La question n’est pas de savoir si la CAQ va attaquer la classe ouvrière, mais plutôt de déterminer quand et sur quel enjeu elle le fera. Comme le mentionnait la députée Christine Labrie de Québec solidaire dans Sherbrooke lors de sa victoire, nous devons « rester mobilisé·e·s » pour résister aux attaques qui s’en viennent.
Les quatre prochaines années risquent d’être pénibles. La tentation de la CAQ sera de privatiser, couper dans les services, faire la pluie et le beau temps sur la tête des travailleurs et travailleuses avec la bénédiction des chambres de commerce et du patronat. Sans compter leur totale indifférence concernant l’environnement, sujet pourtant incontournable.
Un rejet clair des vieux partis
Les deux partis qui se sont partagé l’alternance depuis des décennies ont eu une réponse claire de l’électorat : les travailleurs et travailleuses en avaient assez des vieux partis. Les libéraux et les péquistes ont chuté plus bas qu’ils ne l’ont jamais été dans leur existence. Le Parti québécois se retrouve en fond de grille derrière Québec solidaire, ce qui est quand même une descente plus que spectaculaire et un désaveu populaire profond envers ce parti qui n’emballe plus personne, ni avec l’indépendance, ni avec son alternative provincialiste des dernières années.
Le PLQ et le PQ ont tous deux connu le pire résultat de leurs histoires. Le PLQ est presque confiné à l’Ouest-De-L’Île. Le PLQ a payé le prix pour les scandales de corruptions répétitifs et les coupures radicales dans les services publics. Le Parti québécois a été éjecté de l’île de Montréal et n’est plus la principale force indépendantiste au pays. Son virage à droite lui a été fatal, une partie de son électorat a préféré voter pour un parti avec un programme clairement à gauche comme QS et son électorat de droite a également choisi un parti qui le représente plus. Être assis entre deux chaises n’est jamais payant et le PQ le constate amèrement aujourd’hui.
Québec solidaire est maintenant la voix de la gauche politique et indépendantiste au Québec. Il a non seulement remporté 10 député·e·s, mais est arrivé deuxième dans 12 circonscriptions, dont l’Assomption, celle de François Legault.
Un appui hétéroclite, mais une direction clairement à droite
Legault, pour semer la division et lui permettre de passer son programme politique du 1 %, risque de continuer à utiliser la question identitaire. Mais, en pleine crise de pénurie de main-d’œuvre, il serait idiot de poursuivre dans cette voie. Surtout que plusieurs éléments concernant l’immigration relèvent du gouvernement fédéral. Il serait surprenant que la CAQ parte en conflit avec Ottawa sur cette question.
La CAQ semble vouloir aller de l’avant pour l’interdiction des signes religieux dans la fonction publique. Le mouvement syndical devra saisir cette belle occasion pour organiser une campagne de terrain contre le racisme et l’intolérance dans les milieux de travail. Par contre, Legault, en bon boss, va toujours choisir le camp de l’argent avant la question identitaire. Ce qui risque, tôt ou tard, de froisser son électorat conservateur.
Le vote massif pour la CAQ n’implique pas nécessairement un appui clair pour son agenda capitaliste et identitaire. La CAQ est un parti de transfuges qui ont pour unique dénominateur commun le rejet du débat fédéraliste vs souverainiste et le respect de Legault, le chef. Plusieurs nouveaux et nouvelles député·e·s de la CAQ ont des attentes sur des enjeux sociaux tels que les proches aidant·e·s. Dans la plate-forme de la CAQ, il a plusieurs mesures qui nécessitent l’intervention de l’État, mais aussi des services publics fonctionnels. Dès les premiers signes de mesures d’austérité ses appuis risquent de s’effriter rapidement.
