Édition du 15 octobre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Analyse politique

Québec Solidaire à la croisée des chemins ?

On peut se poser la question non sans inquiétude. D’un sondage à l’autre, le parti piétine entre 14% et 17% des intentions de vote depuis 2022. Il est enfermé dans un ghetto électoral de gauche, ce qui limite son audience auprès d’une majorité de l’électorat. Après avoir connu une montée prometteuse, il plafonne.

Qu’on en juge par sa trajectoire électorale. En 2007, il recueille 3.6% des voix et ne fait bien entendu élire aucun député. L’année suivante, il piétine avec 3.7% des votes mais, surprise !, il réussit à faire élire un député, Amir Khadir. En 2012, il grimpe (modestement) à 6.3% des voix mais cela permet à Françoise David de faire son entrée à l’Assemblée nationale, qui se joint donc à son collègue Khadir. En 2014, Québec solidaire demeure plus ou moins au même point avec 7.6% des voix mais augmente sa députation à trois élus.

C’est en 2018 que se produit le "grand bond en avant" : Québec solidaire rafle alors 16% des votes et gradue à dix élus. En 2022, son appui électoral baisse un peu (15.4%), mais grâce à la répartition de son vote, il hisse à la dignité parlementaire douze députés.

Mais depuis, les sondages indiquent qu’il ne parvient pas à dépasser les 20% des ’intentions de vote, la "zone payante" en termes de nombre d’élus.

Le Parti québécois, lui, suit une trajectoire inverse : en 2012, il fait élire Pauline Marois à la tête d’un gouvernement minoritaire avec 31.9% des voix et cinquante-quatre sièges. En 2014, il baisse à 25% mais conserve tout de même trente élus. En 2018, c’est l’effondrement avec 17,6% d’appuis et dix députés. Finalement en 2022, il baisse encore à 14,6% des votes et seulement trois députés.

Un sondage réalisé peu avant le déclenchement du dernier scrutin ne lui accordait que 9% d’intentions de vote. Mais le dynamisme du nouveau chef Paul Saint-Pierre Plamondon (PSPP) lui a permis de remonter quelque peu la pente et de talonner au final Québec solidaire (14,6% pour le PQ contre 15,4% pour QS).

Depuis, les sondages ne cessent d’illustrer la remontée du parti de PSPP au détriment de son "rival" Québec solidaire, au point que le principal adversaire du Parti québécois n’est plus Québec solidaire mais la Coalition avenir Québec (QS) au pouvoir. En effet, il semble que beaucoup de caquistes, d’anciens péquistes pour la plupart (à commencer par François Legault) ont quitté la CAQ pour rejoindre les rangs du Parti québécois au leadership renouvelé et pour eux, inspirant.

Selon le sondage Léger de juin dernier, le Parti québécois recueillait 32% d’intentions de vote, la CAQ 25% et Québec solidaire seulement 14%, un résultat en dessous de celui de 2018 (16%). Si un scrutin se tenait cette semaine, la formation de PSPP le remporterait et formerait un gouvernement, majoritaire ou minoritaire, mais il se retrouverait au pouvoir. Il est vrai toutefois que le prochain rendez-vous électoral ne se produira qu’en 2026. Il peut arriver bien des choses d’ici là, dont un renversement de la relative popularité actuelle du PQ...

Que conclure de tout cela ? En fait, Québec solidaire se trouve confronté au dilemme classique de tout parti de gauche : camper sur ses principes fondateurs, radicaux, ou alors consentir à faire des compromis plus ou moins importants : diluer quelque peu son "radicalisme" afin d’élargir son audience électorale et se rapprocher du pouvoir. Il s’agit là d’un débat inévitable et souvent à recommencer au sein de ces formations qui veulent réformer en profondeur la société dans un sens progressiste. Ce sont des discussions difficiles et qui laissent fréquemment l’impression aux militants et militantes les plus motivés l’impression que la direction du parti veut trahir la cause au profit de "l’électoralisme". Qui a raison et qui a tort ?

Je hasarderais que les partisans des deux orientations ont raison chacun à leur manière. En politique, les compromis s’imposent mais la ligne de démarcation entre compromis et compromission est parfois difficile à tracer. La vigilance s’impose donc à l’endroit des membres de l’aile dite pragmatique. Par ailleurs, il ne sert à rien de se claquemurer dans une ligne radicale et intransigeante et de se couper par conséquent d’importantes franges plus modérées de l’électorat sous peine de se condamner à une perpétuelle opposition et de risquer, à terme, la disparition. Travailleurs et travailleuses en bénéficieraient-ils ?
Il faut garder nos principes mais savoir les adapter aux circonstances. Les attentes populaires ne se situent pas toujours très à gauche ; tout ceci sans même compter avec les réalités régionales, si contrastées d’une zone à l’autre.

Selon l’expression consacrée (et devenue une platitude), la politique est l’art du possible.

Jean-François Delisle

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