Ma compréhension de l’urgence climatique
a beaucoup évolué depuis un an
Le 7 novembre, c’était aussi le 40ième anniversaire
du premier grand sommet mondial
sur le réchauffement climatique
tenu à Noordwijk, aux Pays-Bas
en 1979
À cette conférence
la science relayait son message
sur l’effet de serre
aux dirigeants politiques
du monde entier
Depuis cette conférence
la quantité de carbone émis dans l’atmosphère
a été plus importante
qu’au cours de toute l’histoire humaine
qui a précédé ce sommet
Nous ne réduisons pas
nous continuons à nourrir le monstre
En 1990, on émettait 20 milliards de tonnes de CO2aujourd’hui, loin d’avoir réduit nos émissions,
nous les avons pratiquement doublées
Ça, c’est notre dure réalité
Depuis la sortie du rapport du GIEC
le 8 octobre 2018
j’ai abondamment fréquenté la littérature scientifique
j’ai eu le privilège d’être informé par plusieurs esprits généreux et brillants
j’ai assisté et participé à des centaines de discussions
conférences, débats,
rencontres de toutes sortes
avec toutes sortes de monde
de tout âge et de tout horizon
Et il n’y a aucun doute dans mon esprit
que si nous sommes de plus en plus nombreux
à être en ébullition
pour répondre à la crise
la réponse que nous apportons
individuellement et collectivement
n’a pas de commune mesure
avec la gravité de la situation
Le fossé entre ce que la science nous dit
et ce que nous posons comme actions
concrètes et déterminantes
est tout simplement vertigineux
Je sais que je ne devrais pas dire ça
que c’est contre-productif
que c’est déprimant
que ça angoisse
et que l’éco anxiété paralyse
mais en toute honnêteté
si on regarde les choses bien en face
le constat est impitoyable
sur l’état du monde
et sur nous-mêmes
Ce constat, c’est le suivant :
Le climat se dérègle
la vie se meurt
et nous n’arrivons pas à améliorer les choses
de façon significative
Voilà où nous en sommes
un an après le lancement du Pacte
Nous n’arrivons même pas à nous convaincre
collectivement
de l’urgence de passer à l’action
toutes affaires cessantes
franchement et résolument
Souvent, nous ne savons même pas tout à fait quoi faire
à commencer par nos gouvernements
qui au mieux sont en train d’étudier la situation
tiennent des discours démagogues pour nous faire croire
qu’ils agissent de façon réaliste ou pragmatique
en ménageant la chèvre, le chou, le pétrole et le gaz
On n’est pas en train de prendre le taureau par les cornes
Je constate que le rapport du GIEC lui-même
qui a sonné l’alarme et l’urgence plus que jamais
était somme toute un rapport optimiste
et que c’est la partie pessimiste de ses prévisions
qui s’avère aujourd’hui
C’est ce que Greta Thunberg soulignait dans son discours de Montréal
en portant notre attention sur le budget carbone
qui fond à vue d’œil
Il y a un an
le rapport du GIEC disait nous avons 12 ans
pour nous donner 67 % des chances
de limiter le réchauffement à 1,5 degrés
Si nous réduisons nos émissions de carbone de moitié d’ici 2030
les nouveaux chiffres nous disent
qu’il ne nous resterait que 8 ans et demie
Des réactions en chaîne incontrôlées ont commencé à apparaître
et vont se multiplier, visiblement
pour faire s’effondrer l’équilibre du système planétaire
Fonte de la banquise et des calottes polaires
inondations
engloutissement des îles et des villes côtières
incendies dévastateurs
acidification des océans
et caetera
Le dérèglement du climat n’est pas le seul aspect de la catastrophe
La sixième extinction de l’histoire de la Terre
est en cours
