Aujourd’hui, l’effondrement de ce qui reste de l’État haïtien est juste une question de temps. Les statistiques donnent froid au dos : les violences sexuelles touchant les enfants atteignent plus de 1000% (mille pour cent), on dénombre 88 000 cas de choléra et le recrutement par les gangs d’enfants soldats est estimé à 70%. Des statistiques horribles auxquelles la grande presse fait rarement écho.
Les cris de ces êtres humains qui subissent massacres, tortures, viols tombent dans des oreilles de sourds. Avec la montée de Donald Trump au pouvoir, l’hypocrisie de la politique internationale étatsunienne s’estompe. La domination impériale qui a toujours déterminé cette politique se montre à nu.
Au moment même où les malfrats tuent par milliers le peuple haïtien et provoquent la plus grande crise humanitaire dans l’histoire du pays, au moment où des armes léthales en provenance des États-Unis continuent d’affluer au pays, le Secrétaire d’État américain Marco Rubio se trouve en République Dominicaine pour négocier l’exploitation des terres rares qui se trouveraient à la frontière des deux pays. Pour l’administration Trump, les intérêts de l’Empire passent avant toute chose ; la vie d’environ 11 millions d’Haïtiens et d’Haïtiennes est une trivialité qui ne mérite même pas d’être mentionnée.
Par ailleurs, l’obsession des gangs criminels à massacrer la population n’a d’égal que la grande indifférence et l’immobilisme du Conseil présidentiel de transition (CPT) et du gouvernement d’Alix Fils-Aimé. Après le carnage de Kenskoff, le premier ministre a reconnu que le gouvernement était au courant de l’imminence de l’attaque sans toutefois expliquer pourquoi rien n’a été fait pour l’éviter et mettre hors d’état de nuire les hordes criminelles.
Le CPT et le gouvernement affichaient la même indifférence lors du massacre des journalistes et policiers au cours de la prétendue cérémonie de réouverture de l’Hôpital General le 24 décembre 2024. Alors que la décision a été discutée en conseil des ministres, aucune disposition n’a été prise pour sécuriser les lieux et les participants à l’événement. Plus d’une dizaine de policiers et journalistes sont morts ou blessés sous les feux nourris des bandits. Au moment où nous écrivons ces lignes, les malfrats étendent leur territoire, avancent inexorablement en massacrant, expropriant, déplaçant ainsi des dizaines de milliers d’habitants des différents quartiers de la capitale et ses environs.
Toutefois, en dépit de l’immobilisme et la nonchalance des autorités, les classes populaires ne plient pas l’échine. Elles résistent au quotidien, avec les moyens dont elle dispose, face aux assauts des gangs. Des milliers de déplacés ont manifesté le jeudi 13 février 2025 dans plusieurs artères de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince. Ils ont dénoncé la complicité des autorités dans la montée en puissance des gangs criminels. Ils ont demandé au gouvernement et au CPT d’arrêter leur politique de faire semblant pour commencer véritablement à mener des opérations dans les fiefs des bandits et d’y installer des bases de la police nationale (PN) (1). Ils réclament également le rétablissement de la sécurité publique pour qu’ils puissent retourner dans leurs quartiers respectifs.
Nous soutenons la mobilisation contre l’insécurité et nous dénonçons avec force l’indifférence et le mépris criminels du CPT et du gouvernement de Fils-Aimé à l’égard de la souffrance du peuple. Au lieu de mobiliser les ressources de l’État pour rétablir la sécurité publique, ils se lancent dans une course effrénée pour trouver les meilleurs stratagèmes pour détourner les fonds publics à des fins personnelles.
L’implication scandaleuse des trois conseils présidentiels dans le dossier de corruption à la BNC n’était que la pointe de l’iceberg : nous savons maintenant que des fonds destinés à l’intelligence sont partagés entre les différents membres du Conseil présidentiel. Dans un tel contexte de corruption généralisée, le budget de guerre annoncé par le CPT et le gouvernement reste introuvable alors même qu’ils étaient prêts à dépenser plus de 300 millions de gourdes pour l’organisation du Carnaval. Alors que plus d’un million de personnes sont réfugiées, plus de 5 millions sont en situation de famine, la population est invitée à traverser les flaques de sang des cadavres et les ruines des quartiers pour aller danser les meringues carnavalesques.
Ce cynisme innommable n’est pas seulement à l’actif du gouvernement et du CPT, la responsabilité incombe également à toutes organisations et partis politiques représentés au sein du pouvoir exécutif. C’est le cas par exemple de Fanmi Lavalas, Accord Montana et organisations affiliées qui publient respectivement des notes d’indignation à la presse, alors que leurs représentants sont en train de jouir des privilèges de ce même gouvernement qu’ils dénoncent. Précisons qu’on trouve les représentants de ces dites organisations à différents niveaux du pouvoir, pas seulement au sein du CPT.
Le Rehmonco tient à dénoncer l’hypocrisie de ces organisations qui contribuent à faire écran aux cris des masses populaires. Il encourage les organisations populaires, les syndicats combattifs, les associations de quartiers et les déplacés à poursuivre la mobilisation contre l’insécurité et le règne de l’impunité dans le pays.
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