Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Comptes rendus de lecture du mardi 26 novembre 2024

Petit cours d’autodéfense intellectuelle
Normand Baillargeon

Le « Petit cours d’autodéfense intellectuelle » de Normand Baillargeon est un bouquin des plus utiles pour bien se défendre intellectuellement dans notre monde du chacun pour soi. C’est un guide, on l’a souvent suggéré depuis sa première édition en 2005, qui devrait être enseigné dans toutes les écoles du Québec et du Canada, mais aussi selon moi — vous excuserez mon enthousiasme — dans bien d’autres pays dans le monde. Sa popularité n’a pas dérougi depuis lors, surtout au Québec : il vous suffira de visiter le site Web de votre bibliothèque municipale pour vous en convaincre. Le livre fait un survol des principaux outils que devrait maîtriser toute personne critique : le langage, la logique, la rhétorique, les nombres, les probabilités, la statistique et d’autres encore — outils qui sont ensuite appliqués à la justification des croyances dans trois domaines cruciaux : l’expérience personnelle, la science et les médias. Ne vous laissez pas effrayer... Ce grand intellectuel qu’est Normand Baillargeon est aussi un excellent vulgarisateur, et ce livre est d’une lecture facile et très agréable. Vous en sortirez grandis !

Extrait :

Dans une large mesure, le discours et l’écriture politiques consistent, à notre époque, à défendre l’indéfendable. Certes, des choses comme la perpétuation de la domination anglaise en Inde, les purges et les déportations en Russie, le largage de bombes atomiques sur le Japon peuvent être défendues : mais elles ne peuvent l’être que par des arguments si brutaux que peu de gens pourraient les regarder en face. De toute façon, ces arguments ne cadrent pas avec les objectifs que disent poursuivre les partis politiques. C’est pourquoi le langage politique doit pour l’essentiel être constitué d’euphémismes, de pseudobanalités et de vaporeuses ambiguïtés. Des villages sont-ils bombardés depuis les airs, leurs habitants forcés de fuir vers la campagne, leurs troupeaux passés à la mitrailleuse, leurs huttes brûlées avec des balles incendiaires ? Cela s’appellera pacification. Vole-t-on leurs fermes à des millions de paysans qui doivent dès lors fuir sur les routes en n’emportant avec eux que ce qu’ils pourront porter ? Cela s’appellera transfert de population ou reconfiguration des frontières. Des gens sont-ils emprisonnés des années durant sans avoir subi de procès ? D’autres reçoivent-ils une balle dans la nuque ou sont-ils envoyés mourir du scorbut dans des camps de planche en Arctique ? Cela s’appelle suppression d’éléments indésirables.

Lettres sur le Canada
Arthur Buies

Je n’ai pas cherché à connaître Arthur Buies d’après la caricature qu’on en faisait dans ce sempiternel téléroman « Les Belles Histoires des pays d’en haut » de Claude-Henri Grignon. Ce qui m’a amené à m’intéresser à cette importante figure intellectuelle du dix-neuvième siècle c’est plutôt, étrangement, que l’un de mes bons vieux amis demeurait sur la rue Arthur-Buies à Gatineau. Arthur Buies était un intellectuel en avance sur son temps, d’un progressisme fort surprenant pour son époque. C’est ce que vous découvrirez en lisant ses « Lettres sur le Canada », au nombre de trois, écrites en 1864 et 1867. Les propos qu’y tient Buies sont éloquents sur ce que nous sommes devenus après la Conquête et sur ce que nous avons longtemps été par la suite. Elles sont intéressantes à lire et valent la peine de l’être.

Extrait :

Il y a des pays où l’ordre règne par la tyrannie des baïonnettes ; il y en a d’autres où la paix s’étend comme un vaste linceul sur les intelligences. Ici, point de révolte de la conscience ou de l’esprit brutalement subjugué ; point de tentative d’émancipation, parce qu’il n’y a ni persécution, ni despotisme visible. Les hommes naissent, vivent, meurent, inconscients de ce qui les entoure, heureux de leur repos, incrédules ou rebelles à toute idée nouvelle qui vient frapper leur somnolence. Dans ces pays, le bonheur pèse sur les populations comme la lourde atmosphère des jours chauds qui endort toute la nature. Ce calme est plus effrayant que les échafauds où ruisselle le sang des patriotes, car il n’est pas d’état plus affreux que d’ignorer le mal dont on est atteint, et, par suite, de n’en pas chercher le remède.

