par Mustapha Saha
Faïrouz signifie en arabe turquoise, le vert et le bleu, la terre, la mer et le ciel, la nature dans sa splendeur qu’elle louange sur un poème de Gibran Khalil Gibran, Aâtini Al Nay Wa Ghanni. La voix de Faïrouz s’élève crescendo, s’envole, s’insuffle de lyrisme ensorceleur. « Prête-moi ta flûte et chante. La chanson de l’existence. Les larmes attachantes. Quand pointe la pénitence. Déserte les fastueux manoirs. Habite les bois sauvages. Fuis les mortels laminoirs. Pour inaccessibles rivages. Étends-toi près d’un cépage. Bois son nectar dans ta main. Déguste ton livre page par page. Sans penser au lendemain. Offre-toi vital intermède. Endors-toi sous tranquille bouleau. Oublie le mal et son remède. La destinée n’est qu’une ligne sur l’eau » (Adaptation personnelle en français).
Faïrouz chante la Palestine génocidée, le Liban homicidé, la Terre sainte fratricidée. Elle incarne l’âme arabe, au-delà des confessions, des générations, des frontières. Elle chante pour les peuples, non pour les dirigeants. En janvier 2023, elle assène une gifle magistrale aux autorités saoudiennes au nom des droits humains. Elle refuse de s’associer au concert du siècle, regroupant, moyennant des valisettes de dollars, les stars arabes de la chanson, les libanaises Nancy Ajram et Elissa, les syriens Georges Wassouf et Assala Nasri, la tunisienne Latifa Afraoui, qui remplissent les théâtres et les stades à chaque prestation. Pendant la guerre civile libanaise entre 1975 et 1990, elle reste à Beyrouth déchiré par les roquettes. Légende vivante, elle impose le respect à toutes les parties.
Au répertoire de Faïrouz, les grands poètes, Gibran Khalil Gibran (1883-1931), Ahmed Chawki (1868-1932), Saïd Akl (1912-2014). Elle passe rarement sur scène. Son dernier concert remonte à 2011. Ses compositeurs, son époux Assy Rahbani, son beau-frère Mansour, Rahbani, son fils Ziad Rahbani dépoussièrent le folklore arabe avec des comédies musicales, des opérettes politiques, des sonorités latino-américaines, jazzy. Ils brassent allègrement mélopées traditionnelles, harmonies symphoniques, rythmes africains. S’anticipe la World Music, dès 1957, dans le légendaire concert au milieu des ruines de Baalbek, réédité, par bonheur, en 2020. En 1959, s’exacerbent les sortilèges moyen-orientaux dans Ya Maleya Ala ghossoun, sur rythmique boléro. La magie vocale de la diva s’agrémente, par la suite, d’airs de flamenco, de tango, de mambo. Les imams crient au sacrilège. L’inspiration vient peut-être du film Et Dieu créa la femme de Roger Vadim avec la danse endiablée de Brigitte Bardot. Le sex-symbol ne se montre pas. Il se vocalise. 1964, La voix de Faïrouz s’élève crescendo, s’envole, s’insuffle de lyrisme ensorceleur. Après la défaite de 1967, Chanson mythique à Jérusalem, Al Qods, La Fleur des cités. Nous reviendrons un jour, hymne de la cause palestinienne. Depuis le génocide des gazaouis et le déluge de bombes sur le territoire libanais, les internautes inondent les réseaux sociaux de chansons de Faïrouz.
En juillet 1970, Faïrouz se produit à Rabat et à Casablanca. Elle crée une chanson à la gloire du peuple marocain, jamais audiovisuellement diffusée. Il serait opportun de remettre en circulation cette rareté.
Mustapha Saha
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Faïrouz. Par Mustapha Saha.
Peinture sur toile.
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