Comme nous le disions dans nos perspectives en 2012 : « La base sociale du parti se compose principalement d’un éventail de gens d’affaires lésé·e·s tant par le PQ et le PLQ. Les partisan·ne·s de François Legault misent beaucoup sur l’opportunisme et sur des appels au changement pour se différencier des autres politicien·ne·s et les gens se font toutes sortes d’attentes face à ce parti. »
C’est ce qui lui a permis de prendre le pouvoir avec une majorité, mais c’est également un élément qui le rend fragile. Il y a déjà donc de belles perspectives de mobilisation de masse.
Pour une alliance avec le PQ ?
Malgré son mépris et son snobisme par rapport à QS durant la campagne, Lisée a tout de même ramené sur le tapis la question de l’alliance électorale. Le congrès de Québec solidaire a refusé à trois reprises ce pacte. Cela aurait ouvert la porte à la marginalisation des revendications sociales et populaires de QS pour se mettre au service de la bourgeoisie francophone et nationaliste du Québec. Cet intérêt de la direction de QS pour cette idée, malgré nos oppositions systématiques dans les instances de QS, pouvait avoir un sens à l’époque, mais plus maintenant. Aujourd’hui, le rapport de force a changé.
Nous reconnaissons le mérite des militant·e·s du PQ pour la mise en place de mesures importantes pour la population québécoise, soit l’établissement du français comme langue de travail (loi 101) et la création des CPE. Sauf que ce parti nous a trahis si souvent que nous n’avons aucun intérêt à nous allier avec lui. Nous n’avons pas besoin de nous salir avec le parti de la Charte et de PKP.
Comme l’a dit Manon Massé, nous devons inscrire l’indépendance « dans les préoccupations quotidiennes des gens ». Ce qui est impossible à faire lorsqu’il faut tenter de concilier les contradictions de classe comme le fait le PQ depuis trop longtemps.
QS : enfin sorti de la marginalité
Le long et patient travail des militant·e·s du RAP, de l’UFP et OC a porté ses premiers fruits : l’enthousiasme débordant de milliers de jeunes dans les rassemblements électoraux de QS. Beaucoup de chemin a été parcouru depuis que Michel s’est présenté contre Lucien Bouchard en 1998 ! C’est près de 20 ans d’un travail militant patient pour construire une alternative de gauche et indépendantiste au Québec. Les militant·e·s de Québec solidaire et d’Alternative socialiste poursuivent ce combat avec fierté.
L’objectif de QS pour cette campagne est atteint, soit celui d’augmenter ses appuis populaires, son nombre de député·e·s et surtout sortir de Montréal. Il faut s’en réjouir. Ce n’est pas rien ! Avec les deux victoires à Québec, celle de Rouyn-Noranda et à Sherbrooke nous avons la possibilité de construire des mouvements de luttes dans ces régions.
Mais nous ne devons pas nous fermer les yeux pour autant. L’avenir de QS ne passera pas par des accords médiocres ou des intrigues au parlement, c’est dans la rue que ça va se passer. Nos nouveaux et nouvelles député·e·s doivent utiliser leurs positions au parlement pour mobiliser la rue et construire des mouvements de masse.
N’allons pas dépenser notre argent en relations publiques pour bien paraître devant les médias bourgeois. Créons notre propre média et allons le distribuer aux gens. La voie pour construire un gouvernement solidaire et surtout réaliser son programme passe par la mobilisation de la classe ouvrière dès maintenant. Le mouvement syndical ne peut pas continuer à ignorer la nécessité d’avoir une alternative politique qui défend ses intérêts. Il est temps d’engager des discussions dans nos milieux de travail et favoriser l’appui pour Québec solidaire.
La prochaine campagne électorale de QS doit commencer dès aujourd’hui. Rencontrer les gens sans relâche, faire connaître les idées du parti, manifester avec les travailleurs et les travailleuses, être au premier rang des luttes climatiques, et le plus important, proposer une alternative au système capitaliste actuel.
Construisons nos comités de luttes dans nos quartiers et nos milieux de travail !
Construisons un mouvement de masse démocratique contre l’austérité et le racisme !
Bruno G.
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