Il s’agit d’un parti nationaliste mais non souverainiste. En renonçant à l’indépendance, la CAQ a chipé une bonne partie de l’électorat nationaliste de centre-droit au Parti québécois.
Québec solidaire a connu une croissance assez rapide. Au scrutin général de mars 2007, il récolte 3.64% du vote et à celui d’octobre 20218, 16.8%, au cours de laquelle il a fait élire 10 députés. Les sondages réalisés entre 2018 et maintenant révèlent qu’il évolue dans une fourchette de 11% à 15% du vote. Ce n’est plus une formation marginale mais l’audience du parti demeure encore assez restreinte.
De plus, il a adopté deux positions qui le fragilisent : tout d’abord, sous l’influence d’Option nationale, le principe de l’assemblée constituante dite "fermée" (ouverte aux seuls souverainistes) pour définir un nouveau projet de statut national pour le Québec axé sur l’indépendance en cas d’arrivée au pouvoir, et d’autre part une opposition sans compromis à la loi 21.
L’aile parlementaire accomplit un travail positif d’opposition de premier plan, qui contribue à la relative crédibilité du parti. Mais des tensions internes le secouent souvent. L’aile gauche, d’inspiration marxiste et anarchiste, juge souvent que la direction cède aux sirènes de "l’électoralisme" et l’accuse de vouloir diluer le programme au profit d’une banale social-démocratie pour rassurer et rejoindre des segments de l’électorat moins "avancés". Elle soupçonne donc la direction de "droitisme" par rapport au programme et par conséquent, de se livrer à toutes sortes de manigances pour la faire taire et la marginaliser.
La dite direction et l’aile pragmatique, elles, récusent ce dénigrement, arguant que Québec solidaire risque la marginalisation et à terme, la disparition en incluant dans la plate-forme électorale des mesures jugées trop radicales par bien de électeurs et électrices.
Qui a tort, qui a raison ?
La position des tenants et tenantes de chaque courant de pensée (et eux-mêmes divisés en divers sous-groupes) comporte chacune une part de pertinence et d’erreur.
Il va de soi que si la direction du parti dilue trop le programme pour gagner des parts supplémentaires du "marché électoral", sans tenir compte des critiques de sa gauche, Québec solidaire perdra sa raison d’être. Il dérivera du centre-gauche vers le centre-droit, et peut-être même carrément vers la droite. Beaucoup de membres vont alors le quitter.
Par ailleurs, camper sur des positions pures et dures comme le voudrait l’aile gauche emprisonnerait Québec solidaire dans un ghetto gauchiste où il risquerait l’asphyxie politique.
Les compromis entre des deux tendances s’avèrent nécessaires mais ne seront jamais que relatifs. Les membres du parti ne pourront que s’avancer sur une ligne de crête, en une sorte d’équilibre instable, tantôt sur le versant gauche et à d’autres moments sur le versant droit. C’est le propre de toute formation d’une certaine envergure. La politique électorale comporte des contraintes incontournables.
Il reviendra aux simples membres de trancher en bout de ligne entre les positions défendues par les tenants et tenantes des diverses options en présence, au gré de la conjoncture.
Ce genre de tensions caractérise les formations de gauche dont le but est de transformer la société en faveur des travailleurs et des travailleuses, ce qui provoque nécessairement bien des tiraillements et même parfois des scissions.
Ces débats souvent virulents mettent en lumière les dilemmes que le parti doit affronter pour rester fidèle à ses principes tout en les adaptant aux réalités politiques et électorales. Concilier ces tendances n’est pas chose aisée, car la tolérance (la "culture de la bienveillance" comme on dit à Québec solidaire) et l’esprit de compromis ne sont pas toujours au rendez-vous, en particulier du côté de l’extrême-gauche.
Se cantonner dans une position tranchée et interpréter le programme au pied de la lettre ne peut que vouer Québec solidaire à une opposition prolongée et à d’importants revers électoraux, qui pourront lui être funestes.
Par ailleurs, mettre de côté des parties essentielles du programme et ne présenter à l’électorat qu’une plate-forme fade et détournée de ses objectifs initiaux reviendrait à renier la raison d’être du parti. Il faut donc mettre au point une formule (j’oserais dire une "tradition", toujours à réinventer)) qui allie fidélité à l’esprit du programme et pragmatisme.
Radicalité et pragmatisme : l’avers et le revers de la même médaille...
Jean-François Delisle
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