et la tendance actuelle
est à l’accélérationde la dégradation de la vie
Chaque jour
200 espèces vivantes
disparaissent
Les scientifiques parlent
d’anéantissement biologique
C’est un crime de destruction massive
auquel nous assistons
à l’échelle du monde
et si nous faisons des progrès
la dégradation se poursuit à un rythme beaucoup plus rapide
que les progrès que nous marquons
Nous sommes les contemporains de
l’effondrement spectaculaire de la biodiversité
La pollution aujourd’hui tue
trois fois plus d’êtres humains que le sida
Six millions de morts
par année
Et ça continue de progresser
Les animaux ont de moins en moins
d’espace pour vivre
Des espèces diurnes vivent maintenant
la nuit
pour se donner un peu d’espace de liberté
face à l’avancée des humains
sur leurs habitats
La déforestation ne se contente pas de progresser
elle s’accélère
L’agriculture intensive
liée à l’élevage industriel du bœuf surtout
progresse elle aussi de jour en jour
Et dans mon potager
les abeilles sont loin d’être aussi nombreuses
qu’il y a quelques années à peine
pour poliniser mes plants de tomates
Yep
Un certain nombre de directions simples peuvent être prises
pour endiguer la catastrophe
Il y a un an
dans l’esprit de répondre à l’appel
on a lancé le Pacte pour dire :
Nous prenons acte
de ce que la science nous dit
Nous répondons présents
à l’urgence d’agir
Il faut agir
alors agissons
agissons maintenant
par des gestes concrets
Passons de la parole aux actes
Yes, we can
alors faisons-le
encourageons-nous dans un grand mouvement collectif
soyons ce changement que nous voulons
Voilà ce que nous disions il y a un an
on était jeune et candide
inquiets mais debout au milieu du désordre
résolus devant l’impossible
Depuis un an je passe les trois-quart de mon temps
à tenter de mobiliser autour de l’urgence d’agir
à rencontrer autant de gens que possibles
de tous les horizons, de toutes les générations
dans les écoles, les cégeps, les universités
dans les milieux de travail, les assemblées de citoyens,
avec des gens d’affaires, des syndicats, des agriculteurs,
des commerçants, des groupes communautaires, des politiciens
à Montréal, à Québec et en région
et j’ai rencontré, oui, beaucoup, beaucoup d’enthousiasme
et beaucoup d’encouragement
à chaque jour
Mais je continue de me buter aussi
à beaucoup d’indifférence et d’ignorance
de résistance au changement
Et de virulence comme jamais dans ma vie
Chacun sa raison de ne pas faire sa partok, mais les américains
ok, mais les chinois
ah moi, les artistes
pus capables
Come on
Il est évident qu’il y a un coût à mettre en place
des solutions, des changements d’habitudes et de comportements
mais il est largement admis que le coût de l’inaction
sera immensément plus élevé
Il ne s’agit plus d’être optimiste ou pessimiste
mais d’être déterminé
d’être dans l’action
que quelque chose se passe
et que nous puissions commencer à mesurer
les résultats de nos actions
Je vais vous dire une expérience qui me console
Il y a quinze ans ma femme et moi
on s’est acheté un petit lopin de terre
le long de la route 132
un « pit » de sable
une terre en friche
la terre des pauvres au bout du village
On y a planté des milliers d’arbres
on y a rénové les bâtiments en ruines
on a commencé à y jardiner
Cet été,
une famille de 5 aigles à tête blanche y nichaient
on y a vu un orignal, des chevreuils, des renards, des perdrix, des dindons sauvages
des ratons laveurs, des maudites marmottes
(qui viennent dévorer tout ce qu’elles peuvent !)
