Jeet Heer, The Nation, 24 février 2025
Traduction, Alexandra Cyr
Le multimillionnaire de la technologie, E. Musk s’est adressé directement par vidéo conférence à un ralliement du Parti d’extrême droite allemand, l’AFD le 25 janvier dernier à Halle en Allemagne.
Dans le langage de MAGA, les mots « changement de régime » sont des gros mots qui sont souvent reliés aux politiques bipartisanes qui ont fait que les États-Unis se sont empêtrés dans des guerres sans fin. En 2016, D. Trump les a vite élevées au sommet de son mandat ; il était le seul à vouloir dénoncer dans des termes mémorables, G. W Bush qui a échoué dans sa tentative de remodeler le Proche Orient. Par la suite il a dénoncé la tentative de changement de régime en Iran en 2019 puis en 2024. Mme Tulsie Gabbard qui vient d’être nommée à la direction des agences de renseignement américaines, les a férocement critiquées les appelant, « les guerres de changement de régime ». Vendredi dernier, Richard Grenell, envoyé spécial du Président Trump pour des missions particulières, a déclaré à la rencontre de droite, Conservative Political Action Conference : « Avec Donald Trump, nous ne faisons pas de changement de régime ».
Comme d’habitude avec D. Trump et ses copains, il faut s’attarder à leurs agir autant qu’à leurs discours. Il y a souvent une énorme différence entre ce qui est dit et les agissements. Durant son premier mandat, D. Trump a travaillé à un changement de régime au Venezuela mais sans succès. Pour ce qui est de son second mandat, ses registres sont encore pires et plus sordides. Elon Musk, qui doit procéder à une refonte du gouvernement fédéral à titre de directeur du Département de l’efficacité gouvernementale créé par le Président D. Trump, a agi comme porte- parole ad hoc du Département d’État et avec sa position, de plus proche conseiller du Président, a fait la promotion de partis d’extrême droite, certains clairement racistes et néo nazis partout dans le monde. Comme NBC le rapporte :
« Le multimillionnaire exécutif de la technologie, A. Musk, a encouragé des mouvements politiques, des politiques et des administrations de droite, dans au moins 18 pays dans un effort mondial pour mettre fin à l’immigration et défaire les règles qui visent le monde des affaires … ».
E. Musk soulève une grande attention par le bouleversement qu’il introduit dans le gouvernement américain. C’est aussi le cas pour son rôle grandissant en Allemagne où il a dit aux électeurs.trices de dépasser leur culpabilité envers le passé nazi du pays. Ce magnat de la technologie fait sentir son influence dans une longue liste de pays qui grandit toujours.
Parmi les Partis qu’E. Musk à soutenu, on trouve le Parti conservateur du Canada qui, selon les normes des démocraties matures, est plutôt populiste et de droite. Mais son soutien s’est aussi étendu à des régimes et des mouvements qui sont soit autoritaires, (comme le gouvernement de V. Orban en Hongrie) ou ancrés dans le néo nazisme (comme l’AFD en Allemagne). Quand son soutien est allé à des Partis qui ne sont pas au pouvoir, il a promu des renversements de gouvernements en vertu de son statut d’allié très proche du Président américain.
Dans les faits, il a débuté un programme mondial de changement de régime. Que ce soit envers les pays perçus comme ennemis des États-Unis mais aussi envers ses possibles alliés. Le 22 janvier dernier, Bernie Sanders a publié sur X : « E. Musk a soutenu des partis néo nazis dans le monde. Il a interféré dans des élections et utilisé sa puissante plate-forme pour attaquer quiconque ne partage pas ses vues d’extrême droite ». Cette opinion est partagée le Président français E. Macron qui début janvier mettait en garde que E. Musk fomentait : « un mouvement réactionnaire mondial ».
L’idée d’une internationale réactionnaire n’est pas nouvelle. Durant le premier mandat de D. Trump, son conseiller Steve Bannon, maintenant hors service et rival d’E. Musk, a aussi essayé de créer une telle alliance de partis nationalistes et antilibéraux qui comprendraient des figures comme V. Orban ou encore la Française Marine Le Pen. Mais c’étaient des entreprises embryonnaires qui ont stagnées. Il a manqué de ressources, de confiance. L’homme de poids qu’est E. Musk prend en main le même programme avec une frénésie alarmante d’activités.
Dans sa publication sur internet où il condamne E. Musk, B. Sanders met un lien avec une vidéo préparée par son personnel qui met en vedette Matt Duss, un de ses anciens conseillers et maintenant vice-président exécutif du Center for International Policy. Dans cette vidéo, M. Duss présente en détail, l’étendue de la promotion qu’E. Musk fait de dangereux.euses racistes autoritaires :
«
Musk, la personne la plus riche au monde a depuis longtemps soutenu des causes de droite ici aux États-Unis. Sa dépense d’un quart de milliards pour aider à la réélection de D. Trump, en est un exemple. Mais, récemment, il a décidé de porter son projet politique au niveau mondial. Il soutient de nombreux partis d’extrême droite dans plusieurs pays en utilisant aussi sa puissante plateforme pour attaquer quiconque qui ne partage pas ses visions. Commençons par l’Allemagne. En décembre 2024 il a publiquement endossé l’Alternative pour l’Allemagne (AFD) un Parti politique d’extrême droite qui a de profondes racines dans le mouvement néo nazi…
Tout en essayant de présenter une figure plus modérée au cours des dernières années, Alice Weidel, sa codirigeante, déclare qu’elle voit la défaite du nazisme allemand comme « la défaite d’un pays par un ancien pouvoir occupant » plutôt que comme la libération du pays du nazisme cruel.
