence que ce soit.

C’est pour ça que je suis candidate. C’est pour ça que je suis devenue active en politique, parce que je pense que c’est très sérieux. Comme Allemande, avec l’histoire allemande, je me sens obligée de parler face à l’oppression, l’injustice et spécialement parce que je suis avocate et que j’ai été préparée à défendre la Constitution et donc la loi internationale.

Je veux ne vous donner qu’un exemple récent de la manière dont ces discours de haine sont rendus normaux. Récemment, une personne juive, journaliste de métier, a été accusée d’incitation à la haine simplement pour avoir dit : « Nous Juifs, … ne sommes pas des victimes ». Donc, aussi tôt que quelqu’un parle contre cette chasse aux sorcières, il est poursuivi. Encore hier, le Ministre de l’intérieur a publié sur les réseaux sociaux en déclarant avec fierté que l’Allemagne est le seul pays qui expulse des gens en Afghanistan. Avec fierté ! Cela a soulevé une vague de protestation : « Comment pouvez-vous être fiers.ères qu’un pays européen expulse (des gens) en Afghanistan ? En ajoutant : « où les Talibans sont exercent le pouvoir ». Aujourd’hui, au cours d’une entrevue que le Chancelier a donnée, un journaliste lui a demandé : « Qu’allez-vous faire si la Cour pénale internationale arrive à la conclusion qu’il y a eu un génocide à Gaza » ? Il a répondu : « Je ne répondrai pas à ces questions. Ce n’est pas possible. Ça n’arrivera pas. C’est absurde. Ça n’arrivera pas ».

A.G. : Melanie Schweizer, avez-vous été suspendue du Ministère du travail et des affaires sociales ?

M.S. : Oui, de fait je l’ai été. Je me suis donc exprimée sur Twitter en donnant mon nom. On a publié des informations confidentielles sur moi, donc on a découvert que je travaillais à ce Ministère. J’étais en vacances en décembre et je devais reprendre le travail en janvier. Aussitôt j’ai été suspendue avec effet immédiat. Depuis ce moment-là, un article venant de Axel Springer, publié dans Bild-Zeitung est sorti et je n’ai plus jamais mis un pied dans ce Ministère. Je n’ai toujours aucune idée … la seule chose dont je suis consciente c’est de m’être exprimée à propos du génocide en cours et que cela devait cesser, que l’Allemagne devait cesser de fournir des armes à Israël et qu’il devait être sanctionné.

A.G. : Je veux revenir à Yanis Varoufakis et parler d’Elon Musk. On l’appelle le Président X, non pas pour désigner un ancien Président américain (Ex Président n.d.t.), mais bien par la lettre X. Il est propriétaire d’une des plus grandes plateformes de médias sociaux au monde, la plateforme X, et il apparait à côté du Président dans le Bureau ovale. Il semble prendre beaucoup de décisions, il a présidé à une rencontre de dirigeants.es internationaux en Allemagne et il vient tout juste de participer à une conversation de deux heures avec l’AFD, en soutient à l’AFD (Parti d’extrême droite en Allemagne n.d.t.). Pourriez-vous nous décrire ce Parti et sa montée si rapide ? Pouvez-vous nous le décrire comme un parti Néo Nazi ? Et son rôle dans la manière que vous parlez de techno féodalisme à propos d’Elon Musk ?

Y.V. : Commençons par l’Alternative für Deutschland, l’Alternative pour l’Allemagne. C’est un Parti qui s’est présenté comme euro septique et contre la monnaie unique. Il s’est servi de figures de style et autres tournures de phrase pour faire allusion au passé nazi. Il serait erroné de l’appeler parti nazi ou néo nazi. Il est plus exact de le qualifier de parti conservateur, raciste, xénophobe ce qui réfère à la période noire du nazisme.

Pour ce qui est d’Elon Musk, c’est un seigneur féodal de la technologie. Il faut se rappeler qu’il est un de ces seigneurs, arrivé sur le tard après, Jeff Bezos, Mark Zuckerberg, Google et Microsoft qui ont été les pionniers des seigneurs féodaux de la technologie. Ils ont créé un système numérique dans lequel nous sommes enfermés.es et où on trouve une exploitation massive de tous et toutes, les gens qui vendent des produits sur Amazon, les médias et les journaux, et ceux et celles dont le travail a été usurpé. Mais Musk … il était un capitaliste standard. Il produisait des autos, des fusées. Ce n’est pas un produit standard mais quand même un produit industriel. Et il s’accapare Tweeter ! Il l’achète parce qu’il veut connecter son empire capitaliste avec ce que j’appelle un « cloud capital », le capital algorithmique qui possède la remarquable capacité de modifier vos comportements. Quiconque possède cette capacité, le pouvoir, le capital et ce capital algorithmique peut tirer d’énorme bénéfices du reste de la société. Et, très vite, il décide de faire ce que tous les capitaines d’industrie ont fait dans le passé, c’est-à-dire amadouer le gouvernement et arriver à accéder directement au pouvoir politique. C’est un retardataire mais il avance très vite n’est-ce pas ?

