Édition du 17 décembre 2024

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Le Monde

L'extraction de matières radioactives va-t-elle être relancée en France sous couvert d'un nouveau code minier ?

tiré de : Coordination antinucléaire du sud-est (France)

Fin septembre, une proposition de loi parlementaire a été déposée à l’Assemblée Nationale* dans la plus grande discrétion et le silence assourdissant des médias. Elle vise à relancer en France l’activité extractive minière en satisfaisant les industriels qui exigent de simplifier les procédures à l’image du modèle états-unien. La voie est ouverte aux pires contaminations et destruction de territoires.

Initiée par le chef d’entreprise et ex-ministre du redressement productif Arnaud Montebourg, puis poursuivie par le banquier et ex-ministre de l’Économie Emmanuel Macron, une tentative de relance de l’activité minière en France est dans les cartons des industriels, du BRGM (Bureau de Recherche Géologique et Minière) et les antichambres du pouvoir. Il s’agit (1), sous couvert d « adaptation du code minier au droit de l’environnement » d’autoriser ce qui se pratique aux états-unis : privatiser le sous-sol du pays, extraire n’importe quoi n’importe où et à tout va.

La loi française stipule jusqu’à présent que l’État est propriétaire du sous-sol et seul à pouvoir déléguer à un industriel le droit d’exploration et d’exploitation minière par l’obtention d’un titre minier. Aux états-unis le sous-sol, quasiment jusqu’au noyau terrestre, appartient à celui qui possède le sol et il en fait ce qu’il veut, quitte à détruire, polluer et contaminer toute la vie alentour. Ainsi un peu partout fleurissent aux USA des puits de gaz de schiste, des extractions minières, des activités polluantes et destructrices que l’on retrouvent jusqu’au robinet d’eau intérieur des habitations.

Imposer à la France le modèle US

L’actuel projet de loi déposé par les membres du groupe socialiste-écologiste-républicain et apparentés vise à aligner la France sur les USA. Son article L.113.1 prévoit ainsi que « la détention d’un titre minier n’est pas nécessaire pour l’exploration minière lorsqu’elle est réalisée (...) par le propriétaire de la surface (…) après déclaration à l’autorité administrative compétente de l’État » (1). Cette exploration/exploitation aurait ainsi lieu sans qu’il n’y ait un dossier à instruire. Sans que les voisins n’aient leur mot à dire, sans consultation démocratique réelle préalable. La loi de la jungle à tout va. La radioactivité du sous-sol sera remontée en surface, les terrils de déchets mortels parsèmeront le territoire.

Il ne s’agit donc pas d’un simple toilettage réglementaire ou d’un catalogue de bonnes pratiques juridiques entre l’État et les industriels, mais de graver dans le marbre que les activités privées sont supérieures au bien public et que la collectivité devra se soumettre au primat du pouvoir patronal industriel et énergétique. La garantie à vie de sa domination sur les sociétés humaines sans que quiconque ne puisse les remettent en cause : les traités transatlantiques Tafta et Ceta déclinés au sol et au sous-sol terrestre. Au monde nucléaire.

De précédentes tentatives sordides

Déjà en 2011 des permis de fracturation du sous-sol avaient été signés en toute opacité (mais en toute légalité) par l’ancien ministre de l’Ecologie et de l’Energie Jean Louis Borloo, sous le gouvernement Fillon. Des habitants découvraient alors qu’un peu partout en France, des entreprises privées s’apprêtaient à fracturer le sous-sol pour en extraire gaz de schiste, pétrole et quelques « matières annexes » tel l’uranium, le thorium et autres produits radioactifs. Sans le dire officiellement.

Les menaces environnementales et le coup de force avaient conduit à un mouvement de révolte et de résistance des populations locales. Mouvement qui se prolonge depuis cinq ans en des situations de proximité tels à Sivens, Notre Dames Des Landes, Roybon, Ferme des 1000 vaches,...

De gouvernement en gouvernement : la servilité au patronat

L’actuel projet de loi, tout comme la stratégie du patronat des énergies fossiles (uranium, gaz de schistes, pétrole) et des politiciens à leur dévotion, vise à favoriser toujours plus la financiarisation et le libéralisme anti-démocratique. Faire en sorte que les décisions des autorités, conformes aux projets du patronat industriel, soient actées le plus rapidement possible, en dépossédant les populations de leur droit de regard effectif sous couvert d’une simple « consultations numériques » - a-posteriori et non préalable - et limitée localement.

