Édition du 22 avril 2025

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Comptes rendus de lecture du mardi 22 avril 2025

L’Entraide - L’autre loi de la jungle
Pablo Servigne et Gauthier Chapelle

Cet essai s’inscrit dans la continuité du fameux « L’entraide : un facteur de l’évolution » de Pierre Kropotkine. Il en est en quelque sorte une version moderne et probablement plus convaincante, rédigée à la lumière des (nombreuses) récentes recherches dans de nombreux domaines touchant l’évolution du vivant et des humains. C’est l’entraide, nous explique cet ouvrage, qui constitue de loin le principal facteur de l’évolution, pour les humains comme pour l’ensemble du vivant. Tout le contraire des fausses croyances qui font de l’égoïsme et de la violence les moteurs de l’humanité…

Extrait :

De nos jours, les récits dominants parlent de technologie surpuissante, d’ingéniosité humaine sans limites, de compétition apportant la prospérité, d’une loi du plus fort qui permet de « réussir » sa vie, de l’implacable marché en avant linéaire du progrès, ou au contraire d’une apocalypse brutale et violente. Ces mythes sont toxiques ; en particulier, le mythe de la compétition n’est adapté ni à notre vie en société ni à notre planète.

La force des choses
Simone de Beauvoir

Il s’agit du troisième tome de l’autobiographie de Simone de Beauvoir, après « Mémoires d’une jeune fille rangée » et « La force de l’âge ». Il couvre la période qui suit la libération de Paris, en 1944, jusqu’aux années soixante. C’est l’époque de l’engagement politique, situé bien à gauche, avec les voyages, les écrits – entre autres avec la publication de l’essai « Le deuxième sexe » – et les importantes prises de position dans le cadre de la guerre d’Algérie, de la guerre froide, de la libération de Cuba. Un bouquin libérateur, émancipateur...

Extrait :

Quant à Hemingway, je continuais d’admirer certaines de ses nouvelles. Mais « L’Adieu aux Armes », « Le Soleil se lève aussi », relus, me déçurent. Il avait fait faire un grand progrès à la technique romanesque ; mais leur nouveauté disparue, les procédés, les stéréotypies sautaient aux yeux. Surtout je découvrais chez lui une conception de la vie qui ne m’était pas du tout sympathique. Son individualisme impliquait une connivence décidée avec l’injustice capitaliste ; c’était celui d’une dilettante assez riche pour financer de coûteuses expéditions de chasse et de pêche et pratiquant à l’égard des guides, des serviteurs, des indigènes un paternalisme ingénu. Lauzmann me fit remarquer que « Le Soleil se lève aussi » était entaché de racisme ; un roman est un microcosme : si le pleutre est un Juif, le seul Juif, un pleutre, un rapport de compréhension, sinon de relation universelle, est posé sur ces deux caractères. D’ailleurs, les complicités que nous propose Hemingway à tous les tournants de ses récits impliquent que nous avons conscience d’être comme lui, aryens, mâles, dotés de fortune et de loisirs, n’ayant jamais éprouvé notre corps que sous la figure du sexe et de la mort. Un seigneur s’adresse à des seigneurs. La bonhomie du style peut tromper, mais ce n’est pas un hasard si la droite lui a tressé de luxuriantes couronnes : il a peint et exalté le monde des privilégiés.

Bonheur d’occasion
Gabrielle Roy

Ce premier roman de Gabrielle Roy, publié en 1945, lui mérita le prix Femina en 1947. Dans le quartier de Saint-Henri, un quartier pauvre de Montréal, une famille de Canadiens français est en quête de bonheur. Florentine, le cherche dans l’amour de ses 19 ans, sa mère Rose-Anna dans le bien-être de la famille, son père Azarius dans le rêve. Un beau grand roman sur notre passé pas si lointain. À lire, si vous ne l’avez déjà fait !

Extrait :

Mais il la retenait contre lui. Il savait maintenant que la maison de Florentine lui rappelait ce qu’il avait par-dessus tout redouté : l’odeur de la pauvreté, cette odeur implacable des vêtements pauvres, cette pauvreté qu’on reconnaît les yeux clos. Il comprenait que Florentine elle-même personnifiait ce genre de vie misérable contre laquelle tout son être se soulevait. Et dans le même instant, il saisit la nature du sentiment qui le poussait vers la jeune fille. Elle était sa misère, sa solitude son enfance triste, sa jeunesse solitaire ; elle était tout ce qu’il avait haï, ce qu’il reniait et aussi ce qui restait le plus profondément lié à lui-même, le fond de sa nature et l’aiguillon puissant de sa destinée.

Les déclinistes
Alain Roy

Le déclinisme, cette théorie selon laquelle un pays serait en déclin, a amené plusieurs communicateurs d’extrême droite, depuis 2010, à sombrer en France dans le délire du « grand remplacement », cette volonté odieuse de bouter hors de France les populations d’origine africaine ou maghrébine qui y sont établies comme citoyens français depuis une ou plusieurs générations. Comme l’explique l’auteur, « l’idée que la France serait en train de subir un changement de peuple au profit de populations africaines repose sur des scénarios démographiques peu crédibles et manifeste une xénophobie affirmée ». Le livre porte sur les figures suivantes, qui lui ont donné une étonnante diffusion et contribué à la banalisation de cette idée de déchéance nationale par la faute de l’immigration : Renaud Camus, Alain Finkielkraut, Éric Zemmour, Michel Houellebecq, Michel Onfray et Mathieu Bock-Côté. Un bouquin qui nous invite à coup sûr à nous méfier des détestables délires d’une certaine droite.

Extrait :

Remettons tout de suite les pendules à l’heure : ce qu’on peut reprocher à Mathieu Bock-Côté, ce n’est pas qu’il soit conservateur, gaulliste, de droite ou opposé au multiculturalisme. Cela est son droit le plus strict, et il y a moyen d’être tout cela d’une manière, disons, décente. Ce qu’on peut lui reprocher, c’est autre chose, qui n’est pas directement lié à ses convictions morales ou idéologiques : c’est le fait de présenter une pensée brouillonne et intempestive, d’avoir une vision tronquée des enjeux qu’il aborde, de ne pas maîtriser les concepts qu’il utilise, de multiplier les affirmations gratuites et péremptoires, de ne pas citer ses sources, d’agiter des épouvantails, de ne pas s’appuyer sur des données vérifiables, de se fixer obsessionnellement sur des discours radicaux, d’appliquer un manichéisme simpliste aux questions traitées, de ne pas pratiquer une sociologie rigoureuse, de confondre les genres en soumettant la forme de l’essai sociologique à un programme foncièrement idéologique.

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Bruno Marquis

Bruno Marquis est un lecteur qui s’est impliqué dans plusieurs organismes voués à la protection de l’environnement, à la paix et à l’élimination de la pauvreté chez les enfants au cours des vingt dernières années. Il publie actuellement une chronique sur l’environnement dans le mensuel Ski-se-Dit. Il a aussi tenu régulièrement une chronique dans le webzine tolerance.ca.

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