Tiré d’Algeria Watch.
La demande par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) de mandats d’arrêt internationaux à l’encontre du Premier ministre israélien et son ministre de la Défense pour « crime de guerre » est un fait sans précédent et franchement inespéré, malgré la sinistre profusion de pièces à conviction depuis au moins le début de la meurtrière expédition punitive lâchée contre la population de Ghaza.
Pour mesurer la puissance du coup de tonnerre, il suffit probablement de regarder du côté des réactions unanimement outrées émanant d’Israël. « Ignoble », « scandaleux », « catastrophique », … suffoque-t-on du côté de Tel-Aviv dans une vague d’indignation qui recolle les morceaux d’une classe politique, au pouvoir et dans l’opposition, très divisée jusque-là sur la manière de conduire la guerre.
Plus édifiant encore, l’affolement qui s’empare du protecteur patenté, les Etats-Unis.
Les grosses pointures de l’administration Biden ainsi que le groupe républicain au Congrès se découvrent à leur tour un ennemi commun et prioritaire à abattre. Anthony Blinken, le secrétaire d’Etat américain, comme son Président, trouve « honteux » que des mandats d’arrêt soient réclamés à l’encontre des deux dirigeants israéliens, en sortant encore la rengaine pathétique de démarche pouvant compromettre les négociations sur l’arrêt des hostilités à Ghaza.
Les deux paraissent particulièrement remontés contre un prononcé de requête qui fait « équivalence » entre les dirigeants du Hamas et ceux de l’Etat hébreu, parce qu’il remet complètement en question le récit matraqué depuis plus de sept mois sur le droit de la « démocratie » israélienne à se défendre contre l’agression « terroriste » du Hamas. Le groupe républicain, quant à lui, s’apprête à décider d’une batterie de « sanctions » contre le parquet de la CPI et ses juges.
En dehors de quelques exceptions mesurées, c’est globalement la teneur des réactions dans la sphère occidentale dont, faut-il le noter, aucun dirigeant ni allié n’a jamais été concerné auparavant par une poursuite internationale.
Les menaces brandies contre les magistrats de la Cour par Tel-Aviv et Washington depuis le début du mois n’auront donc pas dissuadé le Britannique Karim Khan, le procureur général, de faire son boulot.
Du moins jusqu’à ce stade de la procédure et en attendant la réponse des juges. La partie décisive se jouera dans les semaines ou les mois qui nous séparent de l’émission, ou non, des fameux mandats.
Au-delà de la solidité du contenu technique du dossier d’accusation, la bataille s’engage clairement sur le terrain politique et diplomatique. Les Etats-Unis, qui n’ont pas qualité d’adhérent à la juridiction internationale (comme la Chine et la Russie, entre autres), vont certainement ameuter les alliés membres de la Cour, dont les pays de l’UE, pour faire pression ; ce même groupe d’Etats qui avait été mobilisé par Washington pour faire émettre un mandat d’arrêt international contre Vladimir Poutine en mars 2023.
L’épreuve aujourd’hui concerne tout le dispositif déjà très décrié de régulation, d’arbitrage et de médiation dans les relations internationales et la crédibilité de ses institutions. Après avoir clairement mis à nu, au-delà de ce qui était su, la structure dysfonctionnelle et inefficace du Conseil de sécurité de l’ONU, la double standardisation consacrée dans le traitement des conflits, assumée par le bloc occidental, la guerre contre Ghaza impose un test de légitimité décisif aux juridictions internationales.
L’issue des fronts qui se sont ouverts à la Cour internationale de justice (CIJ) et à la CPI pourrait sauver un peu de l’honneur de la communauté internationale en faisant d’Israël et ses dirigeants des « justiciables » comme les autres, ou, a contrario, creusera davantage la fracture et précipitera l’effondrement de l’édifice du droit international et des valeurs censées le sous-tendre.
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