Les premières mesures du gouvernement de Pauline Marois démontrent que la Première Ministre entend respecter ses promesses. C’est la première bonne nouvelle. En réalité, elle a bien entendu le message du 4 septembre. Plus de 40 % des électeurs et électrices ont voté explicitement pour le changement (PQ + QS + ON). Elle a bien vu aussi que l’impact des carrés rouges était en profondeur, et pas seulement une saute d’humeur des étudiantEs. Elle a bien compris aussi que les formidables mobilisations sur les questions environnementales exprimaient aussi une vague de fonds. Elle a misé sur le fait que la droite malgré les apparences constitue un mélange indigeste de peur, d’insécurité, de sentiments réactionnaires et d’incompréhension. C’est en tout cas l’explication que je vois au « tournant à gauche » du PQ pendant la campagne électorale, lequel débouche sur ces premières annonces. L’aide droite du PQ a pris son trou, y compris des lucides plus ou moins honteux comme le nouveau ministre des finances Nicolas Marceau.
Certes comme le rappelle le professeur François Rocher, la victoire du PQ est « mince » (le résultat du 4 septembre représente son deuxième pire score depuis 1976 !). C’est essentiellement une « partie remise » qui va rebondir dans 18-24 mois.
L’autre bonne nouvelle et dans le fonds, c’est directement lié à ce qui précède, c’est que le discours de QS porte. Pas assez pour faire en sorte, encore, qu’une « vague » ne se réalise, mais assez pour occuper le centre de la scène. En anglais, on dit que le plus important est de « setting the agenda », c’est-à-dire de définir les termes du débat. QS dans une large mesure a réussi à faire cela, sans se substituer aux mouvements et aux mobilisations par ailleurs. Pauline Marois, Jean-François Lisée et d’autres savent que ce n’est pas seulement une question d’arracher des votes à QS (même si le « multipartisme s’est installé en demeure au Québec, dixit F. Rocher), mais aussi d’être en phase avec les secteurs les plus dynamiques de la société.
Que prévoir ? La pression sur le PQ et Marois est et sera énorme : les associations patronales, les deux partis de droite, Ottawa, les « lucides » à l’intérieur du PQ, vont tous dire la même chose : il faut maintenir la politique d’austérité. Lors du prochain budget (vers février-mars), ils vont crier au meurtre contre toutes les mesures visant à changer la très inéquitable fiscalité. Ils vont dire, comme tous les dominants avant eux, qu’un bon gouvernement, c’est un gouvernement « à bon marché ». Qu’on peut faire ce qu’on veut en santé et en éducation en autant qu’on coupe et qu’on continue de privatiser et de marchandiser. Qu’on tienne le discours que l’on veut sur les minières, il n’est pas question de changer les règles du jeu pour le grand pactole du dit « Plan nord ». Bref le discours va rester, « there is no alternative ».
Que faire ? Continuer les initiatives citoyennes, les carrés rouges et le développement de QS comme contre-forces capables de confronter la droite, à l’extérieur et à l’intérieur du PQ. Continuer de briser les barrières entre les générations, entre les régions, entre les communautés. Notre projet est inclusif : surtout pas de « eux » et de « nous » à saveur ethnico-communautaire (y compris au nom d’une interprétation rigoriste et discriminante de la laïcité). Je dis cela en pensant qu’une partie du PQ pense « ressusciter » le projet en jouant sur les « identités » plutôt que de le faire en reprenant la bataille pour l’émancipation nationale et sociale (l’une ne va pas sans l’autre).
Ceux qui disent le contraire et qui suggèrent de s’écraser en attendant que Pauline ne règle les problèmes, se trompent ou pire, nous induisent en erreur.
