Édition du 17 décembre 2024

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Environnement

La parodie burlesque de l’accord de Paris

Dans la mesure où l’industrie produit, use et fait commerce des énergies fossiles, la croissance demeure un facteur crucial des changements climatiques. Dans de telles conditions, et tant et aussi longtemps que l’humanité sera confinée sur la Terre, une planète limitée et polluée, avec une quantité de ressources limitée, la croissance menacera la survie de l’espèce humaine.

Dans les années 1960 et 70, beaucoup souhaitaient (ou s’attendaient) que le grand capital repu d’une accumulation sans précédent de richesses finisse par s’attendrir sous la pression populaire et qu’il en résulte une plus juste répartition de la richesse collective et l’apparition de technologies propres qui faciliteraient la vie. On renvoyait aux calendes grecques les soucis du gaspillage des ressources. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’élite financière, industrielle et politique, a choisi de pressurer les pays émergents et de maintenir l’exploitation d’énergies de plus en plus sales afin de capitaliser moyennant la croissance. Et cette boulimie de capitaux, qui n’est rien d’autre qu’un insatiable appétit de privilèges et de pouvoir, se réalise par une croissance sans fin dont l’aboutissement est un effondrement économique et environnemental. La population, qui n’a jamais revendiqué sa voix au chapitre en matière d’économie, est contrainte aujourd’hui de faire face aux conséquences environnementales et économiques d’une croissance fatale intimement liées à la consommation, aux failles de la démocratie, aux façonnages biaises des médias et des entreprises de communications, aux mécanismes financiers, à la croissance démographique et au développement industriel. [1]

Sous la pression des groupes environnementaux, scientifiques et de la population, des rencontres internationales à grand déploiement sont organisées où l’on discute, parlemente, rédige et ratifie, avec un empressement théâtral, le 5 octobre 2015, l’Accord de Paris, une entente peu contraignante dans laquelle sont établis des objectifs de réduction des gaz à effets de serre et une norme de la hausse de température de 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle à ne pas dépasser. Un défi insurmontable dans une économie de croissance fondée sur le pétrole dont le volume s’accroît par des méthodes d’extraction toujours plus coûteuses et sales. Aucune mention dans l’accord d’une intention d’abandonner l’extraction des énergies fossiles.

Plus grotesque encore, l’Arabie Saoudite a obtenu que les mots « pétrole », « énergies fossiles » et « charbon » ne soient évoqués dans l’accord, alors même que selon les estimations d’une étude scientifique de McGlade et Ekins, si nous voulons rester sous la barre des 2 °C, le tiers des réserves de pétrole, la moitié de celles de gaz naturel et les quatre cinquièmes des réserves de charbon devront demeurer sous la terre entre 2010 et 2050, ce qui ne risque pas d’arriver dans le contexte politico-économique actuel. Les problèmes démographiques sont aussi exclus de l’équation. Ces faits patents suffisent à faire ressortir le côté fantaisiste de l’Accord de Paris.

Les États-Unis, la plus grande puissance militaire du monde et le plus grand pollueur après la Chine (qui ont rejeté l’Accord de Paris), montrent les dents avec une politique agressive de développement de gaz et de pétrole de schiste. Le Canada, malgré ses engagements, poursuit l’exploitation du gaz de schiste et de ses sables bitumineux. La Chine, qui refuse de décroître, brûle de grandes quantités de charbon malgré ses politiques vertes.

Paul Oquist, très au faîte de la duperie et représentant du Nicaragua (pays où la consommation d’énergie est déjà à 75% renouvelable), affirmait sans faux-fuyant : « … nous ne voulons pas être complices d’un processus qui entraîne le monde vers une augmentation de 3 à 4 °C, ainsi que de la mort et de la destruction que cela représente ». Cette nation, qui souhaite atteindre le pourcentage exemplaire de 94% en énergie renouvelable pour 2027, n’est-t-elle pas en droit de se montrer indignée de cette parodie grotesque des États pétroliers ?

La réponse typique des gouvernements des nations face au problème incontournable de la dilapidation absurde des ressources et de ses conséquences économiques et environnementales désastreuses est un silence convenu. On évite soigneusement d’aborder ces sujets épineux qui pourraient remettre en cause l’économie capitaliste. Comment, en effet, notre économie, fondée sur la croissance, pourrait-elle résister à une pénurie de ressources ? C’est la raison pour laquelle la classe politique répugne à traiter publiquement un sujet aussi délicat et tortueux. — (elle ne peut plaider l’ignorance puisque les limites de la croissance ont été abondamment traitées dans de nombreuses études et ont fait l’objet de divers rapports onusiens.)

Quant aux problèmes écologiques chroniques, ils sont traités dans une perspective restreinte des changements climatiques. Les dérèglements du climat, déjà amorcés, sont une véritable menace, mais la couverture sélective qu’en font les classes politiques et les médias, élude l’évidente nécessité de la décroissance (démographique et industrielle), ainsi que le problème de l’épuisement des ressources qui exige lui aussi de pressantes réponses.

Les signataires de l’Accord de Paris ont promis de se réunir au cours de la décennie 2020 (dans 6 longues années !) afin d’évaluer les progrès réalisés (s’il devait y en avoir, ils seraient bien minces) et rectifier le parcours au besoin. Chacun présentera sous le meilleur jour les expédients d’un désastreux bilan environnemental qui n’auront été que des mesures dilatoires sans effets notables. Puis, face à une montée en puissance de la pression populaire en réaction au syndrome flagrant d’une catastrophe pronostiquée depuis des lustres, on tentera d’amortir ces ressacs de consternation et d’indignation en offrant à la population le spectacle d’une autre opération médiatique de Greenwashing bien ficelée. Et si au cours de la prochaine décennie aucune évolution favorable dans les mœurs économiques et politiques ne devait apparaître, peut-être aurons-nous droit, suite à un effondrement de l’économie, à un régime de crise qui pourrait bien s’apparenter à une espèce de technocratie éprise de novlangue, à mi-chemin entre « 1984 » et « Le meilleur des mondes », aux mains de nos élites perverses, sournoises, richissimes et intraitables.


[1Pour plus d’information, voir l’article en référence « La transition énergétique au Québec ».

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