Édition du 25 mars 2025

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Arts culture et société

Musique. En Patagonie, les groupes de metal font revivre les cultures autochtones

Aux confins de l’Argentine, la musique metal n’est pas qu’un exutoire. Le “metal patagón” s’inscrit aussi dans un processus de réappropriation de l’héritage indigène, souligne le magazine d’anthropologie “Sapiens”.

Tiré de Courrier international. Légende de la photo : Le groupe de métal Neyen Mapu joue de la trutruca, un inst5rument traditionnel mapuche, dans le clip de son morceau "Paso de indios". Capture d’écran Youtube/Neyen Mapu.

Death, doom, power, nu, black… Il existe de nombreux sous-genres dans la musique metal, eux-mêmes divisés en diverses sous-catégories. Ceux précités sont parmi les plus célèbres, mais connaissez-vous le metal patagón ? Comme son nom l’indique, ce dernier a pour berceau la Patagonie, immense territoire à cheval entre le sud de l’Argentine et le sud du Chili.

Ce courant du metal “a émergé dans le sud de l’Argentine [et] mêle le metal national argentin avec la musique folklorique de Patagonie”, explique Erin Wheeler Streusand. Cette anthropologue linguistique (et amatrice de metal) y consacre un article très documenté, paru dans le magazine scientifique Sapiens.

Réappropriation culturelle

Venu d’Europe et des États-Unis, le metal s’est implanté un peu partout. Il n’est donc pas surprenant d’en trouver des pratiquants en Patagonie. Ce qui est notable avec le metal patagón, note la chercheuse, c’est sa contribution à l’autoreconocimiento (“autoreconnaissance”), processus par lequel les peuples autochtones de Patagonie se réapproprient leur histoire et leur culture, invisibilisées et discriminées en Argentine.

Comme le rappelle l’article de Sapiens, la Patagonie a été colonisée tardivement – et brutalement – lors de la “conquête du Désert”, menée par l’armée argentine à la fin du XIXe siècle. Des milliers d’Amérindiens, notamment du peuple mapuche, ont été tués ou déplacés. Et la vision de “l’Argentine comme une nation blanche d’immigrés européens” est bien ancrée.

Langues, instruments et mobilisations

À l’arrivée du metal en Argentine, dans les années 1980, retrace Erin Wheeler Streusand, “les musiciens de la classe ouvrière patagonienne ont trouvé [en lui] un puissant moyen pour exprimer leur mécontentement à l’égard des difficultés économiques, des gouvernements déconnectés de la réalité, de l’effacement des populations autochtones et de l’isolement de leur région par rapport au reste du pays”.

Les groupes de metal patagoniens, avec comme pionniers Aonikenk, notamment (voir ici), avaient des inspirations musicales diverses mais se sont retrouvés dans leur volonté de redécouvrir et de transmettre leur héritage indigène. On l’observe dans les esthétiques, les noms et les paroles en langues mapudungun ou tehuelche chantées par certains groupes, comme Awkan.

Les chansons abordent l’histoire des peuples autochtones de Patagonie mais aussi des événements contemporains, comme la mobilisation des Mapuche contre les projets d’extraction minière sur les terres de leurs ancêtres.

Musicalement, des instruments traditionnels comme le kultrun, un tambour de cérémonie, ou la trutruca, instrument à vent que l’on peut entendre dans ce morceau de Neyen Mapu, sont fréquemment utilisés :

“Je ne sais pas pourquoi le metal s’accorde si bien avec le folklore patagonien”, se demande Rogelio Calfunao, grand promoteur de la musique patagonienne qu’a rencontré Erin Wheeler Streusand. Avant de donner lui-même des éléments de réponse : “À cause des paroles, de la rébellion, de la puissance.”

Maxime Bourdier

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