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Twittergate ? Ou une simple manoeuvre politique de Poilievre

La CBC-Radio-Canada est loin d’être le seul média à recevoir des fonds du gouvernement canadien. Pourtant elle est devenue la cible des attaques de P. Poilievre qui y voit un moyen facile de conforter sa base.

Quelqu’un devrait lui dire qu’il doit changer de lunettes : le gouvernement ne contrôle pas les nouvelles que diffuse la CBC.

John Miller, rabble.ca, 20 avril 2023
Traduction, Alexandra Cyr

Le leader conservateur fait campagne pour limiter la portée du gouvernement. Dans ce cadre, il a rendu publique une lettre datée du onze avril et envoyée au réseau Twitter lui demandant de notifier sur sa plate-forme que CBC était un réseau de nouvelles « financé par le gouvernement ». Il écrivait : « Nous devons protéger les Canadiens.nes contre la désinformation et la manipulation de ce média d’État ».

Peu après, Twitter a appliqué cette demande et M. Poilievre s’est vanté que le diffuseur public avait été « officiellement été étiqueté diffuseur de propagande Trudeau, pas de nouvelles ».

Si cela n’était pas cynique, ridicule et complètement faux, Twitter l’a rendu encore plus stupide. Au point de départ, la plate-forme, propriété d’Elon Musk, stipulait que le réseau était financé par le gouvernement à hauteur de 70%. Par la suite ce chiffre a été abaissé à 69%. Certains observateurs.trices ont pensé que ce n’était là qu’une autre des farces sexuelles typiques du personnage. Le lendemain, il tweetait que la CBC disait que ce financement était moindre que 70% : « nous avons donc fait la correction ».

Cela veut dire que la base de droite de M. Poilievre a gobé son tour de force politique. Le chroniqueur Brian Lilley du Toronto Sun écrivait : « oui la CBC est un média financé par le gouvernement et la note de 69% de E. Musk est juste ». Il est allé jusqu’à dire que la CBC qui se dit neutre en politique ne l’est pas en fait : « Le public peut signaler à mon journal que je ne suis pas neutre, mais je ne l’ai jamais prétendu pas plus que le Sun d’ailleurs. Comme tous les médias nous avons une position éditoriale et contrairement à la CBC, nous ne recevons pas un milliard du gouvernement ».

M. Lilley a tout faux, que ce soit dans ses calculs ou dans sa prétention à être libre de tout financement du gouvernement. Postmedia, un des plus grands éditeurs du Canada, propriétaire du Sun, rapporte un confortable financement de 600 millions de dollars, que le gouvernement fédéral a réservés avec d’autres incitatifs, pour les prochaines cinq annnées, à titre de soutien aux diffuseurs en difficultés. J’imagine qu’il serait le premier à s’offusquer si Twitter étiquetait sa chronique « soutenue par le gouvernement ».

Avec Twitter, il a exagéré la part de financement du gouvernement à CBC. En fait ce financement ne vient pas du gouvernement mais bien via les procédures financières du parlement. Selon CBC et son rapport annuel, elle a reçu 1 milliard deux cents mille dollars d’Ottawa en 2021-22. Cela représente 65.6% de son budget annuel, pas 69%.

Cette tempête dans un verre d’eau a commencé quand M. Poilievre a demandé à Twitter d’appliquer sa politique d’étiquetage « financé par le gouvernement » simplement parce que l’organisme reçoit du financement du gouvernement fédéral. Mais la politique de la plate-forme stipule que l’étiquette ne s’applique « qu’aux médias où le gouvernement contrôle les éditoriaux à travers son financement, fait des pressions directes ou indirectes ou exerce du contrôle sur la production et la distribution ».

Nous connaissons suffisamment CBC pour savoir que si le gouvernement tentait ces manœuvres, le président, le conseil d’administration et toute la salle des nouvelles de l’organisme se lèveraient comme un seul homme contre cela.

Ces temps-ci, dans ses rassemblements, M. Poilievre est souvent salué par le slogan « coupez le financement à la CBC ». Cela est en concordance avec sa promesse de s’en prendre à ce média s’il est élu. Il n’a pas proféré les mêmes menaces contre Radio-Canada le diffuseur de langue française.

Alors que l’audience de CBC est en baisse, à peine 3,9% de la population canadienne à son antenne, Radio-Canada est massivement suivi au Québec. Les Conservateurs espèrent y faire une poussée lors de la prochaine élection fédérale.

Il faut donc voir la guerre de M. Poilievre contre le diffuseur pour ce qu’elle est : une tentative mal dirigée et biaisée d’affaiblir une institution nationale.

Il est intéressant de se rappeler, qu’alors qu’il était étudiant, M. Poilievre a gagné 10,000$ pour un travail où il exposait comment, à titre de premier ministre, la liberté serait la plate-forme de son gouvernement. Durant sa campagne au leadership, il a promis de rendre le Canada « le pays le plus libre de la terre », en limitant la portée du gouvernement, un thème tiré directement de son travail étudiant de 2,500 mots.

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