Édition du 25 mars 2025

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Comptes rendus de lecture du mardi 25 mars 2025

Jim Crow
Loïc Wacquant

J’ai pris connaissance de cet ouvrage dans un article du même auteur publié dans les pages du Monde diplomatique. D’environ 1890 à 1960, soit de l’abolition de l’esclavage à l’avènement du mouvement des droits civiques, un régime ségrégationniste des plus violents et des plus déshumanisants – que l’histoire a retenu sous le nom de Jim Crow - s’est mis en place dans le sud des États-Unis. Ce régime tiendra sous son joug cruel entre sept et dix millions de Noirs : asservissements, empêchement du droit de vote, lynchages, massacres cérémoniels, tortures, chasses à l’homme, un véritable enfer comme il s’en est peu vu… et au sein de ce pays qui n’hésitait pas à se proclamer paradis des libertés. On mesure assurément mieux, à la lecture de ce livre, l’ampleur que peut atteindre le racisme…

Extrait :

Dépossession forcée, intimidation constante, bannissement soudain, agressions et assassinats commis au hasard par des individus et des milices agissant en toute impunité, application illégale de la force légale, torture publique, lynchage et pogroms : les Blancs étaient déterminés à maintenir leurs « darkies » à terre par tous les moyens nécessaires et à extorquer leur assentiment, voire leur consentement, à la suprématie blanche. Il n’est guère étonnant que tant d’Afro-Américains aient jugé la vie libre dans le nouveau Sud « pire encore » (worser) qu’à l’époque de l’esclavage.

Aux origines de la décroissance
Cédric Biagini, David Murray, Pierre Thiesset et plusieurs autres

Ce bouquin, qui nous expose le cheminement et la pensée de cinquante penseurs de la décroissance des deux derniers siècles, ressemble à une bouffée d’air frais dans le contexte actuel de croissance capitaliste infinie où l’on feint de s’intéresser aux graves problèmes environnementaux qui nous assaillent. J’ai bien sûr adoré cette lecture, qui m’a beaucoup appris, même au sujet d’auteurs que je connaissais déjà. Voici la liste de ces penseurs de la décroissance, ce qui vous donnera aussi, je l’espère, le goût de lire ce livre : Edward Abbey, Günther Anders, Hannah Arendt, Georges Bernanos, Murray Bookchin, Albert Camus, Edward Carpenter, Cornelius Castoriadis, Bernard Charbonneau, Jean Chesneaux, Gilbert Keith Chesterton, Barry Commoner, Ananda K. Coomaraswamy, Guy Debord, Lanza del Vasto, Jacques Ellul, Pierre Fournier, Michel Freitag, Gandhi, Patrick Geddes, Nicholas Georgescu-Roegen, Jean Giono, Paul Goodman, André Gorz, Alexandre Grothendieck, Michel Henry, Aldous Huxley, Ivan Illich, Robert Jaulin, William Stanley Jevons, Leopold Kohr, Gustav Landauer, Christopher Lasch, Ned Ludd, Dwight Macdonald, Herbert Marcuse, William Morris, Lewis Mumford, George Orwell, François Partant, Pier Paolo Pasolini, John Cowper Powys, Majid Rahnema, John Ruskin, Ernst F. Schumacher, Jaime Semprun, Rabindranath Tagore, Henry David Thoreau, Léon Tolstoï et Simone Weil.

Extrait :

Qu’ils soient célèbres ou plus confidentiels, les maîtres regroupés ici nous donnent des clés théoriques et pratiques pour mieux penser notre époque et comprendre le monde dans lequel nous vivons. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les ouvrages de certains d’entre eux, réédités, traduits, commentés, font l’objet d’un regain d’intérêt depuis quelques années. À nous de nous saisir de leurs analyses radicales, intemporelles et clairvoyantes, afin d’approfondir nos raisonnements, d’aiguiser nos critiques de la société de croissance, et de construire des pistes de résistance face au rouleau compresseur du Progrès.

Hiroshima mon amour
Marguerite Duras

Marguerite Duras a écrit ce scénario pour le film franco-japonais du même nom d’Alain Resnais. C’est un texte d’une grande poésie, fait de souvenirs, qui présente la rencontre d’une Française et d’un Japonais. Il met surtout l’accent, en filigrane, sur la souffrance des Japonais plutôt que sur la réconciliation des peuples et la paix. Un article de l’Agence France-Presse, paru dans les pages du Devoir, nous rappelle toutefois que le très beau film tiré de ce scénario « fut présenté au Festival de Cannes en 1959, mais écarté de la compétition en raison de pressions américaines. »

Extrait :

J’ai regardé les gens. J’ai regardé moi-même pensivement, le fer. Le fer brûlé. Le fer brisé, le fer devenu vulnérable comme la chair. J’ai vu des capsules en bouquet : qui y aurait pensé ? Des peaux humaines flottantes, survivantes, encore dans la fraîcheur de leurs souffrances. Des pierres. Des pierres brûlées. Des pierres éclatées. Des chevelures anonymes que les femmes de Hiroshima retrouvaient tout entières tombées le matin, au réveil.

Nation et autodétermination au XXIe siècle
Michel Seymour

J’apprécie surtout Michel Seymour pour son analyse de la politique internationale et ses positions progressistes et inclusives. Dans la même perspective que son précédent essai, « Raison, déraison et religion », cet ouvrage publié l’an dernier réitère, dans le contexte de la nation et de l’autodétermination, l’importance d’accorder aux droits collectifs la même légitimité qu’aux droits individuels. C’est une œuvre exigeante qui nous expose les différents points de vue exprimés sur ces questions au cours des années. J’en ai particulièrement aimé la conclusion et la profondeur et l’acuité des analyses géopolitiques qui y sont résumées et qui nous permettent de mieux comprendre certains cas particuliers.

Extrait :

À la fin de la deuxième guerre mondiale, les États-Unis étaient responsables de 45 % du PIB mondial. Le dollar US est devenu la devise de réserve internationale. En 1991, le pays était plus que jamais la première puissance économique mondiale. La dissolution de l’URSS annonçait la fin du communisme et la victoire du capitalisme. Sur le plan militaire, les Américains étaient aussi les plus forts. Les dépenses états-uniennes ont toujours été supérieures à celles des autres pays. Elles dépassent maintenant les 900 milliards de dollars par année. C’est plus que les neuf puissances suivantes réunies. La Russie dépense pour sa part 60 milliards de dollars par an. Les Américains ont en outre été en guerre pendant la plus longue partie de leur histoire. Le pays a même, pendant un certain temps, mené sept guerres de front. Il est intervenu militairement plus de 215 fois depuis 1991. Le pays a aussi 800 bases militaires partout à travers le monde (dont 400 encerclant la Chine), alors que l’on peut compter sur les doigts de la main celles de la Russie et de la Chine.

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Bruno Marquis

Bruno Marquis est un lecteur qui s’est impliqué dans plusieurs organismes voués à la protection de l’environnement, à la paix et à l’élimination de la pauvreté chez les enfants au cours des vingt dernières années. Il publie actuellement une chronique sur l’environnement dans le mensuel Ski-se-Dit. Il a aussi tenu régulièrement une chronique dans le webzine tolerance.ca.

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