Un certain nombre de ces entreprises ont leur siège social au Québec, d’autres aux USA et d’autres en Israël même. Une de celles-ci est d’ailleurs la Elbit Systems, la plus grosse compagnie de fabrication d’armes là-bas. La Caisse y a investi un tout petit montant (!), soit 1.1 M, mais c’est quand même troublant qu’un organisme qui gère les cotisations de nos fonds de pension aille jusqu’en Israël les faire servir à tuer des civils palestiniens ! Elbit System est d’ailleurs une des sept compagnies que le mouvement BDS international (Boycott Désinvestissment Sanction) suggère de cibler en priorité dans la campagne actuelle pour susciter un embargo sur l’armement destiné à Israël [2].
La Caisse a également investi dans deux autres de ces compagnies ciblées par le mouvement BDS : 41 M dans Hewlett Packard et 65 M dans Caterpillar, donc des compagnies américaines. Enfin, la Caisse a pour 25 M de placements dans CAE, cette compagnie bien de chez-nous (Ville St-Laurent) qui fabrique les simulateurs de vols de l’armée israélienne, et dans laquelle le Fonds de la FTQ ainsi que la SGF (Société Générale de Financement, organisme gouvernemental québécois) ont aussi mis pour au moins 100 M, ces dernières années [3].
Autre fait à noter dans ce tableau, la Caisse est le fonds de pension gouvernemental qui place le plus d’argent dans l’armement israélien, parmi tous les fonds pension au Canada, proportionnellement à sa population. Plus que l’Ontario et le fédéral.
Je rappelle que les actifs de cette Caisse proviennent essentiellement de nos poches à nous , « travaillants » du Québec, via principalement les cotisations que nous versons chaque semaine au RRQ (Régime des Rentes du Québec), puis via celles des employés du secteur public, par l’entremise de leur fonds pension spécifique, le RÉGOP [4] . Cela veut donc dire qu’une travailleuse d’hôpital finance l’armée israélienne au moins deux fois : une fois par son régime de retraite et une autre par le fonds général du Québec. En plus de le faire par ses impôts, évidemment, via la SGF, puis éventuellement par ses cotisations personnelles au Fonds de la FTQ ou par ses RÉER à la Caisse pop. [5] Selon mes calculs approximatifs, cela fait en sorte que la travailleuse d’hôpital québécoise type aurait versé jusqu’ici, sans le savoir, un montant d’environ 300$ à l’armée israélienne, pour l’aider …à bombarder des hôpitaux. L’enseignante ou l’éducatrice en garderie a versé le même montant…pour bombarder des écoles. Dans le cas du travailleur dans le privé au salaire minimum, qui serait trop endetté pour se payer des RÉER ou acheter des parts au Fonds de la FTQ, cela lui fait quand même quelques centaines de piastres qui vont servir à la même chose….Et cela, c’est sans compter ce qu’il a mis via ses impôts au fédéral, ni ses primes d’assurance automobile, puisque même les fonds de la SAAQ sont gérés par la Caisse de dépôt !
Nous sommes donc dans la situation où non seulement nous finançons presque tous, citoyens et citoyennes du Québec, cette tuerie en cours, mais que nous en bénéficierons encore plus par la suite puisque les rendements de nos fonds de pension seront bientôt à la hausse, l’armement d’Israël ayant besoin d’être renouvelé …en vue de la prochaine invasion de Gaza, d’une autre partie de la Palestine, ou d’un pays autour.
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Je vous laisse faire vous-même vos suppositions sur pourquoi nos fonds de pension sont si intéressés à faire des placements dans ces compagnies qui arment Israël. Par idéologie ? Appât du gain ? Les deux à la fois ?
Mais qui donc a décidé de placer ainsi notre argent à cet endroit, dans ce racoin du Proche-Orient ? Allons donc voir quelles personnes gèrent ces fonds.
Je passe par-dessus celui du fonds de pension du Canada, sur lequel je ne sais rien.
Puis je ne m’étire pas sur le Fonds de solidarité de la FTQ, dont le mode de gestion est mieux connu depuis les derniers mois, à cause d’un autre dossier, celui des constructions de trottoirs et autres infrastructures publiques. Sinon pour rappeler que le président de la FTQ est également le président du Fonds, dont la majorité des membres du c.a sont nommés par des syndicats affiliés. Cela fait en sorte, pour faire une légère bifurcation vers la manif de la Coalition contre l’agression à Gaza qui s’est tenue le 10 août dernier, que les porte-parole de la FTQ, en tant que porte-parole de leurs membres, y ont imploré Stephen Harper de dénoncer une agression et un blocus qu’eux-mêmes, en tant que défenseur des actionnaires au fonds cette fois, contribuent à supporter ! On n’en est pas à une schizophrénie près !
Quant à la gestion de la Caisse de dépôt, la composition de son c.a est détaillée sur son site internet. Je mentionne simplement qu’à ma connaissance, les présidences de centrales syndicales y ont siégé pendant longtemps, certainement durant les années où ces décisions de placement ont été prises, et que je n’ai jamais entendu dire que le président de la FTQ, pas plus que la présidente de la CSN, ne s’y soient objecté. Coïncidence ou pas, ces centrales refusent mordicus, depuis des années, d’appuyer la campagne de Boycott-Désinvestissements-Sanctions que je mentionnais précédemment.
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Voilà pour les informations dont je dispose pour l’instant. J’espère que d’autres personnes seront mieux placées que moi pour en trouver d’autres et seront surtout mieux placées pour s’en servir efficacement, afin que cela contribue à enrayer réellement, ne fut-ce que d’un grain de sable, le moteur d’un seul tank israélien.
Yves Rochon, Montréal, 12 août 2014