Les veines ouvertes de l’Amérique latine
Eduardo Galeano
Traduit de l’espagnol

« Les veines ouvertes de l’Amérique latine » est l’histoire implacable du pillage d’un continent. On y suit, siècle après siècle, dans le moindre détail, le mécanisme honteux qui a conduit à une dépossession ruinant les nations d’un des espaces les plus prometteurs du monde et condamnant une grande partie de sa population à la misère. On ne s’étonnera pas que ces monstres des temps modernes, que sont les multinationales, opèrent avec cohésion sur cet ensemble d’États et d’îles solitaires qu’est l’Amérique latine. Chaque pays y ploie par la suite des choses sous le poids conjugué de ses divisions sociales, de ses armées et de ses polices qui l’enfoncent dans l’échec politico-économique et dans une misère plus profonde encore. Mais des forces nouvelles se lèvent pourtant... « Les veines ouvertes de l’Amérique latine » est un ouvrage sur l’exploitation de l’homme par l’homme au niveau d’un continent. Une lecture essentielle, elle aussi.

Extrait :

Un demi-million de Paraguayens ont abandonné définitivement leur patrie, ces vingt dernières années. La misère pousse à l’exode les habitants de ce pays qui était, jusqu’au siècle dernier, le plus avancé de l’Amérique du Sud. La population du Paraguay a, depuis, à peine doublé et, avec la Bolivie, c’est une des nations les plus pauvres et les plus arriérées de l’Amérique latine. Les Paraguayens supportent l’héritage d’une guerre d’extermination qui constitue l’un des chapitres les pus abjects de l’histoire du continent. Elle s’appelle la guerre de la Triple Alliance. Le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay furent responsables du génocide. Ils ne laissèrent pas une pierre debout, pas un habitant mâle parmi les décombres. Bien que l’Angleterre n’ait pas participé directement à l’horrible exploit, ce furent ses marchands, ses banquiers et ses industriels qui tirèrent les bénéfices de ce crime contre le Paraguay. L’invasion fut financée, du début à la fin, par la Banque de Londres, la firme Baring Brothers et la banque Rothschild, lesquelles consentirent des prêts léonins, pour les pays vainqueurs, hypothéquèrent leurs chances.

L’économie psychique
Alain Deneault

Ce quatrième feuilleton théorique d’Alain Deneault sur l’économie, qui porte sur l’économie psychique, traite à travers le temps et de nos jours de l’effritement de la pensée opéré par le capitalisme, et en particulier de questions comme la toute-puissance des entreprises par rapport aux individus, le harcèlement moral, la détresse au travail, etc. C’est un feuilleton très théorique, mais dont plusieurs pages sont d’un grand intérêt et fort éclairantes.

Extrait :

Si l’œuvre d’Hirigoyen se nourrit d’exemples qui portent sur des cas emblématiques, elle se trouve inopérante lorsque le phénomène pervers s’érige de manière structurelle, lorsqu’il fonde les principes même de gestion de l’économie marchande. Le harcèlement moral dans la vie professionnelle fait état d’entreprises qui sont elles-mêmes, comme entités, des sujets pervers, ce dont témoignent leurs directives implicites ou explicites et l’esprit qui y règne.

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Bruno Marquis

Bruno Marquis est un lecteur qui s’est impliqué dans plusieurs organismes voués à la protection de l’environnement, à la paix et à l’élimination de la pauvreté chez les enfants au cours des vingt dernières années. Il publie actuellement une chronique sur l’environnement dans le mensuel Ski-se-Dit. Il a aussi tenu régulièrement une chronique dans le webzine tolerance.ca.

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