Il faut se rappeler que la guerre est en cours est d’une certaine façon la répétition de la dernière guerre de novembre 2012. Il y avait eu un carnage de Palestiniens pendant huit jours pour se terminer dans un accord de cessez-le-feu, puis une sorte d’entente entre les parties. Hamas devait cesser les tirs de roquettes, en échange de quoi le gouvernement israélien devait mettre fin cesser à toutes les attaques contre Gaza, par terre, par mer et par air, également, rouvrir les frontières. Malheureusement, Israël n’a pas respecté ses promesses. L’armée a continué de tirer sur les fermiers qui s’approchaient trop près de la frontière pour ramasser leurs olives. On a empêché les pêcheurs palestiniens de pêcher. De soi-disant « zones-tampons », en territoire palestinien, ont été déclarées interdites. La frontière est restée à peu près fermée. En janvier 2013, Netanyahu faisait sa campagne électorale sur le thème de « aucun compromis avec les Palestiniens (il a gagné).
En dépit de ce blocage, Hamas a respecté la cessation des attaques. Des groupes dissidents ont continué, mais ils ont été réprimés par Hamas, ce qui fait que, tout au long de 2013, le tir de roquettes a atteint son point le plus bas (moins qu’en 2003). Hamas misait sur la voie diplomatique, en comptant sur le nouveau gouvernement égyptien, qui a effectivement ouvert ses frontières. Mais en juillet, ce gouvernement a été renversé par des militaires. La pression s’est accentuée, au point où la situation sociale et économique de Gaza est devenue catastrophique. Vaste prison à ciel ouvert, Gaza s’est retrouvé dans le noir 12-15 heures par jour, l’eau potable suffisant à couvrir à peine 15% des besoins. Aliments, médicaments, fuel, produits essentiels ont commencé à sérieusement manquer. L’administration de Hamas ne pouvait plus payer le salaire des employés de la fonction publique.
Dans ce contexte, Hamas a réanimé les négociations avec l’Autorité palestinienne qui domine en Cisjordanie. Un gouvernement d’unité nationale a été constitué, n’incluant aucun représentant de Hamas. Les forces militaires contrôlées par Mahmoud Abbas devaient se déployer à Gaza, sans pour autant que les activités de Hamas en Cisjordanie ne soient réellement légalisées. Plus encore, Hamas a accepté les conditions imposées par les États-Unis : cessation de la violence, acceptation des accords signés et reconnaissance d’Israël.
Quelques jours plus tard (avril 2014), le gouvernement américain a reconnu, avec réticence, la formation de ce gouvernement d’unité nationale, en dépit de l’opposition d’Israël. Il y a eu des dissensions au sein de Hamas, notamment parce que certains n’avaient pas confiance compte tenu de l’échec de 2012.
Finalement en juin, dans un climat de tensions, trois jeunes israéliens dans les colonies de peuplement illégales en Cisjordanie ont été tués. Peu après, un Palestinien de 16 ans a été brûlé vif à Jérusalem-Est. Hamas a déclaré de ne pas être responsable de cette détérioration, nonobstant, l’armée israélienne a entrepris une vaste opération conduisant à la détention de centaines de membres de Hamas en Cisjordanie. Entre-temps, des factions palestiniennes dissidentes ont recommencé le tir des roquettes. Le 6 juillet, un bombardement israélien tuait plusieurs militants de Hamas, et depuis, la guerre s’est enflammée.
Quels sont les enjeux du point de vue palestinien ? Hamas et l’opinion publique palestinienne, majoritairement, désirent un accord de paix, à condition qu’il soit respecté, contrairement à celui de 2012. Cet accord, rappelons-le, implique la cessation de toutes les hostilités, la réouverture des frontières et la libération des milliers de Palestiniens détenus sans accusation ni procès. Du côté israélien, le gouvernement actuel, une coalition entre la droite et l’extrême-droite, ne semble pas vouloir un accommodement. L’armée est plus réaliste, elle constate que les combattants palestiniens sont capables de tenir tête et que dans un sens, la guerre n’est pas « gagnable » et que les coûts humains et économiques sont énormes pour Israël. Le réseau de tunnels est efficace, ce qui explique les pertes élevées du côté de l’armée israélienne (plus de 60, contre moins de 10 en 2012, alors que l’armée s’était rendue en plein cœur de Gaza). Les pertes du côté de Hamas sont importantes, mais non catastrophiques. Les roquettes atteignent toutes les parties du territoire israélien, y compris la zone de l’aéroport de Tel-Aviv. Des milliers d’Israéliens sont déplacés. Ce point de vue « réaliste » hostile à la continuation de la guerre est aussi celui de l’administration d’Obama.
Mais pour le moment, l’impasse persiste. La résistance de Hamas à l’idée d’un arrêt de combats sans accord global est explicable. L’opinion palestinienne, y compris en Cisjordanie, a basculé derrière Hamas. Les faucons israéliens reprennent le même discours qui était de mise contre l’OLP qu’on accusait d’être des « terroristes ». Les néoconservateurs dans le monde, tels le gouvernement de Stephen Harper, reprennent ce thème. Résister contre l’occupation, c’est du « terrorisme », mais tuer des civils pour perpétuer cette occupation, c’est légitime.
Pour autant, la résistance actuelle ouvre la porte à une paix véritable qui implique, du côté israélien, non seulement la fin des combats, mais l’acceptation de la mise en place d’un véritable État palestinien, et donc, le retrait israélien de l’ensemble des territoires occupés en 1967, incluant Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-est. Il n’y a pas d’autre chemin.