La Politique de lutte à l’itinérance indique que « si l’itinérance n’est pas seulement un problème de pauvreté, elle est toujours un problème de pauvreté ». Selon le Réseau SOLIDARITÉ Itinérance du Québec (RSIQ), le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), le Regroupement des Auberges du cœur du Québec (RACQ) et le Collectif pour un Québec sans pauvreté, il importe de soutenir des interventions spécifiques, mais aussi de s’attaquer directement aux sources du problème. Ils rappellent que la Politique, adoptée en 2014, stipule clairement que l’itinérance est un déni de droits intolérable pour la société québécoise et qu’elle interpelle une dizaine de ministères pour qu’ils assument leurs responsabilités afin de prévenir et réduire le phénomène. Ainsi, elle prévoit des actions en matière de revenu, de logement, de santé et de services sociaux, d’éducation et d’insertion ainsi que de cohabitation et de judiciarisation. « L’ensemble des formations politiques doivent confirmer leur adhésion à cette vision collective et nous faire part de mesures audacieuses qui correspondent aux objectifs de la Politique », indique Mathieu Frappier, coordonnateur du Réseau SOLIDARITÉ Itinérance du Québec.
Selon le recensement de 2016, 195 635 ménages locataires du Québec consacrent plus de 50 % de leur revenu au logement, au détriment de leurs autres besoins essentiels. Des centaines de milliers de personnes vivent dans des logements trop chers, en mauvais état, voire insalubres, ou trop petits. Selon les organisations, compte tenu de l’incapacité du marché privé à combler les besoins des personnes précarisées, la solution est de miser sur le logement social. Celui-ci permet aux personnes en situation de pauvreté ou d’itinérance non seulement d’avoir accès à un toit à moindre coût et en bon état, mais aussi de développer un réseau d’entraide et de solidarité. « L’ampleur des problèmes d’habitation exige des investissements beaucoup plus importants dans le logement social et Québec a les moyens de faire plus », déclare Émilie E. Joly, organisatrice communautaire au FRAPRU, ajoutant que « non seulement il dispose de plus d’argent du fédéral, mais des mesures fiscales sont à sa portée pour mieux financer ses programmes sociaux ». Elle précise que c’est d’ailleurs le message que porte actuellement la marche de 550 kilomètres que son regroupement a entreprise au début du mois à Ottawa et qui culminera devant l’Assemblée nationale, à Québec, dimanche prochain.
« Dans le milieu de l’hébergement, comme les Auberges du cœur, on nous demande constamment de faire plus avec moins », déplore Johanne Cooper, présidente du Regroupement des Auberges du cœur du Québec. « Sur le terrain, les besoins sont de plus en plus complexes et le sous-financement chronique dont souffrent les organisations cause une importante pression sur les équipes de travail qui sont épuisées et bien souvent en situation de précarité tellement les conditions de travail ne sont pas favorables. Pourtant, la richesse de l’intervention communautaire ainsi que les partenariats que nous mettons en place avec une diversité d’acteurs donnent des résultats positifs depuis plus de 50 ans. Mais les défis actuels sont si grands que si aucune action d’envergure n’est entreprise de la part du prochain gouvernement, le bateau risque de couler et tout le Québec en sortira perdant. »
« Voilà 15 ans, le Québec s’est doté d’une loi pour combattre la pauvreté, et force est de constater qu’elle n’a pas donné les résultats espérés, rappelle le porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté, Serge Petitclerc. La pauvreté n’a pas reculé ; il y a toujours une personne sur dix qui ne couvre pas ses besoins de base, soit environ 800 000 personnes. Et ce n’est pas le dernier plan d’action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, dévoilé en décembre 2017, qui mènera à un changement de cap. Tout le monde a droit à un revenu décent et le prochain gouvernement devrait viser la sortie de la pauvreté pour l’ensemble des Québécoises et des Québécois. Pour commencer, il devrait considérer des mesures concrètes et précises comme un accès plus facile et élargi au programme de Revenu de base, la hausse rapide du salaire minimum à 15 $ l’heure, le retrait des pénalités financières prévues par le programme Objectif emploi et la fin du détournement des pensions alimentaires pour enfants. »
« Nos organisations sont prêtes pour l’arrivée du prochain gouvernement et n’accepteront pas de nouveaux reculs ni le maintien du statu quo », conclut Mathieu Frappier, coordonnateur du RSIQ.
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