Il semble qu’E. Musk s’accommode bien de cette position. N’a-t-il pas écrit, « Seule l’AFD peut sauver l’Allemagne » ? Il a louangé ce Parti à répétition et a participé à une rencontre vidéo avec Mme Weidel pour augmenter les chances du Parti lors des élections.
Et ça ne se limite pas à l’Allemagne. Il a constamment attaqué le Premier ministre du Royaume Uni, M. Keir Starmer et récemment il l’a traité de « complice du viol de l’Angleterre. Il en a aussi appelé à ce qu’il soit poursuivi pour fautes criminelles. Il a aussi appelé un autre ministre du travail, « chantre des viols génocidaires ».
Il en a aussi constamment appelé à la libération de Tommy Robinson un membre du Parti ouvertement fasciste, le British National Party. T. Robinson purge une peine pour diffamation envers un jeune réfugié syrien de 15 ans qui avait été violemment agressé à l’école.
B. Sanders et M. Duss font correctement le lien entre le comportement d’E. Musk et le problème plus profond avec l’oligarchie. Les supers riches ont acquis tant de richesses aux États-Unis qu’ils et elles pensent qu’il leur est possible d’utiliser le gouvernement pour promouvoir une attaque mondiale contre la démocratie.
Les nouvelles encourageantes sont à l’effet que la résistance s’installe contre cette promotion de la droite et du fascisme. Au Canada, le Parti libéral qui tirait fortement de l’arrière dans les sondages face au Parti conservateur le rejoint nez à nez. Cette remontée des Libéraux va de pair avec les interventions de D. Trump et E. Musk qui ont menacé d’absorber le Canada, d’en faire le 51ième État américain ce qui a soulevé une remontée du patriotisme. E. Musk a la double citoyenneté américaine et canadienne. Un député du Nouveau parti démocrate au Parlement canadien, Charlie Angus, a mis en marche une pétition réclamant qu’on lui retire sa citoyenneté canadienne.
L’élection législative de dimanche (23 février 2024), en Allemagne, donne une preuve encore plus forte de l’effet de résistance devant la croisade d’E. Musk en faveur de la droite. L’AFD a doublé son score en recevant 20,7% des voix exprimées mais le Parti n’a pas rejoint sa cible de 30%. Il semble bien que les arguments d’E. Musk ait fait mouche.
Il est probable que le prochain gouvernement sera constitué d’une coalition des grands Partis traditionnels : le centre droit, l’Union des chrétiens démocrates (CDU) et l’Union des sociaux chrétiens (CSU) avec le centre gauche du Parti social-démocrate Allemand (SPD). Alors qu’il y a peu de raisons d’être optimistes à propos de cette grande coalition de Partis pro-système, comme cela se présente au Canada et en France, parce qu’elle ne pourra s’attaquer aux problèmes structuraux du pays, au moins l’AFD sera tenu à l’écart du pourvoir. Ces coalitions pro-système, composées de Partis dont l’appui populaire se restreint dans les urnes, devront contenir les Partis de droite contre-système comme l’AFD et de gauche comme le socialiste Die Linke qui a poussé son score à 8,5%.
Étonnamment, Freidrich Merz, le chef du Pari Chrétien démocrate qui sera le nouveau Chancelier allemand, a pris une position forte contre les interférences de D. Trump et E. Musk dans les élections allemandes. Alors qu’il était antérieurement un avocat avoué de l’OTAN, il parle maintenant de l’obligation pour l’Europe de développer une politique étrangère indépendante.
Dimanche (23-2-24), il a déclaré : «
Je n’ai aucune illusion sur ce qui se passe aux États-Unis. Voyez les interventions d’E. Musk dans la campagne électorale … c’est sans précédent. Ces interventions de Washington n’étaient pas moins dramatiques et finalement outrageantes que celles venant de Moscou. Nous sommes sous une énorme pression des deux côtés et ma priorité absolue est de créer l’unité de l’Europe. Mon absolue priorité sera de renforcer l’Europe aussi vite que possible pour que, pas à pas, nous puissions devenir indépendants des États-Unis. Je n’ai jamais pensé que je pourrais dire cela un jour, à la télévision. Mais après les déclarations de D. Trump la semaine dernière, qui sont maintenant claires, les Américains, tout au moins cette partie des Américains, cette administration sont largement indifférents au destin européen »
.
Il va sans dire que F. Merz est un conservateur européen une de ces figures politiques qui était un soutien crucial à l’hégémonie américaine sur le continent et sur le monde. La vieille pratique de l’élite européenne de jouer volontairement les sous-gouverneurs des Américains arrive à sa fin.
Le fait que le Président Trump et E. Musk fassent la promotion de la révolution fasciste est terrifiant. Mais il n’est pas sûr que cela réussisse. Les commentaires de F. Merz indiquent une possibilité de résistance. Les alliés américains d’autre fois, vont de plus en plus se tourner contre de super pouvoir engagé à affaiblir leur démocratie. La méfiance envers les États-Unis pourrait bien augmenter, de même que son isolement et ils pourraient se retrouver affaiblis. La véritable révolution mondiale qu’E. Musk met en marche pourrait s’avérer la fin de la domination américaine dans le monde.
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