Eh bien, il y avait presque unanimité à ce propos dans la communauté médiatique : c’est parce qu’on voulait destabiliser la co-porte-parole de QS, Manon Massé, et au passage semer le doute auprès de tous ceux et celles qui de manière croissante —comme nous l’indiquent les derniers sondages— sont en train de penser voter QS au détriment du PQ. Manoeuvre habile, jugeaient même certains, puisqu’ainsi le chef du PQ obligeait QS, non plus à parler de son programme ou de ses propositions, mais à se retrouver en position défensive, forcé de revenir sur des événements ou des manières de faire inconnues du grand public.
Une vision profondément rétrograde de la politique
On ne s’est peut-être pourtant pas assez arrêté sur la signification profonde de l’intervention de Jean-François Lisée. Et pas simplement en termes de forme ou de ton, mais en termes de fond et de contenu. Car à y regarder de près, le chef du PQ, à travers sa question, a fait montre d’une vision profondément rétrograde de la politique et de la manière dont devraient fonctionner les partis en régime démocratique ; bien loin en tous cas de ce qu’on serait en droit d’attendre d’une formation qui se prétend progressiste et souverainiste et qui est donc en principe opposée aux formes de pouvoir autocratiques ou non démocratiques, qui plus est lorsqu’elles ont été héritées d’un lourd passé colonial.
En quoi vouloir que QS n’ait pas deux porte-paroles, mais un chef officiel —à la manière des vieux partis— serait a priori une garantie de transparence, de démocratie, l’indice d’un quelconque progressisme, en somme l’expression de valeurs égalitaires ? Qu’un parti de droite, comme la CAQ ou le PLQ tienne un tel discours, on le comprend, tant en régime parlementaire britannique, ce système d’un chef et d’un Premier ministre omnipotent reste garant de défense de l’ordre établi, mais venant d’un leader comme Jean-François Lisée, cela laisse plutôt songeur.
Le culte du chef
On ne le dira jamais assez : le culte du chef n’a jamais été l’indice d’une démocratie en bonne santé, l’histoire nous ayant appris à nous en méfier comme la peste. Et si dans le monarchisme constitutionnel britannique dont le Québec a hérité, celui-ci a pris la forme d’un Premier ministre à la fois paternaliste et tout puissant, garant d’abord et avant tout d’ordre et de stabilité, cela ne lui ôte aucune de ses dimensions fortement problématiques : concentration et personnalisation du pouvoir abusive, primat asphyxiant de l’exécutif sur le législatif, absence de contre-pouvoir démocratique authentique, sans parler bien sûr de l’existence distorsionnante d’un scrutin aucunement proportionnel. Rien en somme de bien démocratique !
Alors que dans sa pratique même, un parti comme QS cherche à rompre avec cet a-priori du « Chef », en se dotant de 2 porte-parole, en multipliant les congrès et les lieux de délibération collectifs, en somme en inventant de nouvelles manières de faire la politique (pour notamment permettre une plus grande égalité entre hommes et femmes), cela devrait être au contraire louangé, encouragé par quiconque se revendique des valeurs de l’égalité, de la souveraineté et du partage démocratique du pouvoir.
Pas de doute la mouche –rageuse et pleine de ressentiment —qui a piqué Jean-François Lisée en dit long sur ce qu’est devenu le Parti québécois en 2018. Et elle confortera au passage tous ceux et celles qui, aspirant à l’indépendance du Québec, réalisent chaque fois plus que le PQ ne peut décidément plus vraiment incarner leurs espoirs de changement. Qu’on se le dise !
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