Édition du 17 décembre 2024

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COP21

Au-delà des belles paroles : le Québec à la COP21

La première semaine de la 21e Conférence des parties (COP21) terminée, il ne reste que cinq jours aux chefs d’État pour s’entendre sur les principaux points de discorde qui subsistent, soit le partage des efforts de réduction, l’aide aux pays en développement et le caractère contraignant d’un éventuel accord. Cependant, au-delà des beaux discours, ce que l’on constate est que le vrai changement – avant, pendant et après les négociations – dépend d’abord et avant tout de la capacité des mouvements sociaux locaux à mettre de la pression sur leurs élu.e.s. Le premier ministre Philippe Couillard, le ministre de l’Environnement David Heurtel et le reste du gouvernement n’y échappent pas. Or, dans quelle mesure leurs belles paroles sont-elles cohérentes avec leurs actions à domicile ? Sur quels enjeux peuvent-ils s’attendre à être talonnés par les groupes sociaux ?

Tiré du site de l’IRIS.

La cible de réduction de 37,5 %

Il faut d’abord reconnaître qu’avec sa cible de réduction de 37,5 % à l’horizon 2030, le Québec ne se présente pas les mains vides devant le reste du Canada et devant la communauté internationale. Bien que cette cible soit intéressante lorsque l’on se compare avec le reste du continent nord-américain, nous sommes tout de même en queue de peloton par rapport aux pays de l’Union européenne, qui ont adopté des cibles de réduction de 40 % et plus. D’autre part, au-delà du jeu des comparaisons, la cible du Québec demeure objectivement insuffisante pour respecter la limite sécuritaire de 2°C (comme c’est aussi le cas pour la quasi-totalité des pays développés, incluant l’Union européenne). Nous avons calculé que pour respecter son budget carbone de même que les 2°C, le Québec devrait plutôt viser une cible entre 42 % et 53 % d’ici 2030.

Le gouvernement change de ton sur Anticosti

Les prises de position récentes du premier ministre Couillard, qui cherche désormais à se dissocier de l’exploitation pétrolière sur l’île d’Anticosti, sont surprenantes et bienvenues. Il n’est pas interdit de penser que ce changement de cap puisse découler de la dernière évaluation environnementale stratégique (ÉES) commandée par le gouvernement. Cette ÉES, en usant de divers stratagèmes méthodologiques étriqués, a offert une analyse de rentabilité fort peu convaincante. Mais malgré ce changement de ton du gouvernement, les forages exploratoires ne sont pas stoppés et le gouvernement n’a aucunement annoncé de plan pour un retrait éventuel de sa participation dans Hydrocarbures Anticosti, Junex et Pétrolia.

Quelqu’un a dit « désinvestissement » ?

Autre grande absente des annonces et discours officiels : l’essentielle question du désinvestissement par la Caisse de dépôt et placement de ses actifs dans les combustibles fossiles, incluant les sables bitumineux. Refuser de demander à la Caisse qu’elle désinvestisse est une décision non seulement difficile à défendre au plan moral, mais aussi financièrement très risquée. Cela pourrait conduire à l’éclatement d’une bulle carbone et la génération d’actifs échoués dans le portefeuille de la Caisse. Après le triste épisode des papiers commerciaux, a-t-on besoin d’un nouveau trou dans le bas de laine des Québécois.es ?

L’évaluation tronquée d’Énergie Est

Mais le principal point d’achoppement de l’action environnementale du gouvernement Couillard demeure le mandat tronqué confié au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) pour l’évaluation du projet Énergie Est. Le gouvernement était pourtant bien engagé, ayant appuyé en novembre 2014 une résolution unanime de l’Assemblée nationale, qui réclamait que soit incluse au mandat du BAPE « la contribution globale du projet Énergie Est aux changements climatiques et aux émissions de gaz à effet de serre ». Mais ô surprise : tout juste un mois plus tard, le premier ministre changeait son fusil d’épaule suite à une visite spéciale du premier ministre de l’Alberta de l’époque, Jim Prentice.

L’adoption récente par le nouveau gouvernement albertain d’un plafond d’émissions de GES pour les sables bitumineux d’ici 2030 est certes une bonne nouvelle, mais attention : la production des sables bitumineux est loin d’être plafonnée d’ici là (ni même après 2030 – car si la production devient moins polluante, celle-ci peut continuer à croître même si les émissions sont plafonnées). Sachant que les émissions du Canada outrepassent déjà largement son budget carbone, le désenclavement massif du pétrole des sables bitumineux semble quelque peu difficile à concilier avec les beaux discours entendus dans les salons feutrés de Paris…

Renaud Gignac

Chercheur à L’IRIS

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