et une multitude d’oiseaux
On n’a pas acheté de légumes à l’épicerie depuis le mois de mai
et on vient tout juste de mettre fièrement en compote
les pommes de nos pommiers pour l’hiver
Je sais que nous faisons des progrès
je sais que beaucoup d’hommes et de femmes
sont à l’œuvre
je sais que nous changeons d’attitude,
d’habitudes et de comportements
Mais je constate que quelque chose continue de clocher
Grave
Je ne doute pas du fait que c’est dans l’action
que les consciences s’éveillent
et que nos gestes individuels sont absolument
nécessaires et utiles
inspirants, encourageants
Mais je sais que la dégradation
va plus vite que nos progrès
et je sens aujourd’hui,
au bout de tous ces efforts individuels
des décisions politiques d’envergure s’imposent
dans l’année qui vient
Cette crise est une crise
qui doit être traitée comme une crise
C’est ce qu’on ne parvient pas à faire pour l’instant
et le temps s’écoule
J’espère que des actions convaincantes seront annoncées
de la part des gouvernements Legault et Trudeau
J’espère que des décisions courageuses seront prises
qui vont nourrir l’enthousiasme plutôt que le cynisme
J’arrive de plus en plus difficilement à me divertir
du cœur du drame
et de l’ampleur de la catastrophe
Et je crois qu’une partie de ma joie de vivre
a été atteinte ces derniers temps
Plus que jamais je sens que nous devons aussi préserver
dans nos intimités
l’espace de la joie
Préserver de l’espace pour l’amour
pour l’amitié
du temps pour vivre en harmonie
Je renouvèle aujourd’hui mon engagement envers le Pacte
Mon engagement à tenter de répondre à l’urgence
par des actions concrètes
Le premier champ d’action
le plus essentiel et le plus simpleet le plus utile où nous pouvons agir
c’est bien sûr les gestes que nous pouvons poser
nous mêmes
Parmi ces gestes
le premier que l’on doit et que l’on peut poser
c’est réduire notre consommation
Je m’engage à réduire davantage ma consommation
Il y a des choses qui doivent croître
et il y a des choses qui doivent
décroître
Je m’engage aussi à faire décroître ma production
et à faire croître
l’espace intime qui naturellement
me porte à la joie
Ce sens de la joie de vivre
que j’ai un peu compromis depuis un an
Nous produisons trop de biens
nous utilisons trop de matière
et trop d’énergie
C’est raisonnable aujourd’hui d’affirmer que
dans un monde où les ressources sont limitées
une croissance infinie de l’utilisation des ressources
est insoutenable
Et que, donc, consommer moins est une nécessité absolue
C’est la seule voie d’un avenir possible
Ça signifie utiliser moins de ressources et moins d’énergie
pour moins produire
C’est ce qu’on appelle la décroissance
La décroissance de la consommation et de la production
s’accompagne nécessairement d’une décroissance économique
Est-ce que la décroissance doit être strictement une initiative individuelle
inspirée par l’éveil de nos consciences
la sagesse
la beauté du geste ?
Est-ce que notre libération de cette façon de faire mortifèrepassera par une décision politique ?
Viendra-t-il un jour où on se félicitera aux nouvelles
d’une chute de la croissance
d’une baisse du PIB
d’une hausse du progrès véritable
du bonheur commun
de la qualité de la vie
Quand le mur de Berlin s’est effondré
le capitalisme triomphant, au lieu de se relaxer
s’est radicalisé
et on n’a pas su l’encadrer
l’endiguer
lui calmer les nerfs
On n’a pas été capable du nouveau deal qui s’imposait
Alors aujourd’hui
devant l’immensité du problème
le choix individuel est le plus souple
le plus simple, le plus direct
le plus susceptible de nous donner un résultat à notre portée
Consommer moins
se déplacer en polluant moins
manger moins de viande
y a beaucoup de place là pour des progrès
qui peuvent être non seulement immenses
mais assez rapides
si on s’y met
Mais la responsabilité individuelle ne suffira pas
Et lorsque l’éveil de nos consciences ne suffit pas
et que les ventes de Ford F-150 continuent d’augmenter
on a besoin de lois
On a besoin de taxer
pour modifier les comportements néfastes
et pour financer les bonnes pratiques
Nous sommes tous d’accord pour que des lois
des règles, des interdits,
nous empêchent de commettre des meurtres
Les lois existent pour encadrer et limiter nos libertés individuelles
quand ces libertés nuisent au bien commun
En réalité, les lois sont écrites et acceptéespour préserver les libertés essentielles
L’eau que l’on boit
l’air que l’on respire
la terre dont on se nourrit
l’atmosphère où nous vivons
sont les quatre éléments sacrés
du monde dans lequel nous vivons
Ils font partie du bien commun
qu’il est impératif de défendre
Il est urgent de protéger la Terre où nous vivons
d’encourager la liberté d’entreprise
quand elle est en phase avec la vie
et de limiter cette liberté d’entreprise
quand elle la menace, la vie
Nous ne sommes pas libres de tuer
