« Donald Trump est désormais président des États-Unis. Depuis le jour de l’An, des voisins, des amis, des inconnus (surtout des femmes) rencontrés au hasard des jours me parlent de leur inquiétude devant l’arrivée de cet homme vindicatif, sexiste, raciste, mythomane à la tête des États-Unis. Je sens chez ces personnes beaucoup de désarroi et surtout, une tentation : se réfugier dans des petits bonheurs quotidiens et attendre que l’orage passe. »
Mais, face à ce climat d’incertitude, la gauche reste assez muette. Au Canada, c’est Jean Chrétien qui, de ses 91 ans, écrit aux Canadiens et Canadiennes pour tenter d’éviter que le bateau libéral ne coule trop vite. C’est aussi Doug Ford qui apparaît comme le capitaine Canada avec sa casquette « Le Canada n’est pas à vendre ». C’est donc autour des partis politiques bourgeois que se concentre une vision d’unité. Mélany Joly l’a dit : c’est le temps de s’unifier. Et cette nécessaire unification pour préserver l’espace canadien dérange les plans politiques de Polievre et Paul St-Pierre Plamondon.
La gauche quant à elle demeure silencieuse et sans perspective face à cette unité des forces politiques bourgeoises.
En ce sens, la lettre de Françoise David brise la glace. Ce qu’aurait dû faire Ruba Ghazal et Qs.
Elle place bien, dans un premier temps, les dangers réels des changements idéologiques qui peuvent pervertir nos valeurs sociales.
« Les politiques de Donald Trump s’appliquent surtout aux États-Unis. Pourquoi devrions-nous résister à ce tsunami de droite, voire d’extrême droite ? Parce que les courants de pensée qui prennent de l’ampleur chez nos voisins finissent souvent par nous contaminer. Comment agir ? Par une résistance active. »
Ensuite, elle aborde la situation sociale à partir des inégalités qui se creusent.
« Je n’en peux plus de ces discours qui appellent soi-disant à la raison, mais qui, en fait, favorisent toujours les mêmes : les gens bien nantis, assis sur leur fortune, capables de se donner des services privés en santé, par exemple, mais qui rechignent devant le moindre effort fiscal additionnel. »
Elle mentionne différentes situations d’injustice sociale et touche particulièrement la question environnementale. Elle l’aborde avec une grande clairvoyance des enjeux majeurs :
« Un mot commence à m’horripiler : adaptation. Il faut, disent les politiciens, s’adapter aux changements climatiques. Évidemment. Mais il faut surtout et de toute urgence combattre ces changements par tous les moyens possibles. Cela suppose du leadership, de la volonté, du courage de la part de celles et ceux qui savent quoi faire, mais n’osent pas le proposer.
Ils prétendent que la population n’est pas prête à modifier des comportements néfastes pour l’environnement. Il est vrai que tout changement est un défi. Mais avec ce genre de raisonnement, les féministes québécoises n’auraient jamais combattu le patriarcat, les lois sexistes, les comportements machos. Elles l’ont fait, en ont parfois payé le prix, mais peuvent se réjouir aujourd’hui de n’avoir jamais capitulé, car leurs luttes ont largement porté leurs fruits. Même s’il s’agit d’un combat à poursuivre. »
Après avoir bien placé l’analyse sociale, elle présente des initiatives pour se mobiliser :
« Agissons pour que le Québec demeure et soit de plus en plus une terre où il fait bon vivre ensemble ! Répondons aux discours discriminants, marginalisants. Engageons-nous dans des organismes communautaires, syndicaux, écologistes, féministes, antiracistes. Soutenons celles et ceux qui se battent pour l’avenir de la prochaine génération, Mères au front ou les éducatrices en CPE, par exemple. Donnons du temps dans notre communauté.
Opposons au défaitisme une mobilisation sociale et politique nationale, rassembleuse et forte. Les grands mouvements sociaux ont la capacité de l’organiser, ils l’ont démontré par le passé ! »
Cet article de Françoise David a donc comblé un vide dans la gauche au Québec. Mais il nous faut nous poser la question :« Pourquoi Qs n’a pas écrit un tel texte ? » Bernard Rioux, dans son article « Les-défis posés à la gauche par le nouveau cours de l’imperialisme-americain » pour Presse-toi à gauche montre bien comment Qs pose la situation :
« Pour ce qui est de Québec solidaire, sa porte-parole Ruba Ghazal a fait sa suggestion, qui s’inscrit dans le cadre d’une éventuelle guerre commerciale : « Dans le cadre des tensions commerciales, un gouvernement solidaire n’hésiterait pas à agiter des hausses de prix importantes de l’électricité vendue sur la côte est américaine pour se faire respecter. Le Québec doit se tenir debout devant Trump. Ce n’est pas à coup de taxes sur le jus d’orange qu’il va nous prendre au sérieux. » [6] Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette suggestion se colle aux modalités d’une politique commerciale et ne cherche nullement à mettre le peuple québécois dans le coup. Même lorsqu’elle évoque l’indépendance, la prise de position de Québec solidaire reste engoncée dans une logique de politique commerciale : « Un Québec indépendant pourrait mettre ses intérêts au cours de ce bras de fer commercial, avec l’hydro-électricité comme principal levier de négociation, et s’assurer que les emplois et l’économie du Québec soient protégés. »
Aucune critique argumentée du projet de l’extrême droite trumpiste, aucune dénonciation de la politique environnementale désastreuse qu’il promeut, aucune dénonciation de ses projets d’expulsion des personnes migrantes, aucune critique de la réaction du gouvernement de la CAQ et du PQ en matière d’immigration face aux politiques d’intimidation de Trump. Pourtant, il nous apparait impératif d’opposer une réponse globale au cours actuel de l’impérialisme trumpiste dans le contexte actuel. »
Les perspectives tracées par Françoise David sont en fait les perspectives que doit développer un parti de la rue. En parlant d’adaptabilité et de population pas prête à changer, madame David touche ici des cordes sensibles d’une approche purement électoraliste : il faut plaire à la population, reprendre ce qu’elle demande, adapter notre programme, pas être trop dogmatique. En fait, cette approche efface l’image de Qs, ce pour quoi il a été créé : refléter les revendications des mouvements sociaux. Les dernières prises de positions du parti à l’Assemblée nationale ont créé bien des remous dans les groupes communautaires. Qs y a perdu des plumes et des militantes et militants. Pas étonnant qu’il ne soit pas en mesure de répondre aux angoisses actuelles et de développer des mesures anti-trumpistes.
Merci madame David d’avoir allumé une petite bougie d’espoir avec votre texte.
Peut-être que Qs pourrait le distribuer à ses membres pour discussion ? Et je vous invite à lire le texte de Bernard Rioux dans Presse-toi à gauche https://www.pressegauche.org/Les-defis-poses-a-la-gauche-par-le-nouveau-cours-de-l-imperialisme-americain
Ginette Lewis
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d’avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d’avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre
Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d’aide financière à l’investissement.
Un message, un commentaire ?