Tiré de Facebook
Rappelons que QS a été fondé, partiellement, par des féministes voulant transformer la politique. En l’an 2000, dans le cadre de la Marche mondiale des femmes, des féministes étaient mobilisées pour contrer les inégalités créées par le néolibéralisme patriarcal et la violence à l’égard des femmes. Le gouvernement provincial de l’époque n’a pas pris au sérieux cette mobilisation sans précédent, une attitude qui a été reçue comme une gifle. Au point où, lors du rassemblement final de la Marche, Françoise David, alors porte-parole, s’est demandé si nous, les féministes, devions entreprendre des actions de désobéissance civile ou bien fonder un parti politique féministe de gauche pour enfin être entendues.
J’étais parmi les centaines qui ont opté pour la création d’un parti politique féministe. Non pas pour remplacer un mouvement féministe contestataire et autonome, mais pour transformer le paysage politique de manière à ce que les ambitions féministes soient mieux accueillies. Si le pouvoir nous marginalise, changeons le pouvoir !
En créant un parti né de la fusion entre deux organisations aux cultures différentes, soient Option citoyenne, associée davantage aux féministes, et l’Union des forces progressistes, associée davantage à la gauche politique, nous avions deux défis féministes à relever : implanter une culture et des pratiques féministes au sein du nouveau parti et éradiquer le sexisme de la politique. L’objectif de tout cela était de donner leur juste place aux analyses féministes dans les politiques économiques, écologiques, en éducation, en développement régional, en santé et dans les rapports avec les Premiers Peuples, etc. C’était l’heure de décloisonner le féminisme, pour le voir réellement comme un projet de société.
Force est de constater que ces défis demeurent d’actualité. Malgré certains progrès, QS semble traverser une crise quant à son engagement féministe et la politique demeure conservatrice et inégalitaire.
On aurait pu penser qu’un parti féministe ferait mieux. Or, les théories féministes portant sur le fonctionnement des institutions nous rappellent qu’il n’y a rien de naturel à vouloir fonctionner de manière féministe dans un milieu marqué historiquement par des rapports sociaux patriarcaux. Chercher à faire autrement implique un travail et une vigilance soutenus, car l’indifférence et la résistance se manifestent à tous les niveaux. Sans un effort important et continuel, le « naturel », c’est-à-dire l’appris, revient au galop. Les hommes reprennent vite la place qu’ils pensent leur être due par leur socialisation.
Même si Québec solidaire se veut féministe, la gauche manque historiquement de pratique en ce domaine. Sa culture institutionnelle (ses analyses, ses pratiques, ses priorités) a longtemps été définie en l’absence d’une pensée féministe. Ce n’est pas en se déclarant féministe que l’on élimine les tendances antiféministes ou l’indifférence au féminisme dans ses rangs. Vouloir être féministe en tant qu’organisation implique de se donner des moyens constants pour que le savoir, l’analyse et les pratiques féministes rayonnent partout. Les hommes comme les femmes doivent porter cette responsabilité.
Analyser en féministes
Trop souvent, on laisse aux expertes du féminisme le soin de faire les analyses ou de signaler les enjeux. Cela peut conduire à une situation où les autres ne développent tout simplement pas ce savoir. Combien de fois voit-on paraître la simple énonciation « et c’est bien pire pour les femmes et les personnes racisées » dans un texte ? Ou encore : on réduit les enjeux féministes à des thématiques de la condition féminine. Pourtant, le féminisme est bien plus que ça. C’est une réflexion critique sur toutes les sphères de la société.
Décider en féministes
L’exercice du pouvoir, vu par le féminisme, est collectif. Par définition, il faut refuser les boys clubs, la concentration du pouvoir et des équipes homogènes. Le processus est souvent vu comme aussi important que le résultat. Vouloir aller trop vite ou miser surtout sur l’efficacité finit par créer de l’exclusion. Qui a le temps de commenter rapidement ? Qui a l’énergie de travailler toujours plus d’heures ? Qui a la confiance pour s’exprimer, avant d’écouter ?
Écouter en féministes
Agir en tant que féministe implique de développer sa capacité d’écoute féministe, c’est-à-dire d’entendre les voix des personnes les plus affectées par le patriarcat, soient les femmes et les minorités de genre. Cela implique également que les hommes ne se pressent pas pour prendre la parole en premier et qu’ils acceptent de ne pas toujours définir les termes de discussion. Écouter en féministe, c’est être attentif.ve à la manifestation des rapports sociaux inégaux et les contrer.
C’est cette qualité qui manque dans le débat actuel. J’ai l’impression que l’on passe à côté des critiques à caractère féministe nommées par Émilise Lessard-Therrien, la Commission nationale des femmes du parti et par Catherine Dorion. En effet, dans le débat actuel, autant Gabriel Nadeau-Dubois que les signataires de plusieurs textes collectifs circulant dans les médias tendent à marginaliser cet enjeu en s’y référant seulement au passage. Continuer dans ce sens serait une erreur de taille, car les crises se répéteront.
Transformer en féministe
Le féminisme noir nous enseigne beaucoup sur les enjeux de la respectabilité. Souvent, au nom du pragmatisme et de la raisonnabilité, on va sacrifier les revendications et les besoins des personnes (dont les femmes noires) pour ne pas déranger. Un parti féministe intersectionnel va assumer le fait de déranger. On ne peut agir en tant que féministe sans se confronter au fait que ni la société, ni la politique sont toujours prêtes à recevoir la critique ou de nouvelles idées.
En tant qu’acteur de changement social, Québec solidaire se doit d’incarner ce à quoi il aspire. Cela se traduit par un engagement féministe clair sur le plan des pratiques, de la culture et des positions. Cela doit se voir et se sentir, même si la norme de la politique au Québec n’est pas à la même place. C’est en incarnant et en pratiquant la différence, notamment féministe, que QS va élargir le champ des possibles. C’est en acceptant d’être hors norme que QS pourra donner de l’espoir dans une époque plutôt inquiétante vu les tendances guerrières, écocidaires, intolérantes et inégalitaires qui se manifestent en ce moment."
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