
Lettres de prison
Rosa Luxemburg
Traduit de l’allemand
Née en 1871 et assassinée en 1919 lors de la répression de la révolution spartakiste à Berlin, Rosa Luxemburg fut une figure majeure du socialisme révolutionnaire et de l’histoire politique du XXe siècle. Ses « Lettres de prison », adressées de 1916 à 1918 à son amie Sophie Liebknecht, nous révèlent une femme bien différente de ce que je ne m’étais imaginé, une femme qui aimait la vie, la campagne et la nature et d’un redoutable optimisme face à sa situation de prisonnière et à la situation de l’Europe et du monde à l’époque.
Extrait :
Les buffles viennent de Roumanie, et ce sont des trophée de guerre… les soldats qui les conduisent racontent qu’il est très difficile de capturer ces animaux qui vivent à l’état sauvage et plus difficile encore de les dresser à tirer des fardeaux, car ils sont habitués à la liberté. Ils sont roués de coups, à tel point que l’expression « vae victis » prend ici tous son sens… Il doit bien y avoir une centaine de ces animaux rien qu’à Breslau. Ils ne reçoivent qu’une maigre provende, eux qui étaient accoutumés à paître dans les riches prairies roumaines. Comme on les utilise à tirer toutes sortes de fardeaux, ils ne tardent pas à mourir à la tâche. Il y a quelques jours, j’ai vu entrer une voiture pleine de sacs, si chargée que les buffles n’arrivaient pas à franchir les dalles du proche. Le soldat qui les accompagnait s’est mis à les frapper si brutalement avec le manche de son fouet que la surveillante, indignée, lu a demandé s’il n’avait pas pitié de ces pauvres bêtes. « Personne n’a pitié de nous autre hommes !, a-t-il répondu avec un sourire mauvais et il a redoublé de coups. Les animaux ont enfin réussi à franchir le seuil, mais l’un d’eux était en sang… Sonitschka, malgré l’épaisseur et la résistance proverbiale de la peau de buffle, celle-ci a fini par se déchirer. Pendant qu’on déchargeait la voiture, les bêtes restaient là, épuisées, et celle qui saignait regardait devant elle. Son front noir et ses doux yeux avaient l’expression d’un enfant qui a versé d’abondantes larmes. C’était tout à fait l’expression d’un gamin qui a été sévèrement puni, sans savoir pourquoi, sans savoir comment il pourrait échapper à la souffrance, à la brutalité…
L’affaire Tissot - Campagne antisémite en Outaouais
Raymond Ouimet
Raymond Ouimet nous rappelle dans « L’affaire Tissot » une réalité trop oubliée de nos jours, celle des mouvements fascistes et racistes des années trente qui, bien que non représentatifs de la population, exprimaient leur haine à l’égard des Juifs sans beaucoup de retenue. J’y ai appris de nombreux détails sur des sujets qui m’intéressaient beaucoup, entre autres sur l’Ordre de Jacques-Cartier, aussi connu sous le nom de La Patente, et sur des personnages moins connus de notre histoire. Jean Tissot, un policier d’Ottawa, lance une campagne de dénigrement contre les commerçants juifs de la ville. Il reçoit en cela l’appui de membres de l’Ordre de Jacques-Cartier et des fascistes du Parti national social chrétien d’Adrien Arcand…
Extrait :
Chez les notables francophones ottaviens, l’antisémitisme croît parmi les membres de l’illustre Ordre de Jaques-Cartier, organisation secrète fondée en 1926 dans la paroisse Saint-Charles à Ottawa et dont les devises sont : Dieu et Patrie et Religion et Discrétion – Fraternité. Surnommé par ses détracteurs La Patente, l’Ordre a été créé dans la foulée du Règlement 17 et avait d’abord pour buts de contrer l’assimilation, d’assurer un avenir au groupe ethnique canadien-français et catholique et de contrer L’Orange Order. La cellule locale de l’organisation était la commanderie (XC) dont la première à voir le jour a été appelée Dollard (numéro 1, Ottawa). À celle-ci se joignent bientôt quelques commanderies du côté du Québec, dont celle de Hull, le 2 avril 1928, nommée Iberville (numéro 2).

La femme de tes rêves
Antonio Sarabia
Traduit de l’espagnol
Ce bon petit polar nous offre un saisissant portrait du Mexique d’aujourd’hui contrôlé en plusieurs lieux par les narcotrafiquants. Un journaliste sportif du Sol de Hoy a des relations ambiguës avec le monde de sa petite ville où disparaissent à tour de rôle de jeunes hommes que l’on retrouve démembrés quelques jours plus tard. Une inconnue lui écrit également des lettres d’amour qu’elle signe « La femme de tes rêves »…
Extrait :
Tout a commencé, Hilario Godínez, ce matin où, en te rendant au journal, tu es tombé sur Loco Mendizábal en train de mendier sur la Plaza de Armas, abrité du soleil matinal non par les branches des arbres squelettiques mais par l’ombre dilatée de la cathédrale. Il avait récolté quelques menues pièces de monnaie dans ce qui avait été un jour la partie inférieure d’un petit carton ayant contenu des paquets de chewing-gum. Tu en as rajouté quelques-unes. Il t’a regardé de ses yeux vides, sans te dire merci, peut-être même sans te voir, totalement absorbé par le refrain délirant qu’il chantonnait en faisant la manche.

Marie-Antoinette
Stefan Zweig
Traduit de l’allemand
Marie-Antoinette d’Autriche, dernière reine de France, née à Vienne, est morte guillotinée lors de la Révolution française le 16 octobre 1793 sur la Place de la Révolution à Paris. Stefan Zweig nous dresse d’elle un intéressant portrait, celui d’une jeune reine ni sainte. ni royaliste, ni prostituée, mais détestée du peuple, celui d’une femme somme toute assez ordinaire prise dans la tourmente de la Révolution française. C’est la plus connue des biographies de Marie-Antoinette et peut-être la meilleure. J’ai beaucoup aimé.
Extrait :
Pendant des siècles, sur d’innombrables champs de bataille allemands, italiens et flamands, les Habsbourgs et les Bourbons se sont disputés jusqu’à épuisement l’hégémonie de l’Europe. Enfin, les vieux rivaux reconnaissent que leur jalousie insatiable n’a fait que frayer la voie à d’autres maisons régnantes ; déjà, de l’île anglaise, un peuple hérétique tend la main vers l’empire du monde ; déjà la marche protestante de Brandebourg devient un puissant royaume ; déjà la Russie à demi païenne s’apprête à étendre sa sphère à l’infini : ne vaudrait-il pas mieux faire la paix, finissent de se demander – trop tard, comme toujours – les souverains et leurs diplomates, que de renouveler sans cesse le jeu fatal de la guerre, pour le grand profit de mécréants et de parvenus ? Choiseul, ministre de Louis XV, Kaunitz, conseiller de Marie-Thérèse, concluent une alliance ; et afin qu’elle s’avère durable et ne soit pas un simple temps d’arrêt entre deux guerres, ils proposent d’unir, par les liens du sang, la dynastie des Bourbons à celle des Habsbourgs.
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