A.G. : Je veux vous lire un extrait d’une publication de Reuters et du Wall Street Journal : « Celui qui vraisemblablement sera le prochain Chancelier allemand a mis en garde … Elon Musk devra faire face aux conséquences de son intervention pour favoriser l’AFD avec sa plateforme X. Ce qui est arrivé durant cette élection ne peut rester sans réponse », a déclaré au Wall Street Journal, Friedrich Merz, le meneur dans les sondages en vue de l’élection du 23 février. Musk n’a cessé de demander aux Allemands.es de voter pour l’AFD en disant que seul ce Parti peut sauver le pays. Qu’elle est votre réaction par rapport à ce que vous voyez en Allemagne en ce moment et ce qui arrive aux États-Unis où E. Musk a fait le salut nazi plusieurs fois dans les ralliements de D. Trump ?

Y.V. : C’est renversant de voir que nous devions être témoins de ces scènes de nos jours. Spécialement (quand c’est rattaché) à la mafia sud-africaine qui est derrière celle de PayPal. Rappelez-vous, ces gens ont grandi avec l’apartheid dans la tête.

Mais, permettez-moi de faire quelques commentaires à propos de Freidrich Merz qui sera le prochain Chancelier allemand si on en croit les sondages. Vous dites qu’il s’est retourné contre E. Musk en l’accusant plutôt correctement d’avoir mis sa plateforme au service de la chefffe de l’AFD. Même s’il est dans la vérité en disant cela, il est probablement la quintessence de l’hypocrisie. Il n’y a pas plus de dix jours, ce leader du CDU qui est en avance en Allemagne, c’est allié à l’AFD pour faire passer au parlement fédéral allemand une résolution xénophobe, raciste, toxique qui visent les requérants.es du statut de réfugié. Ensemble, le L’Union démocratique chrétienne avec l’AFD ; vous devez en avoir entendu parler. Donc c’est le même homme qui deviendra Chancelier d’Allemagne qui accuse E. Musk d’avoir ouvert sa plateforme à l’extrême droite allemande alors qu’il a déjà couché avec elle.
Voilà où nous en sommes. Nous sommes maintenant pris.es dans cette diabolique alliance entre les centre droit et l’extrême droite. Et je crains vraiment qu’après les élections fédérales nous soyons dans la même situation qu’en Autriche ou dans les Pays bas : l’extrême droite et le centre droit poussent l’échiquier politique de plus en plus profondément dans la misanthropie utilisée comme une arme.

A.G. : Melanie Schweizer, vous êtes candidate pour le Parti MERA25 qui est un nouveau parti. Expliquez-nous ce que signifie le soutien d’E. Musk à l’AFD ?

M.S. : D’accord. MERA25 est un parti relativement nouveau. Il a été créé en 2021 en Allemagne. C’est donc la première élection fédérale à laquelle nous prenons part. C’est un parti socialiste, internationaliste et anti impérialiste. Il a été fondé dans la foulée du Mouvement européen pour la démocratie’25 (DiEM25). C’est un parti qui est résolument contre la militarisation. Nous pensons que nous avons besoin d’un mouvement politique mais en dehors des politiques, pour combattre les va-t-en-guerre dont nous entendons les discours, la préparation à la guerre. On se sent de plus en plus dans l’atmosphère de 1984, (le livre).

Ici, ce que nous voyons c’est aussi une instrumentalisation de notre passé, de notre histoire. L’antisémitisme et la raison d’État sont utilisés comme arme contre le peuple qui s’objecte à cette machine de guerre, qui veut mettre fin à la livraison d’armements. Entre 60 et 70% des Allemands.es ne veulent plus que des armes soient livrées à Israël. Tous les Partis présents au parlement le veulent aussi, ils soutiennent cette position. Mais ils ne respectent pas leur électorat, ils ne les représentent plus.

Et c’est la même chose … aujourd’hui l’idée que l’antisémitisme est un enjeu arabe ; nous avons abandonné notre histoire autour de ce sujet. Et voilà qu’arrive Elon Musk avec son salut nazi. Ça a été minimisé et on n’a pas nommé le geste correctement. Mais, en Allemagne, quand les gens défendent les droits des Palestiniens.nes, leur droit à la vie, à la dignité, ont les traitent d’antisémites.

Donc, ce qui se passe en ce moment c’est vraiment le fascisme en temps réel. Et ça empire de jour en jour ; ça devient vraiment apeurant, préoccupant. Et les médias sont complices de tout ça. Parce que nous sommes clairement contre et guerre et son mouvement, nous n’avons aucun espace pour nous exprimer dans les médias. Ils ne nous donnent aucune couverture durant cette campagne électorale. Donc, comme Parti contre le mouvement belliciste, nous sommes marginalisés et menacés par la police également. On nous a informés que si nous organisions n’importe laquelle activité politique à Berlin, nous devrions les en aviser.

Qu’E. Musk travaille main dans la main avec L’AFD, ça dit aussi quelque chose des développements globaux. Mondialement, nous allons vers le fascisme. C’est ce qui fait que le gouvernement israélien peut parler comme il le fait en ce moment. C’est un gouvernement d’extrême droite fasciste. Tout cela avance de concert.

A.G. : Merci à vous deux. (…)

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