Édition du 18 février 2025

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Arts culture et société

Malgré la guerre, le rap soudanais fait parler de lui

Malgré la guerre qui fait rage au Soudan depuis maintenant presque deux ans, une vingtaine de rappeurs soudanais se sont rassemblés pour produire des morceaux inédits via le projet Rap Shar3 (Rap de Rue).

Tiré du blogue de l’auteur.

Le projet Rap Shar3 est un projet pionnier porté par un activiste du rap d’origine égyptienne Black B (« Blvckb17 »), et qui a pour objectif de faire connaître et promouvoir la scène rap de différents pays et communautés arabophones. La chaîne youtube du projet est suivie par plus de 300 000 personnes, et propose de mettre en lumière des communautés de rappeurs chaque fois différentes : Egypte, Palestine, Arabie Saoudite, et plus récemment Libye. Ils ont consacrés deux épisodes (chaque épisode en deux parties) au rap soudanais [écouter ici : Rap Soudan partie 1 et partie 2, Rap Egypte vs Soudan partie 1 et partie 2].

Le rap soudanais et plus globalement la musique afro/pop/trap soudanaise est une scène très active depuis de nombreuses années, avec des artistes connus à l’international comme MaMan, Soulja, MarSimba, Hleem Taj Alser, Walgz, Rotation, TooDope ou encore O’d.

Mais là ce que propose Rap Shar3 est de faire connaître des rappeurs de la scène underground soudanaise et du rap engagé. Une vingtaine d’artistes et rappeurs soudanais se succèdent pour proposer des morceaux d’une très grande qualité, et des paroles souvent bien acérées, sur des prods originales faites aussi par des artistes soudanais (Mshakil Beats notamment). Des artistes et rappeurs obligés de fuir le Soudan depuis le début de la guerre en avril 2023, de faire leur musique avec très peu de moyens, dans l’ombre, parfois sans permis de séjour ni permis de travail, majoritairement en Egypte et au Ouganda ; d’autres aussi se sont installés en Arabie Saoudite et essaient de créer des liens avec les artistes sur place. Le projet Rap Shar3 montre aussi cette solidarité et cette entraide entre les rappeurs de plusieurs pays et communautés, et les morceaux qu’il propose là sont une victoire, une revanche, le résultat de ces rencontres.

Le premier épisode, sorti il y a un an, s’appelle « Rap de Rue Soudan 249 ». Blvckb17 annonce au début de l’épisode : « la guerre qui a lieu au Soudan ne vaut pas moins que la guerre qui a lieu en Palestine ; j’ai voulu vous proposer d’écouter les gars venus eux-mêmes du Soudan, pour qu’ils vous disent la réalité de ce qu’ils vivent ».

Ensuite il lance, comme un slogan, « rap de rue », qui est repris par le groupe derrière lui. « Rap de rue » c’est véritablement un slogan politique parce que le rap est un moyen d’expression puissant, et quand le fait même de pouvoir faire ce rap est un combat, sans studios, peu de moyens, en exil comme sur place. Le rap est une industrie où les hiérarchies coloniales, les jeux de pouvoir et d’argent, et les pressions de censure politique, sont forts. Sortir du rap dans ce contexte, est une lutte et une victoire. Une chanson est une arme, parce que ses mots sont écoutés, sont repris, font écho, créé d’autres mots. Cet épisode fait actuellement plus d’un million de vues, un vrai coup de projecteur sur le rap soudanais.

Les paroles montrent l’engagement des rappeurs soudanais et expriment le cri d’une jeunesse dont les espoirs ont été en partie détruits par la guerre mais qui souhaitent se battre pour une vie meilleure et la justice.

Le second épisode, sorti il y a quelques mois, est consacré à une mise en scène d’un battle de rap entre Egypte et Soudan. Au début de l’épisode, quand Blvck17, qui présente l’épisode, leur demande ce qui fait la spécificité du rap soudanais, les artistes parlent du fait justement de devoir se battre pour que leur musique existe et que leurs morceaux continuent de sortir, malgré les difficultés. « On est des battants » dit un des rappeurs. Un autre évoque aussi la grande richesse et diversité du rap soudanais, avec une culture de plus d’ « une centaine de couleurs » de musique, des inspirations très variées, de la culture populaire, aux sonorités arabes et africaines, mais aussi aux emprunts de la culture américaine et anglaise du hip-hop et drill. Dans cet épisode, on retrouve des artistes plus célèbres, comme MaMan ou Awab The Rapper.

Et les internautes, qui viennent des quatre coins du monde arabe et des diasporas, affichent leur soutien à la scène rap soudanaise dans les commentaires. Les avis sont formels (notamment si on regarde les résultats du sondage proposé par la chaîne en commentaire) : si compétition il y a entre les artistes égyptiens proposés, et les artistes soudanais proposés, c’est le Soudan qui l’emporte, sans aucun doute. La créativité, la technique, la manière de poser, la cohésion des groupes, le rap soudanais a prouvé, encore une fois, son talent et sa puissance.

Dans notre prochain article, on vous propose la traduction de deux morceaux en particulier qui ont attiré notre attention.

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