Il est vrai que la radioactivité s’arrête gentiment aux frontières administratives du département ou du pays tout comme les impacts des autres pollutions ! Un coup de force permanent va être légalisé, avec à sa clef la non-responsabilité des exploitants pour les malades, les victimes sanitaires, les morts. Les politiciens institutionnalisent le mensonge du « nuage de Tchernobyl arrêté à la frontière ».

Concrètement un groupe financier ou industriel, ou un margoulin, pourra créer une société qui achètera quelques hectares de terre quelque part en France puis déclarera à l’administration qu’il veut explorer le sous-sol. Bingo ! Si c’est un « faux-nez » il n’a plus qu’à vendre à Areva ou à Total son terrain et l’affaire est dans le sac. Si c’est directement une société minière : ça fonctionne aussi. L’exploitation de l’uranium ou du métal rare ou du gaz de schiste est lancée. D’autant que le patronat vise un potentiel fou : pas moins de 5.000 lieux (mines, carrières,..) et l’extraction de possibles millions de tonnes de minerais de toutes espèces (3) dont les radioactifs.

Pour mieux enfoncer le clou, l’article L.116.2 du projet de loi stipule que « la politique nationale des ressources (...) dont l’objectif est de déterminer les orientations de gestion et de valorisation des ressources connues ou estimées pour servir l’intérêt économique des territoires et de la nation. » est inscrite dans le code minier. Une simple notice en annexe précisera « les techniques d’exploration et d’exploitation envisageables des substances identifiées, ainsi que les impacts associés et les moyens de les réduire... ». Et si ce n’est pas assez clair l’article 116-5 met les points sur les i : « Les décisions administratives prises en application du présent code ne peuvent être refusées au motif […] qu’elles ne s’inscrivent pas dans les orientations de cette politique. » La boucle est bouclée. Pile ils gagnent, face tu perds.

L’État se voit interdit de refuser un quelconque permis de forage et minier à Areva ou à n’importe qu’elle société minière. Inutile donc d’envisager un recours devant un tribunal, même arbitral style « Tafta » (4). Et pour que le système dictatorial économique soit bien compris : si l’administration tarde à répondre à une demande de prolongation ou de mutation d’un permis d’explorer, celui-ci sera automatiquement accordé, muté ou prolongé. L’administration aux ordres des dominants n’aura donc qu’à laisser dormir le dossier, ou bien le personnel réduit et supprimé, et le tour sera joué.

Pour donner le change...

Tout comme l’activité des installations nucléaires génère des contaminations et provoque des dégâts sanitaires sur les populations et ce sur plusieurs générations, tout en générant des déchets mortels pour des milliers d’années, l’extraction de l’uranium actuellement effectuée par Areva au Niger et au Kazakstan ou au nord-Canada pourra être relancée en France sans autre considération. Avec les mêmes conséquences délétères et mortelles sur l’environnement, sur les travailleurs et sur la population que dans ces pays-là. Car comme le concède le responsable du bureau de la gestion et de la législation des ressources minérales au ministère : « la mine propre n’existe pas... une mine a toujours un impact sur les populations, l’environnement, elle transforme toujours un territoire ».

Alors pour donner le change, la proposition de loi entérine le crime et propose de tenter d’en limiter les impacts environnementaux ou de prévoir une réparation des dommages. Mais après coup. Du sinistre greenwashing pur jus. Mais qui détient la grille d’évaluation d’une contamination radioactive inter-générationnelle, et celle d’une nappe phréatique ou de la chaine alimentaire pour des siècles ? Qui détermine la valeur d’une vie ? Et combien de procès faudra-t-il intenté et de milliers d’euros dépenser pour espérer réparation ?

Ce projet de loi, et d’autres à venir, révèle la volonté d’institutionnaliser le dispositif sordide de gestion des populations suite à la catastrophe nucléaire inéluctable à venir (Codirpa).

Résistance.

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(1) http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/propositions/pion4043.pdf

(2) http://www.mpe-media.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1633:mines-conferences-france&catid=37:actus-en-libre-acces&Itemid=18

(3) http://www.usinenouvelle.com/article/metaux-critiques-ne-pas-passer-du-peak-oil-au-peak-all.N335446

(4) https://blogs.mediapart.fr/claude-taton/blog/141116/un-futur-code-minier-qui-fait-mieux-que-tafta

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