Édition du 25 mars 2025

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Analyse politique

Ukraine, Palestine : même combat ?

Donald Trump menace de s’entendre avec son homologue russe Vladimir Poutine au sujet de l’Ukraine, et menace, à sa manière tonitruante et ambiguë, le président ukrainien Volodymyr Zelensky de le laisser tomber s’il refuse de faire des concessions significatives aux Russes, ce qui s’explique par la poussée néo-isolationniste qui représente la marque de commerce de son administration. Dans la foulée, un certain découplage entre l’Union européenne et les États-Unis se dessine. On peut s’interroger sur l’ampleur de ce courant et s’il perdurera au-delà de la présidence de Donald Trump. Mais il exprime bien une tendance au sein d’une bonne partie de la classe politique américaine et de l’électorat trumpiste.

Trump et sa garde rapprochée incitent les Européens à renforcer leurs dépenses militaires pour faire face à la menace russe, ce qui peut leur rendre service à la longue. En effet, ils devront compter moins paresseusement et moins peureusement sur la protection américaine. Il en résulterait une autonomie accrue pour eux, ce qui leur serait bénéfique à longue échéance. Après tout, les principaux membres de l’Union européenne comme la France et l’Allemagne sont des puissances importantes, et la première possède l’arme nucléaire. Plusieurs pays européens comme la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne sont membres de l’Otan en plus. La Grande-Bretagne est elle aussi une puissance nucléaire. Unis, ces pays et les autres membres de l’Otan de moindre envergure, mis ensemble, ont potentiellement les moyens d’affronter le Kremlin. Il n’est d’ailleurs pas du tout certain que Vladimir Poutine ait l’intention de s’en prendre aux pays membres de l’Otan et de l’Union européenne, car ce serait suicidaire. Comme Trump, Poutine utilise beaucoup la tactique du bluff pour intimider ses adversaires.

Il pouvait envahir l’Ukraine, un pays non membre de l’Union européenne ni de l’Otan sans grands risques, même s’il s’est heurté alors à une résistance farouche qu’il n’avait pas prévue. Il n’agirait jamais ainsi (à moins de perdre la tête) à l’endroit des principaux membres de l’Union européenne et ceux de l’Otan. Les États-Unis ne pourraient alors que jouer leur rôle de soutien aux Européens. Par ailleurs, l’appui militaire et diplomatique dont Kiev a a bénéficié de leur part explique en bonne partie les difficultés du Kremlin en Ukraine.

Selon toute vraisemblance, le gouvernement ukrainien, lorsque des négociations s’amorceront enfin, devra céder du terrain, poussé par Trump et son entourage. S’il est impensable que le président américain puisse imposer au président ukrainien une solution toute faite, concoctée avec Poutine en secret, le second devra renoncer à chasser les Russes de la totalité du territoire national. L’armée russe tient 20% du territoire ukrainien et Moscou n’en rétrocédera qu’une partie, peu importe les pressions éventuelles de la Maison-Blanche et des grands acteurs de l’Union européenne ou de l’Otan. De plus, certains des territoires conquis par les envahisseurs sont peuplés d’une majorité de russophones qui voient d’un bon oeil leur éventuel rattachement à la Russie. Les futures négociations russo-ukrainiennes s’annoncent épineuses et leurs résultats incertains. Mais si le gouvernement de Kiev devra selon tout vraisemblance renoncer à récupérer tout le terrain perdu, Moscou, pour sa part, devra rabattre ses ambitions conquérantes initiales : annexer l’Ukraine. Seul un compromis pourra mettre fin au conflit.
Mais on peut prévoir que l’essentiel du territoire ukrainien (75% ou 80%) demeurera sous la souveraineté de son gouvernement. L’Ukraine ne redeviendra jamais une province russe. Elle va conserver son indépendance, même si celle-ci s’exercera sous haute surveillance du Kremlin. L’Ukraine ne pourra pas rejoindre l’Otan ni l’Union européenne, selon toutes probabilités.

Par là, on constate le contraste avec la Palestine. En effet, il n’existe aucun gouvernement palestinien digne de ce nom (on ne peut qualifier ainsi l’administration agonisante de Mahmoud Abbas qui ne gère vraiment que 20% du territoire), la Cisjordanie ploie sous le grand nombre de colons israéliens (800,000) qui y vivent et ses habitants doivent subir depuis 1967 une interminable occupation militaire, souvent implacable. Tout ceci sans même évoquer la présence dans des camps de réfugiés de multiples exilés dont les grands-parents et arrière grands-parents ont fui la Palestine lors de la Naqba de 1947-1948. Les résistants du peuple occupé sont toujours considérés comme des "terroristes" par les classes politiques occidentales, lesquelles apportent un soutien quasi inconditionnel à Tel-Aviv. L’isolationnisme trumpiste ne concerne pas l’État hébreu.
Cet isolationnisme s’applique à plusieurs secteurs des relations internationales (le gel odieux de l’USAID, par exemple), mais Israël en est épargné. Pourrait-on qualifier les menaces de Trump dans le dossier du conflit russo-ukrainien de demi-abandon vis-à-vis de l’Ukraine ? On comprend la colère, l’amertume et l’inquiétude des Ukrainiens et Ukrainiennes par rapport aux États-Unis. Les Israéliens et Israéliennes, eux, n’ont pas à s’en faire.

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Jean-François Delisle

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