Édition du 25 février 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

Si les riches derrière les Fondations privées veulent nous soutenir, qu’ils paient leurs impôts !

Lettre ouverte

Les regroupements d’organismes communautaires signataires de cette lettre se préoccupent depuis longtemps des impacts de la philanthropie sur le filet social, la démocratie et les organismes communautaires. Depuis un certain temps, les ententes de financement entre des regroupements d’organismes communautaires et diverses fondations privées se multiplient. Ce n’est pas un soudain intérêt des fondations pour la transformation sociale qui guide cet élan de « générosité », mais bien une loi fédérale qui les force à hausser leur pourcentage d’investissement. Si nous comprenons le grave besoin de financement qui pousse les regroupements à signer avec les fondations, nous ne pouvons pas passer sous silence notre malaise grandissant, puisque ces choix ne sont pas sans conséquences.

Les fondations privées c’est de l’évitement fiscal

Les fondations ont été pensées afin de permettre à des multimillionnaires de sauver de l’impôt. Ces pratiques nous privent collectivement de millions de dollars qui pourraient être réinvestis dans le filet social, c’est-à-dire les programmes sociaux, les services publics et les organismes communautaires. La philanthropie n’est rien de moins que la privatisation de notre filet social. Une tendance qui sert à justifier le désengagement de l’État.

Au tournant des années 2000, le milieu communautaire dénonçait farouchement ces pratiques. La situation est tout autre aujourd’hui, car plusieurs acteurs du communautaire se tournent vers les fondations. Notre mouvement semble frappé par des vagues d’amnésie, alors que l’opposition aux PPP sociaux, la lutte contre l’évitement fiscal et le rejet de la privatisation font encore partie de nos argumentaires pour régler le sous-financement du communautaire, des programmes sociaux et des services publics. Qu’est-ce qu’on envoie comme message ? Évitez de payer vos impôts, privatisez notre filet social, c’est correct tant qu’on ramasse notre part du gâteau au passage.

Quelle autonomie nous reste-t-il ?

Les impacts du financement privé sur l’autonomie du communautaire sont déjà tangibles : réajustement du discours et des pratiques, détournement des organismes de leur mission, ralentissement de la lutte pour le financement à la mission, etc. L’Observatoire de l’ACA (action communautaire autonome) qui travaille sur l’autonomie est lui-même financé par des fondations. Quelle lunette d’analyse cela nous laisse face à ce phénomène ? Quand les liens de dépendance financière se seront grandement resserrés, le milieu communautaire osera-t-il encore dénoncer l’évitement fiscal alors qu’il en profite allègrement ? Osera-t-il dénoncer les pratiques de plus en plus intrusives des fondations si des emplois en dépendent ? Est-ce que ses pratiques démocratiques s’adapteront pour plaire aux investisseurs privés qui préfèrent certains modes de gouvernance plus proches de leurs propres pratiques ? Sera-t-il toujours en action contre la privatisation du filet social ? Quelle place restera-t-il aux revendications qui émanent de la population si les discours sont aseptisés pour plaire aux bailleurs de fonds privés ?

Le communautaire a toujours défendu un filet social fort. Pour soutenir ce filet social, l’autonomie et la pérennité des groupes et regroupements sont essentielles. Celles-ci passent nécessairement par un financement stable à la mission provenant de source publique. En cédant devant la manne privée, sommes-nous en train de creuser notre propre tombe ? Quelles conclusions pourrait tirer le gouvernement de ce mouvement vers le financement privé, lui qui nous dirige vers une nouvelle période d’austérité budgétaire ? N’y verra-t-il pas une occasion rêvée de se déresponsabiliser davantage face au filet social et de se désengager de plus en plus du financement des groupes d’ACA ?

Le sous-financement chronique du milieu communautaire est intenable et il affecte gravement nos missions. La richesse du communautaire a toujours été son autonomie, sa proximité avec la population et ses pratiques de mobilisation. Ce sont des acquis fragiles qu’il faut préserver à tout prix !

Dans ce contexte, plus que jamais, nous nous opposons à la privatisation du financement de l’ACA. Notre autonomie n’est pas à vendre ! Exigeons des gouvernements qu’ils s’assurent du bien commun ! Pour un financement à la mission public, indexé, et pérenne !

Signataires :
• Julie Robillard, Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec (MÉPACQ)
• Danielle Gill, Coalition des organismes communautaires autonomes de formation (COCAF)
• Daniel Cayley-Daoust, Coalition des Tables Régionales d’Organismes Communautaires (CTROC)
• Steve Baird, Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ)
• Stéphane Handfield, Groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec (GRFPQ)
• Michel Dubé, Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE)
• Marie-Andrée Painchaud-Mathieu, Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM)

Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec (MÉPACQ)

Le MÉPACQ, le Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec, est un mouvement national et multisectoriel qui travaille à la transformation sociale dans une perspective de justice sociale. Il regroupe 11 Tables régionales en éducation populaire autonome (ÉPA) qui regroupent plus de 330 groupes populaires et communautaires autonomes.

https://mepacq.qc.ca/

Coalition des organismes communautaires autonomes de formation (COCAF)

Les organismes membres de la COCAF jouent un rôle indispensable à l’égard de l’éducation des adultes et de la formation continue dans le secteur de l’action communautaire autonome (ACA) au Québec. Les activités de formation qu’ils offrent favorisent l’épanouissement des personnes, la cohésion sociale, la vie démocratique et développent les compétences des personnes salariées, administratrices, bénévoles et militantes impliquées dans le mouvement communautaire.

Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ)

Le Front commun des personnes assistées sociales du Québec regroupe 25 organismes de défense des droits des personnes assistées sociales et 4 membres sympathisants ou alliés. La principale mission du FCPASQ et de ses groupes membres est la promotion des droits économiques, sociaux et culturels des citoyen.ne.s du Québec exclu.e.s du marché du travail et qui vivent dans la pauvreté.

Si vous cherchez de l’aide ou si vous cherchez un groupe qui organise des activités et des actions, veuillez consulter notre bottin des organisations, situés un peu partout au Québec, qui offrent de l’aide individuel et font de la défense collective des droits.

Si vous vous voulez en savoir plus sur notre histoire, nous vous recommandons de consulter des capsules vidéo sur nos luttes passées et certaines de nos victoires. Pour un texte de 2024 qui présente nos revendications, voir nos principales revendications en vue de la réforme attendue de l’aide sociale.

De l’action communautaire autonome
Le FCPASQ et ses membres font partie du mouvement de l’action communautaire autonome. Les organismes d’action communautaire autonome sont libres de déterminer leur mission, leurs orientations, leurs approches d’intervention, leurs pratiques ainsi que leurs modes de gestion. Ils sont également autonomes sur le plan leurs actions politiques. Bien qu’ils soient financés par le gouvernement ou par des partenaires, ils appartiennent à la communauté. Toute information transmise au FCPASQ est strictement confidentiel, et ne sera jamais transmis au gouvernement.

Plus précisément, nous sommes surtout financés par le Secrétariat à l’action communautaire autonome et aux initiatives sociales. En 2023 et 2024, nous avons aussi un projet financé par le gouvernement du Canada sous le Fonds de relance des services communautaires. La structure démocratique et la culture participative sont fondamentales pour le FCPASQ, et ainsi nos orientations et plans d’action sont votés par nos membres lors d’assemblées démocratiques et mise en oeuvre avec la participation de comités composés de personnes assistées sociales et d’employés de nos organisations membres.

https://fcpasq.qc.ca/

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