Imaginons qu’un chroniqueur à l’époque de la Guerre froide eût signé des centaines de chroniques présentant les communistes d’ici et d’ailleurs comme une menace pour la société québécoise et ses valeurs. Qu’il eût affirmé qu’il fallait leur interdire de porter des signes ostentatoires traduisant leur idéologie dans l’espace public (étoile rouge, tee-shirt du Che). Tout cela au nom de la défense de la liberté. J’imagine qu’il aurait été qualifié, à juste titre, d’anticommuniste. On peut aussi imaginer que ce chroniqueur n’aurait pas cherché à nier qu’il était anticommuniste ; il aurait même sans doute été fier de se dire anticommuniste.
Aujourd’hui, des chroniqueurs veulent bien signer des centaines de chroniques présentant les Musulmanes et les Musulmans comme une menace à « notre » société et « nos » valeurs. Mais ces mêmes chroniqueurs refusent d’être identifiés comme xénophobes ou islamophobes. Ils prétendent même qu’il y au Québec un « racisme imaginaire », mais pas vraiment de racisme inquiétant. Il ne faudrait donc pas référer au terme « islamophobie », qui serait utilisé par les « islamogauchistes » pour censurer et excommunier ces mêmes chroniqueurs qui critiquent tout le temps l’islam(isme). Il est intéressant, à ce sujet, de noter que le journal français d’extrême droite Minute avançait, en 2012, que « le concept d’homophobie est proposé par le lobby homosexuel » pour stigmatiser toute critique de l’homosexualité…
Islamophobie imaginaire, vraiment ?
Passons sur leurs centaines de chroniques présentant les Musulmanes et Musulmans comme une menace, comme des fous de Dieu, comme des complices des terroristes ou des terroristes en puissance, ou exigeant des Musulmans la condamnation de tel attentat, comme si on les présumait tous complices ou solidaires par liens communautaires. Pour savoir s’il y a du racisme ici, j’ai effectué avec une recherche en ligne avec ces mots clefs : femme + voilée + agressée. J’ai soudain vu des pages et des pages de notices défiler, avec des titres tels que « pluie d’insultes pour deux sœurs voilées à Montréal », « une femme voilée agressée dans une épicerie », « une femme voilée et enceinte agressée par deux ados », « une femme voilée et enceinte agressée perd son bébé ». Ça ne se passe pas toujours au Québec, mais trop souvent c’est le cas. En cherchant, voilà qu’on trouve aussi de courtes vidéos, filmées par des téléphones qu’on pense intelligents, d’agressions verbales dans « nos » transports en commun. On peut voir et entendre, par exemple, un homme assis près du chauffeur qui insulte en criant pendant de longues minutes une femme portant le foulard, debout au milieu du véhicule. Personne ne réagit.
Mais il n’y a pas d’islamophobie et de racisme au Québec. Ce type ne fait qu’exercer son droit de critiquer l’Islam, au nom de la laïcité...
On peut aussi retrouver les traces d’une enquête menée auprès de Musulmanes portant le foulard, dans le contexte du débat sur la Charte des valeurs québécoises en 2014. Ces femmes se sont fait dire, entre autres gentillesses laïques : « criss d’immigrée », « poseuses de bombe », « sale musulmane », « juste bonne à être violée », « je vais te buter ».
Je me demande vraiment comment quelqu’un pourrait imaginer qu’il s’agit d’islamophobie ou de racisme. Critiquer de tels propos relèverait de la censure, de l’excommunication et constituerait en fait un appui tacite aux terroristes et à l’Arabie saoudite.
La députée fédérale Iqra Khalid a reçu un flot de courriels, lorsqu’elle a déposé une proposition de motion contre l’islamophobie à la Chambre des communes il y a quelques semaines : « terroriste et sympathisante des terroristes », « les vrais Canadiens vont se soulever et se débarrasser de cette saleté de musulmane », « elle est malade, déportez-là », « Vous n’êtes qu’un tas d’ordure dégoutant », « nous allons brûler vos mosquées », « tuez cette f*** qu’on en finisse ». Ma préférée ? « Vous êtes une marxiste culturelle. Votre f*** inclusivité va ruiner le Canada. Il faut vous f*** avec une scie à chaine, f*** incubateuse de terroristes monteurs-de-chameaux ».
De l’islamophobie ? Mais non, voyons ! Et puis, on a bien le droit de critiquer l’Islam, l’immigration et de défendre la laïcité, non ? On ne va pas abdiquer au sujet de nos valeurs nationales, pour plaire à une immigrante.
Et les Mosquées ?
De même, d’ailleurs, avec le vandalisme contre des mosquées à Pointe-St-Charles et dans le centre-sud de Montréal : œufs lancés, vitre fracassée.
Quand une tête de cochon ensanglantée avait été déposée devant une mosquée de Québec, l’animateur de radio Éric Duhaime avait proposé cette réflexion originale : « Geste haineux, islamophobie… On se calme le pompon ! […] C’est écrit où dans le code criminel que j’ai pas le droit de donner une tête de cochon ? C’est peut-être une joke niaiseuse […]. En quoi c’est de la haine ? ».
Ben oui, en quoi ? Et il a comparé ce geste avec la blague téléphonique qu’il pratiquait quand il était jeune : faire livrer des pizzas à ses voisins. C’est en effet tout à fait la même chose et c’est tout aussi rigolo. On se demande d’ailleurs pourquoi, dans le film Le Parrain, les mafieux ne déposent pas une pizza au pied du lit d’un ennemi endormi, plutôt qu’une tête de cheval ensanglantée. Après tout, ce serait tout aussi drôle, comme blague.
Six mois après cette « blague », un jeune euro-québécois est entré dans cette même mosquée de Québec. Armé. Il a ouvert le feu : 6 morts. Ils ne sont pas morts de rire.
Islamophobie imaginaire, vraiment ?
Ce qui est sûr, c’est que le négationnisme de l’islamophobie, lui, existe bel et bien.