les hommes, les femmes et les enfants qui nous entourent
ni de les blesser, de violer, de torturer
En interdisant à quelqu’un de conduire en état d’ivresse
ou à faire son stop au coin de la rue
on limite sa liberté, momentanément
pour lui donner une liberté de vivre et de laisser vivre
plus longtemps
Nous nous accordons pour que des lois claires
nous obligent au respect
Nous ne sommes pas plus libres
de tuer la vie sur terre
nous ne sommes pas libres de décider
que nos enfants ne pourront pas vivre
La privation de la liberté de détruire doit être mise au sommet de nos priorités politiques
À commencer par refuser pipelines et gazoducs
Nous avons le devoir de regarder la réalité en face
de partager la vérité
Cela appelle une campagne d’éducation
J’ai traité le ministre de l’éducation de stupide
et je regrette mon arrogance
Ce que j’aurais dû exprimer cette fois-là
c’est mon regret de constater qu’un an après l’alarme sonnée par la scienceaprès que la planète se soit invitée à l’école, au cégep et à l’université
on n’ait pas jugé de toute première importance de donner dès la rentrée de cette année un cours à tous les niveaux d’enseignement
sur les causes du réchauffement climatique
et sur les façons d’y répondre
Plutôt que de dénigrer les élèves et les étudiants qui avaient décidé de prendre la rue avec Greta Thunberg le jour de la grève mondiale pour le climat
Depuis des générations, plus ou moins inconsciemment, nous nous sommes accordé le droit de détruire sans trop savoir les conséquences dévastateurs de nos actes
Ça n’est plus le cas maintenant
Maintenant, nous savons
Et ceux qui doutent encore
ou qui sont dans l’ignorance
méritent d’être instruits
Nous avons le devoir de reconnaître
que nous nous sommes trompés
et nous devons prendre en charge
collectivement
les solutions qui s’imposent
C’est à ceux qui en ont les moyens de financer la transition
À commencer par ceux à qui profite
l’exploitation des ressources du monde
Comme le dit Laure Waridel dans son récent livre
il faut organiser autrement le territoire que nous habitons
pour faciliter des façons de se déplacer autrement
il faut produire autrement
consommer autrement
bâtir et se loger autrement
se chauffer ou climatiser nos habitats autrement
voyager autrement
transporter les marchandises autrement
Simplifier
refuser
et réduire
On ne peut plus dépenser autant d’énergie
même une énergie renouvelable
(il n’y a pas d’énergie propre)
on ne peut plus autant gaspiller
on ne peut plus autant tueron ne peut plus autant utiliser de plastique
Mais se passer de pailles et de sacs de plastique ne suffira pas
Bien sûr, il faut commencer par agir
partout où c’est le plus facile
et il faut prendre l’initiative de sortir le plastique de nos vies
Mais il faut aussi, en même temps, privilégier
les gestes et les actions qui sont les plus nécessaires
là où l’impact sera le plus efficace et significatif
Comme les pipelines, les gazoducs et les troisièmes liens
qui encouragent l’étalement urbain
La mise en œuvre de tous ces changements qui s’imposent
est aussi une chance d’améliorer non seulement
le monde dans lequel on vit
mais nos façons de vivre
notre vie elle-même
Celle de tout le monde
Ce qui peut sembler a priori un sacrifice
peut devenir une source de bonheur
Une guerre contre la fin du monde doit être déclarée
dès maintenant
Mais cette guerre ne doit pas rajouter à la souffrance,
de la vie sous toutes ses formes
Cette guerre doit être menée pour endiguer la souffrance
pour permettre à la vie de retrouver
la voie de la renaissance
Nous avons le devoir de nous donner pour but
que personne ne souffre
du virage écologique de nos économies
Ni les hommes, les femmes et les enfants
les plus pauvres et les plus vulnérables
Ni les travailleurs et travailleuses
affectées par les changements
ceux et celles qui devront changer de métier, notamment ceux et celles qui œuvrent dans le monde pétrolier et gazier
Ces changements doivent être faits en toute justice
personne ne doit être sacrifié
Comme la richesse
l’effort collectif doit être partagé
Car il y a une équation évidente ici :
Plus les citoyens sont riches
plus ils ont la possibilité de se soustraire
aux impacts des bouleversements climatique
Ces bouleversements provoqués par les habitudes de vie
des plus riches
à qui a profité
et à qui profitent encore
l’usage des ressources
en matière et en énergie
qui entraîne la dégradation de notre monde
Nous avons besoin de politiques
et de gouvernements justes
qui font de l’écologie
la priorité
Nous avons le devoir de regarder les choses en face
de parler vrai
De mettre de côté ce qui nous divise
Et de nous cracher dans les mains
Et surtout de ne pas perdre de vue
ce pourquoi nous nous battons
La beauté de la vie
C’est tout ce que nous sommes
et tout ce que nous aimons
Dominic Champagne
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